À l’issue de la démarche des États généraux du travail social, le gouvernement a adopté un «Plan d’action interministériel en faveur du travail social et du développement social» (octobre 2015). Celui-ci prévoit notamment d’organiser un «Premier accueil social inconditionnel de proximité». C’est ce que nous rappelle la FNARS qui porte ce projet depuis 2011. Mais au delà cette revendication qu’en est-il exactement. Cet accueil n’existe-t-il pas déjà dans certains Départements ? Accueillir, oui bien sûr, mais pour faire quoi ensuite avec quels moyens ?
J’ai l’impression que nous sommes là encore dans la mise en place d’une nouvelle couche du mille-feuille institutionnel déjà existant. Ce projet d’accueil inconditionnel part de constats partagés depuis longtemps avec des délais d’obtention d’un rendez-vous trop longs dans les services sociaux; un « morcellement » de l’accompagnement des personnes lié à la complexité et à l’empilement des dispositifs. Il est aussi reconnu cette difficulté de prise en compte globale des besoins des personnes. L’intervention sociale est considérée davantage réparatrice que préventive; Il est rappelé le taux important de non recours à leurs droits ainsi qu’un nombre croissant de personnes confrontées à des difficultés d’ordre social ; Enfin la FNARS souligne des difficultés pour les professionnels à coordonner leurs interventions.
Est ce que l’accueil inconditionnel peut régler ces difficultés énoncées ? Personnellement je n’en suis pas convaincu. Par exemple le non recours aux droits ne relève pas d’une difficulté de rencontrer un travailleur social ou un service. le travail de prévention ne peut se satisfaire de la logique de guichet, quant au nombre de demandeurs, ne devrait-on pas s’interroger sur les moyens à mettre en face ?
La FNARS n’est-elle pas en train de proposer un service qui est assuré pour une grande part par la « polyvalence de secteur » ? Dès son origine elle avait pour objectif l’accès aux droits, l’accompagnement social global par un seul professionnel qui articulait travail individuel et collectif comme savait si bien le faire par exemple la MSA dans des temps antédiluviens (c’est à dire les années 60 – 80). Ce retour au passé est-il pertinent aujourd’hui à un moment où le désengagement en personnel des grandes institutions sociales est remplacée par des systèmes informatiques que les personnes doivent désormais gérer de chez elles via Internet ? (CAF, Pôle emploi, CPAM / CARSAT…)
En créant une « première ligne d’intervenants sociaux coordonnés », n’est-on pas en train de créer une nouvelle division du travail ? avec des agents spécialisés qui réorientent ensuite les personnes qui auront à raconter une deuxième fois leur histoire pour un travail de fond.
Que dire de l’accueil inconditionnel pour le public relevant de la grande exclusion ? Que nous disent les services de veille sociale ? N’a-t-on pas constaté que les personnes les plus exclues ne vont pas vers les institutions ni les services qui leur sont proposés ? Il faut un lent travail de « re-tissage » de liens en venant patiemment proposer régulièrement de l’aide pour finalement permettre à la personne de devenir actrice de son « devenir »… Ce n’est pas non plus un guichet nouveau qui réglera cette difficulté.
L’accueil inconditionnel existe en grande partie dans mon département et je pense qu’il en est de même dans une majorité d’entre eux. Il est assuré principalement par les professionnels qui interviennent dans les centres médicaux sociaux dans les quartiers mais aussi en zones rurale. Ils reçoivent, conseillent accompagnent ou orientent tous les publics qui viennent solliciter une aide face à une difficulté précise. Une majorité des assistantes sociales sont très attachées à leur mission de service public qui consiste à recevoir toute personne sans aucune forme de discrimination. Certes certains délais de rendez vous peuvent être importants mais cela est dû simplement à un manque de moyens face à une forte demande.
Les CCAS sont eux aussi de la partie. A ma connaissance, ils n’opèrent pas tous de sélection dans la population qui fait appel à leurs services de premier accueil. Et lorsque c’est le cas, ils réorientent vers la polyvalence de secteur ou vers un service spécialisé mais il accueillent quand même. C’est pourquoi cette volonté d’accueillir me parait déjà réalisée dans de nombreux lieux. Certes toutes les zones géographiques ne sont pas couvertes. Certains Départements ont regroupé leur centres d’action sociale et de fait éloigné les travailleurs sociaux des petites communes. Mais s’ils sont dans ce cas, ils ont souvent organisé des permanences décentralisées dans les communes éloignées. Cette distance reste souvent un frein à l’accueil de personnes en difficultés.
Enfin n’oublions pas les CAF (et la MSA) qui ont mis en place les rendez-vous des Droits. Cette action nationale vise justement à répondre à la question de l’accès aux droits de l’ensemble de la population susceptible de bénéficier de prestations CAF et minimas sociaux. Il s’agit d’instaurer 100.000 rendez-vous des droits auprès de publics ciblés, à l’occasion d’une demande de Rsa ou à la suite d’événements générant de la vulnérabilité.
Mais au fait, qui va payer l’accueil inconditionnel ? Ce n’est pas tout de proposer des permanences d’accueil au plus proche de la population, mais cela a un coût. Au moment où tout le monde se désengage, que l’on ne remplace plus les postes temporairement vacants, la liste des financeurs potentiels me parait limitée.
Nous aurons sans doute droit à ce discours fort en vogue qui consiste à considérer qu’il ne s’agit pas d’un problème de moyens mais d’organisation de travail à optimiser. Cela fait 20 ans que les services sociaux optimisent et voient leurs moyens limités. Faire plus à moyens constants, nous connaissons déjà…
Enfin Accueillir c’est bien mais cela ne suffit pas. Que fait-on après ? le « service après accueil » peut-il être suffisamment dimensionné ? Penser un accueil sans vérifier la suite c’est comme si on pensait créer un hôpital avec un service d’accueil des urgence sans services spécialisés derrière pour traiter les maladies une fois qu’elles ont été diagnostiquées.
L’efficacité de tels accueils sera à prouver. Nous ne pourrions pas déjà améliorer l’existant en y apportant des moyens supplémentaires ?
Ceci dit un questionnaire est proposé par la FNARS dans le cadre du groupe de travail national qui traite de l’accueil inconditionnel. Il s’agit de disposer d’un état des lieux de l’existant et de connaitre plus finement les besoins. ce sont des questionnaires à transmettre avant fin mai. Toutes les infos sont dans les fichiers joints
2 La fiche permettant de recenser les pratiques existantes en matière de premier accueil social inconditionnel, à mettre en exergue les réussites et à identifier les principaux points de blocages.
3 Cette fiche complétée ainsi que tous les éléments que vous jugerez utiles (notes, PPT…) aux adresses suivantes : genevieve.colinet@fnars.org et francois.bregou@fnars.org avant le 31 mai prochain.
Photo credit: Hurikat via Visualhunt / CC BY-NC
3 Responses
bonjour,
Je suis assistante sociale de premier accueil social inconditionnel depuis 7 ans au CD du Gard, et je souhaite échanger avec vous sur ce sujet, car je m’inscris en faux sur la plupart de vos remarques.
cette fonction est passionnante, relève d’une qualification de travailleur social et nécessite un savoir faire et un savoir être particulier et qui n’est documenté par aucune théorie. Inconditionnel signifie que je reçois toutes les personnes qui se présentent et demandent à rencontrer une assistante sociale. La moitié des personnes que je rencontre, ne relèvent pas des compétences du CD, et ce public les AS de secteur ne le rencontrent jamais, pourtant mon accueil et mes orientations libèrent plus de temps qu’ils n’en prennent et ont du sens.
Bonjour,
Je ne doute pas qu’un accueil bien mené puisse être intéressant et utile professionnellement. J’ai toujours considéré la pratique de l’accueil comme essentielle. (Cf. la revue française de service social de l’ANAS : L’accueil le 1er acte social ») Ce qui m’interroge est la division du travail qu’il sous tend. D’un coté des travailleurs sociaux qui écoutent, répondent à une 1ère demande, orientent, et de l’autre ceux qui ont des situations dites plus complexes d’accompagnement. Nous voyons à Paris certaines fonctions d’accueil très critiquées par des collègues car leur temps d’intervention est très (trop) limité dans le temps (sinon ce n’est plus de l’accueil simple) et, si cela est trop long, elles doivent passer le relai à une autre professionnelle. Pour moi l’accueil inconditionnel doit rester du domaine de la polyvalence de secteur. Ce qui n’est plus le cas dans le projet de réforme : les CCAS, les CHRS seront peut être demain financés pour assurer ces premiers accueils inconditionnels qui ne relèveront alors plus des Départements uniquement. C’est cela qui m’interroge. En tout cas je n’ai pas de certitudes sur ce sujet et je pose simplement des questions. Je ne vois pas où ni comment je remettrais en cause la pratique des assistantes sociales de secteur qui assurent ces premiers accueils inconditionnels : Dans mon Département la pratique existe mais pas sous forme de guichet. Simplement en prenant rendez-vous au cms. Les secrétaires interrogent les personnes avant le rendez-vous et réorientent si nécessaire. Si la personne confirme sa demande de rencontrer une as après avoir obtenu une simple réponse administrative, aucun soucis… Bref je ne vois pas où est le problème. Mais je ne comprends pas pourquoi le rapport de la FNARS ne fait pas état des accueils menés par les Départements : c’est à mon sens là, la question.
Cordialement
dd
merci de prendre contact avec les travailleurs sociaux d accueil de la Mairie de Paris CASVP puisque le service social de secteur relève maintenant de la compétence du CASVP
vous aurez des nouvelles fraiches et exactes
par ailleurs voir la revue de l anas de 1995 à ce sujet pour l historique