C’est une question que m’avait posé mon collègue et ami Jacques Témintin pour la rubrique « Paroles de métiers » du journal Lien Social. Cette question est pour le moins surprenante au premier abord. En effet, existe-t-il des valeurs dont nous pouvons nous passer au travail ? Pour ma part, je ne le pense pas. Voici pourquoi.
La valeur est «ce en quoi une personne est digne d’estime». C’est aussi le montant de ce qui peut être échangé, donné ou vendu. Évidemment ce n’est pas la même chose.
Quelles sont les valeurs à préserver dans le travail social ? La question est embarrassante, nous insinuons que nous pourrions nous défaire de certaines valeurs pour ne garder que celles qui comptent vraiment. C’est délicat. Faut-il établir une hiérarchie ? Lorsque j’interviens auprès d’étudiants, travailleurs sociaux de demain, je m’appuie sur un présupposé. Ils ont choisi majoritairement de s’engager dans des métiers d’aide parce qu’ils ont des valeurs à l’image de ce directeur commercial, Eric qui, à 44 ans, a fait le choix d’abandonner un travail très rémunérateur pour devenir travailleur social. «je souhaite une vie plus sensée» dit-il. Sans doute aussi une vie qui lui permet de porter les valeurs qui sont les siennes. Cette somme de valeurs constitue en quelque sorte une boussole interne qui est propre à chacun. C’est pourquoi il faut nous entendre sur ce qui fait valeur en travail social.
La récente définition du travail social peut nous aider. Je ne parle pas de celle qui est inscrite dans le Code de l’Action Sociale et de la Famille mais de celle rédigée par le groupe de travail du Haut Conseil du Travail Social. Cette définition fait référence à de multiples valeurs : Le travail social « se fonde sur la relation à l’autre, dans sa singularité et le respect de sa dignité ». «Il s’inscrit historiquement dans les valeurs républicaines, le respect des droits de l’homme et du citoyen et la Constitution. Les principes de solidarité, de justice sociale, de laïcité, de responsabilité collective, et le respect des différences, des diversités, de l’altérité sont au cœur du travail social ».
Reconnaitre l’autre en tant que sujet singulier digne de respect,
Voilà un trait du travail social qui porte des valeurs : le respect, la dignité, la reconnaissance, la singularité. Les valeurs républicaines font aussi partie de l’ADN des travailleurs sociaux Nous sommes attachés aux principes de Liberté, d’Égalité et de Fraternité. Surtout la Fraternité d’ailleurs. Il y a aussi la Justice Sociale, les Droits de l’Homme, le respect des différences, de la diversité et de l’altérité…
La définition internationale du travail social précisé dans un paragraphe entier ce qui relève des valeurs : « [elles] sont basées sur le respect de l’égalité, de la valeur, et de la dignité de tous ». « Les valeurs du travail social font l’objet de codes de déontologie, tant à l’échelon national qu’international ». En effet, les codes de déontologie font aussi appel à ces mêmes valeurs comme celui de l’ANAS.
Les valeurs portent le sens. Qu’elles soient humanistes, morales, républicaines, ou fondées sur le droit, nous en établissons une hiérarchie en fonction à ce qui nous a marqué et tel que nous nous sommes construits. La formation nous aide en cela. Je n’étais plus le même après 3 années d’études qu’avant d’y entrer ? Pourquoi ? Parce que l’on m’avait non seulement transmis un savoir, mais aussi parce que je mes valeurs initiales avaient été mises à rude épreuve pendant ma formation notamment lors des stages. Mes valeurs avaient évolués.
Nos valeurs sont malmenées
Le problème aujourd’hui ne porte pas sur le choix des valeurs, de celles qu’il faudrait accepter d’abandonner pour se recentrer sur celles qui sont essentielles. Non le problème est que ces valeurs sont malmenées, dévoyées parfois et souvent interprétées dans des objectifs peu avouables. A l’image de ces entreprises qui mettent en avant leur éthique pour mieux vendre leurs produits, les valeurs du travail social sont parfois mises en avant et masquent de douloureuses réalités. Le manque de moyens, les organisations défaillantes, la perte d sens de l’action voilà autant de réalités qui mettent à mal nos valeurs.
Pour conclure en deux mots, pourquoi ne pas faire un pas de côté ? J’ai envie de vous suggérer cette phrase du Duc de la Rochefoucaud (1613-1680) auteur d’une maxime intéressante : « La parfaite valeur est de faire sans témoins ce qu’on serait capable de faire devant tout le monde » écrivait-il. Et si finalement la valeur professionnelle et universelle à préserver c’était cela ?
photo : « pexels »
Texte initialement rédigé le 20 septembre 2019
2 Responses
Je vous remercie pour vos info, je trouve ça intéressant ce que vous écrivez.
Je vous remercie beaucoup pour des informations que vous nous fournissiez.