Ce rapport qui vient de paraitre dresse un bilan de l’activité de la Protection de l’Enfance pendant l’année 2020, c’est-à-dire pendant la crise sanitaire. En voici quelques extraits qui, je l’espère, permet d’aller à l’essentiel. Le rapport a identifié la traversée de 4 phases distinctes :
- une première étape avec le premier confinement de deux mois qui semble avoir eu un effet de « mise en cocon » pour certains enfants,
- une étape de sortie de ce confinement provoquant des ressentis d’insécurité et d’incertitude,
- un nouveau confinement aux contours plus flous à l’automne puisque les élèves – hors les lycéens – ont continué à se rendre régulièrement dans les établissements scolaires,
- enfin une période d’apparition progressive des effets sur la population de la crise dans sa durée, avec l’émergence de signaux d’alerte pour les services de protection de l’enfance.
Les rapporteurs font état d’une recherche conduite auprès d’assistants familiaux de sept départements sur l’impact en santé mentale du premier confinement sur les enfants confiés. Il est noté pour cette phase que 37% des enfants ont connu des changements exclusivement positifs (en particulier un apaisement et une plus grande autonomie), 23% des enfants ont fait face à des changements positifs et négatifs, alors que pour 17 % des jeunes les changements ont été exclusivement négatifs (23 % ont considéré que le confinement n’avait rien changé).
Il est précisé que l’effet positif du confinement concerne principalement les enfants de moins de 10 ans (plus spécifiquement les 6-10 ans) et que la présence d’autres adultes en plus de l’assistant familial durant le confinement a contribué à cet effet positif.
Un mal-être bien identifié : les acteurs notent que la suppression des rencontres et le manque de contacts avec leurs parents, l’inquiétude pour ces derniers ont créé pour certains enfants un mal-être et des affects difficiles, aussi bien chez de jeunes enfants en pouponnière que pour ceux de la tranche d’âge des 6-11 ans.
Une augmentation des situations nouvelles à évaluer
Plusieurs territoires font état d’une part de cette croissance du nombre de situations à évaluer au titre des informations préoccupantes, avec d’autre part d’une augmentation des prises en charge après un an de crise
sanitaire. C’est une « enquête flash » portant sur l’observation en matière d’activité des services, à laquelle 41 départements ont répondu qui permet de le préciser
Les trois quarts des départements répondant à l’enquête (32 sur 41) indiquent avoir connu une augmentation des placements sur la période de crise sanitaire. (7 départements n’observant pas d’augmentation). C’est à partir de septembre que le phénomène s’est le plus manifesté ou qu’il est réapparu. Sur les 32 départements observant des augmentations de placement et sur les 23 en mesure de préciser s’ils concernent des enfants déjà suivis ou inconnus des services, 21 indiquent la prise en charge d’enfants qui n’étaient connus initialement des services sociaux
Des difficultés accrues concernant les jeunes majeurs
D’après les associations entendues par l’ONPE, il semblerait que l’interdiction de mettre un terme à l’accompagnement des jeunes majeurs n’ait pas toujours été respectée au sein de départements. Des ruptures sont rapportées pendant le premier confinement, notamment en raison de la saturation des places priorisées pour les mineurs. L’isolement des MNA dans les structures de semi-autonomie ou dans le cadre de prises en charge hôtelière a été particulièrement exacerbé.
La fermeture des services préfectoraux pendant le premier confinement a aussi engendré des retards dans l’instruction des dossiers de régularisation et des difficultés administratives qui ont été parfois de nature à entraver l’insertion professionnelle de ces jeunes. Selon les professionnels interrogés, certains ont par exemple perdu leurs apprentissages faute de récépissé.
Un stress croissant pour ces jeunes et ceux qui vivent en « semi-autonomie » : l’exiguïté des espaces de vie, la promiscuité entre locataires génératrice de conflits, des déficits d’information et de compréhension des diverses consignes et mesures gouvernementales sont évoqués comme source de difficultés s’additionnant aux angoisses des jeunes concernant leurs perspectives, notamment d’insertion professionnelle. Il est souligné au passage le travail intéressant de l’ADEPAPE des Bouches-du-Rhône qui a été très active en mettant notamment en place une ligne d’écoute pour les jeunes.
Plusieurs associations ont fait part d’une augmentation des demandes d’aides diverses notamment relatives à des impayés de loyer (des menaces d’expulsion locatives apparaissant à la sortie du premier confinement) ainsi qu’« une flambée » de l’aide alimentaire à partir du deuxième confinement.
Des pratiques professionnelles nouvelles ou du moins réorientées
La période s’est caractérisée par une attention particulière portée aux enfants confiés ainsi que par un bouleversement des pratiques d’intervention à domicile. Les professionnels soulignent que le premier
confinement s’est traduit par la suppression des contraintes extérieures rythmant habituellement les journées, avec des effets sur les pratiques avec des journées se structurant davantage autour des besoins des enfants. Le confinement a permis à de nombreux enfants de bénéficier d’une augmentation des activités proposées.
Cette période de confinement a nécessité un investissement conséquent du suivi scolaire des enfants par les professionnels de l’hébergement, générant parfois des prises de conscience quant à l’ampleur des difficultés rencontrées par certains enfants confiés. Même réactions du côté des assistants familiaux qui sont cités à cet occasion. Ils parlent d’une « spontanéité retrouvée dans l’exercice de leurs missions ». Néanmoins, les assistants familiaux ont également dû déployer de nouvelles compétences en termes d’accompagnement scolaire, ce qui ne s’est pas fait sans mal précise l’ONPE
L’usage des entretiens téléphonique a facilité les relations avec les parents
Des démarches inédites de recueil d’expériences donnant la parole aux enfants et parfois aux parents ont été engagées par certains services. (ce qui devrait être systématique à mon avis)
Lors du premier confinement les professionnels du milieu ouvert ont maintenu un accompagnement régulier par téléphone avec l’organisation de visites à domicile dans des situations jugées prioritaires. Il est relevé que la relation téléphonique « a permis de clarifier les besoins des parents » et que « les professionnels ont appris à travailler uniquement par la parole et sans l’observation : mieux écouter, mieux faire s’exprimer les parents à partir des observations sur leurs enfants et leur faire confiance »
Il est fait état d’une étude de la DRESS qui indique que plus de 4 services d’action éducative répondant sur 5 ont déclaré avoir pu maintenir les visites à domicile pour une petite partie des enfants concernés. (mais pas tous loin de là). En raison de contextes différents, les professionnels de l’hébergement n’ont pas tous perçu de façon univoque les effets du confinement en termes de recentrage sur leurs missions, certains ayant davantage été confrontés à l’instabilité des effectifs et des organisations. Bref, il n’est pas possible d’en tirer des enseignements valables pour tous.
Pour autant certains professionnels souhaitent voir une évolution des pratiques en termes de prise de risque, s’appuyant sur des expériences de placement éducatif au domicile pendant le confinement ou de nouvelles possibilités d’accompagnement à partir des observations et ressources parentales. pour autant précise le rapport, le constat de l’augmentation du nombre de situations dégradées concernant les enfants rappelle les limites d’une prise de risque imposée par les circonstances.
Des effets sur les organisations de travail.
Les rapporteurs parlent de la « Plasticité des organisations de protection de l’enfance et engagement des professionnels ». La période a été marquée par des simplifications et allégements administratifs. Notamment ceux qui concernent les procédures et circuits de transmissions au sein des services et avec les juridictions. ,
Le raccourcissement des circuits de décision et l’accélération des processus de délégation sont également identifiés et valorisés comme ayant fluidifié les organisations et favorisé les initiatives. Mais cela a surtout concerné la première période de confinement.
Demain nous verrons les chiffres clés de la protection de l’enfance et les principales recommandations de l’ONPE
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