Question de responsabilité : Faut-il s’étonner de la mise en examen d’Agnès Buzyn ?

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La récente mise en examen de l’ancienne ministre de la Santé d’Anès Buzyn invite à réfléchir sur le concept de responsabilité. En effet, être responsable induit des contraintes particulières tant dans la vie quotidienne que dans le champ professionnel.  Selon le Dictionnaire de l’Académie française, La responsabilité est « l’obligation qu’a une personne de répondre de ses actes, de les assumer, d’en supporter les conséquences du fait de sa charge, de sa position, etc. C’est aussi la charge, la mission conférée à quelqu’un par une autorité devant laquelle il doit répondre de ses actes ».

La responsabilité nous concerne tous, que l’on soit ministre ou travailleur social et même simple particulier. D’où l’intérêt de s’attarder sur ce sujet.

La responsabilité relève de plusieurs domaines : l’Éthique et le Droit. Du côté de l’éthique, il s’agit d’un questionnement subjectif sur ce que je dois faire au regard de ma mission. Du côté du Droit c’est une analyse dite « objective » à partir de faits et d’actes posés. Dans ce cadre, il existe plusieurs types de responsabilités :

  • la responsabilité administrative et la responsabilité civile (vise le dédommagement)
  • la responsabilité disciplinaire/ordinale qui sanctionne un manquement aux obligations professionnelles ou déontologiques
  • la responsabilité pénale qui réprime d’une infraction réprimée par le code pénal, le code de la santé publique ou d’autres textes spécifiques

Si vous souhaitez aller plus loin sur ce sujet je vous invite à lire cet article d’Emmanuel Garcin qui fait référence à la responsabilité des psychologues.

Qu’en est-il de la responsabilité des ministres d’un gouvernement ?

En cas de faute grave, un ministre est individuellement responsable et peut être révoqué par le Président sur proposition du premier ministre nous explique le site vie publique.fr mais cela ne suffit pas. Combien de services « couvrent » des fautes graves pour éviter que cela entache l’image même de l’institution concernée ? Cette question peut être posée autant pour la simple association que pour les plus hautes autorités de l’État.

Les ministres ont aussi une responsabilité comptable, car ce sont principalement eux qui ordonnent d’effectuer des dépenses ou des recettes sur les finances de leur département ministériel.

Ils ont comme tout citoyen une responsabilité pénale pour les actes commis dans l’exercice de leurs fonctions. Mais ils ne seront pas jugés comme de simples citoyens. C’est la Cour de Justice de la République (CJR) qui est habilitée à instruire des poursuites à l’initiative des particuliers.

Cette organisation vise à permettre un bon fonctionnement des institutions et de la démocratie avec la mise en place de ce pouvoir judiciaire avec des limites spécifiques liées à la composition de cette cour d’exception qu’est la CJR. (6 parlementaires et 3 magistrats professionnels)

Une question de communication face à une réalité.

Quand on lit dans la presse les commentaires sur la mise en examen d’Agnès Buzyn, on ne peut qu’être désolé des critiques systématiques de ces institutions qui même si elles ne sont pas parfaites, visent à garantir un équilibre des pouvoirs et éviter tous les excès en irresponsabilité. Il est effarant d’entendre des commentateurs (par exemple sur CNEWS) dire n’importe quoi. À chaque mise en examen une guerre médiatique se met en place pour contrer ses effets sur l’opinion. Cela n’est pas nouveau. Le site Vie Publique rappelle les procès mettant en cause de membres de gouvernements dans l’exercice de leurs fonctions :

  • En 1999, dans l’affaire du sang contaminé, la CJR a relaxé Laurent Fabius, Premier ministre à l’époque des faits, et Georgina Dufoix, ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale. Cela avait valu cette phrase désormais célèbre de la part de la ministre « Je suis responsable, mais je ne suis pas coupable »
  • En 2000, elle a relaxé Ségolène Royal, ministre de la Famille, poursuivie en diffamation par des enseignants
  • En 2004, la Cour a condamné, Michel Gillibert, secrétaire d’État aux Handicapés entre 1988 et 1993, « coupable d’escroquerie au préjudice de l’État ».
  • En avril 2010, elle a condamné Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, à un an de prison avec sursis pour complicité d’abus de biens sociaux et de recel.
  • En mai 2011, Christine Lagarde, ancienne ministre de l’Économie, a été reconnue coupable de « négligence », mais dispensée de peine. (Affaire Tapie)
  • En juin 2018, l’ancien garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, a été condamné pour violation du secret professionnel
  • En mars 2021, la CJR a relaxé l’ex-Premier ministre Édouard Balladur, qui était poursuivi pour complicité et recel d’abus de biens sociaux, mais a condamné son ministre  de la Défense François Léotard.

Ce rappel nous montre l’utilité d’une cour de justice qui est pour autant accusée d’être une justice d’exception, symbole d’une justice à deux vitesses. Sa création en 1993 avait pourtant pour objectif de réconcilier l’opinion publique avec ses responsables politiques. Mais selon Cécile Guérin-Bargues, professeure de droit public, ses décisions sont peu convaincantes, les condamnations très faibles, parfois assorties de jugements moraux.

Une chose est certaine, nous sommes tous responsables des actes que nous posons. Cela vaut autant pour un travailleur social, un soignant, un enseignant, un journaliste… Que pour un ministre et même pour un simple particulier…

Il n’y a donc pas à s’étonner que nous puissions être interrogés sur ce que nous avons fait ou n’avons pas fait dès lors que des personnes  ont subi un ou plusieurs préjudices à partir des actes que nous avons posés (ou n’avons pas posés alors que nous sommes en responsabilité).

 

photo : Amélie Tsaag Valren Travail personnel Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, lors du lancement du 4e plan autisme (ou stratégie autisme) le 6 avril 2018. CC BY-SA 4.0

 

 

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