Avec ses 27 pages hors glossaire, le rapport de la commission professionnelle consultative du travail social qui traite du futur schéma directeur des formations sociales n’est pas très épais, mais cela ne doit pas faire illusion : il est dense. C’est un document de référence important à connaître car il préfigure la façon dont les futurs travailleurs sociaux seront formés demain. Et cela doit aller très vite puisqu’il est demandé que les préconisations puissent être mise en œuvre dès la rentrée 2018. La presse professionnelle a déjà rendu compte de ce rapport de façon assez complète et « objective ». Comme l’indique les ASH, ce rapport est assez « consensuel » même si FO et la CGT ont quitté la table des discussions alors qu’ils sont membres de droit de cette commission. Le journal ASH précise là l’essentiel à savoir que « le rapport, fruit d’un consensus et loin d’être révolutionnaire, propose de conserver tous les diplômes actuels et de hisser les cinq diplômes de niveau III au grade licence. Pour assurer la continuité des parcours du niveau V au niveau I, il préconise de créer trois filières professionnelles – « éducative », « sociale », « famille/petite enfance », cette dernière ayant vocation à mieux articuler des formations relevant de ministères différents, et une quatrième filière « management ».
Si vous souhaitez une analyse critique du rapport, il faut aller sur le blog de la section DASES du syndicat SUAP/FSU qui a vite réagi et analysé les aspects qui fâchent tels les stages, le socle commun des compétences et finalement la réarchitecture qui va avec.
Bon pour ma part je serais moins sévère même si, bien sûr, certains aspects peuvent nous interroger. Mais au regard de ce qui avait été initialement annoncé, ce rapport est plus apaisant que clivant et c’est déjà beaucoup.
Quelle « alternance intégrative » ?
Le terme « d’alternance intégrative » reste à mon sens un peu bizarre. Alternance oui bien sûr, mais pourquoi intégrative? Existe-t-il vraiment une alternance qui ne le soit pas ou qui soit même « désintégrative » ? Cette novlangue « techno » pour spécialistes de la formation n’est pas du goût de tous les travailleurs sociaux. En tout cas, comme de nombreux collègues, il me parait important que pour les formations actuelles, les périodes de stages débutent dès la première année (observation et confirmation du choix professionnel) s’étendent lors de la seconde année (apprentissage des pratiques et compréhension fine des problématiques sociales et professionnelles) pour se terminer la 3ème année (en support au mémoire déjà projeté l’année précédente et une pratique de jeune professionnel). Cette alternance là est particulièrement efficace. Mais ce qui est assez insupportable, c’est l’absence en nombre suffisant de terrains de stages liée à de multiples raisons dont celle de la rémunération. (mais il y a aussi la « fatigue » des professionnel(le)s liée à une réelle dégradation de leurs conditions de travail dû aux gels ou diminutions des postes comme cela est le cas dans d’autres secteurs). Il ne faudrait pas que, pour des raisons économiques, certains stages soient supprimés notamment ceux qui sont les plus formateurs, ceux de la deuxième année. C’est un problème délicat et difficile à résoudre, surtout à moyens constants…
Autre élément important : la décision de ne pas proposer la création de nouveaux métiers du travail social à Bac +2 qui auraient pu remplacer dans les collectivités territoriales ceux qui a bac + 3 accompagnent déjà le public. Ce choix est assez appréciable même s’il est possibe que cela évolue ( cela restera possible). Ce n’est pas économiquement des plus simples même s’il faut relativiser quand on sait, comme le précise le rapport que les salaires des travailleurs sociaux sont faibles (sortez vos mouchoirs : 1350 euros pour un travailleur social avec 3 ans d’étude contre 1300 € pour un TS de niveau 4 c’est à dire avec un diplôme équivalent au bac ou un brevet professionnel). Et la suite de la carrière ? La commission rappelle que la progression des salaires au cours de 3 premières année est moindre que pour les diplômés dans d’autres secteur. C’est certain, il vaut mieux « embrasser » la filière administrative que sociale si l’on veut disposer de revenus un peu plus « corrects ». Il y a là une injustice flagrante au regard des contraintes du travail et du stress professionnel bien plus important pour les travailleurs sociaux au regard des missions qu’ils accomplissent et des risques professionnels. Cela est fort peu pris en compte.
Sur l’apprentissage, filière de formation sans doute trop peu considérée, il y a bien une volonté d’accroître le nombre d’étudiants mais cela peut paraître compliqué notamment dans le rapport temps de formation « académique » et pratiques de terrain notamment pour la profession d’assistant de service social. les séquences temps de formation / temps dans l’entreprise (au sens large du terme) n’est pas si équilibré que cela. C’est là aussi un chantier à suivre de près.
Sur les temps communs de formation évalué à 30%, il me semble que cela se pratique déjà dans plusieurs centres de formation. Je ne vois pas là une grande différence avec ce qui se pratique actuellement et cela est plutôt rassurant. Pour autant si le socle commun de compétence est détaillé, il serait intéressant quand même de de préciser les éléments qui ne sont pas communs, ainsi par exemple, la méthodologie d’intervention n’est pas la même selon les professions. Un éducateur, une conseillère en économie sociale et familiale et une assistante sociale n’ont pas les mêmes approches de la personne alors que chacun établit un diagnostic, instaure une relation d’aide etc. La liste du registre 2 des compétences techniques en intervention sociale est longue comme le bras mais l’approche méthodologique semble oubliée. La façon de travailler spécifique par profession est complémentaire et correspond mieux à tel ou tel type de public. Or à moins d’avoir mal lu, cette dimension me parait oubliée, ce qui est un peu inquiétant. Les méthodologies d’intervention distinctes à l’origine ne risquent-elles pas de se fondre en une seule pour à l’avenir nous ramener à la logique du métier unique ? Cela parait tout à fait possible même si cela n’est pas annoncé.
Le choix de proposer 4 filières est intéressant car là pourraient sans doute se décliner nos méthodologies d’intervention: L’éducatif, le service social, la petite enfance sont 3 domaines qui structurent nos métiers depuis longtemps. La filière management est aussi un véritable enjeu quand on sait que de plus en plus de cadres ne sont plus issus du secteur du travail social. Il reste quand même préférable que les encadrements connaissent les méthodologies et puissent aussi conseiller de façon efficace les professionnels qui sont parfois mis en difficulté. Ils ont par exemple à les soutenir et les accompagner lorsqu’ils doivent répondre à des convocations judiciaires ou policières. Une bonne connaissance des pratiques professionnelles est toujours un plus même si cela ne suffit pas toujours. Certes des exemples nous montrent des managements qui ne sont pas issus du terrain, respectueux des pratiques et des compétences professionnelles et qui n’a pas connu un cadre issu du travail social qui devient un piètre encadrant ? Bref même si chaque situation est spécifique, une filière qui dispose de son propre cursus intégrant l’encadrement sera toujours plus solide face à l’adversité.
L’adversité, ne l’oublions pas risque de venir de façon rude. Avril et mai 2017 ouvrent la voie à des changements politiques importants. Nous savons que ceux qui aujourd’hui critiquent les personnes et familles assistés pourront vite faire le choix de demander aux travailleurs sociaux d’intervenir aux antipodes de ce qui nous parait aujourd’hui acquis. Ce qui est promis aujourd’hui pour 2018 pourra sans problème être défait par une nouvelle majorité politique. Pire même, un travail social sécuritaire, centré sur le repérage des risques et l’information aux autorités peuvent mettre à mal toute future relation d’aide. Nous n’en sommes pas là heureusement mais je crains pour ma part que nous ayons à l’avenir d’autres combats à mener pour que les valeurs et les pratiques du travail social puissent être respectées pour le bien des personnes que nous accompagnons.
Il y aurait sans aucune doute d’autres points à aborder mais le temps me manque et il reste important que chacun se fasse sa propre opinion en prenant connaissance de ce rapport que vous pouvez aller chercher ici
Photo : pexels
2 réponses
Bonjour et merci de votre analyse. Juste une petite précision, le lien vers le raport semblant mort, voici après une brève recherche, le lien actualisé http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_cpc_-_remis_a_segolene_neuville_11102016.pdf
Merci, j’ai corrigé le lien sur l’info
dd