Quand le service social intègre le numérique dans sa pratique d’aide aux personnes qu’il reçoit…

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Je suis intervenu le 16 avril dernier à Toulouse à l’invitation du Conseil Départemental de Haute Garonne à l’occasion d’une demi-journée de réflexion sur les usages des outils  numériques en travail social. J’ai pu y rencontrer des militants d’ATD Quart Monde engagés et sympathiques avec un « parler vrai » qui fait du bien. Ils  nous ont rappelé dans quels types de galères ils peuvent se trouver lorsqu’ils ont à gérer seuls des services d’administration en ligne. Ils ont fait prendre conscience aux quelques 150 professionnels présents l’importance qu’il y a de les aider sur ces sujets sans qu’ils aient à se  sentir jugés. Car maitriser l’internet n’est pas à la portée de tous, il faut bien le reconnaitre.

« Il faut désormais maitriser 2 langages, celui de l’administration et celui de l’informatique »

Comme j’ai pu l’expliquer, les personnes devaient par le passé s’adapter au langage de l’administration qui n’est pas toujours simple pour l’accès aux droits. Certains courriers envoyés aux allocataires utilisent des termes bien difficile à comprendre pour toute personne normalement constituée. Le top dans le langage obscur est sans doute celui de l’administration fiscale même si certains progrès sont à noter. De nombreuses personnes sont d’ailleurs très inquiètes d’avoir à faire prochainement leur déclaration en ligne.  Aujoud’hui , un deuxième langage s’ajoute à celui de l’administration, c’est celui qui accompagne l’utilisation des programmes informatiques en ligne. C’est donc la double peine, pour comprendre ce qui se passe quand un problème se pose. Est-ce que cela vient de l’ordinateur ou du smartphone que j’utilise ? Ou est-ce plutôt un problème administratif qui est mal traité par le logiciel ? Est-ce ma situation particulière qui n’est pas prévue ni programmée ? Est-ce que j’a bien validé ma demande ? Bref si le numérique est utile pour 80 à 90% des personnes qui l’utilisent, ça « buggue » pour les 10% à 20% qui restent souvent sans réponses appropriées. Or 10% à 20%de la population française, cela représente  beaucoup de monde. Il n’est donc pas étonnant que les permanences de travailleurs sociaux soient engorgées à certaines périodes de l’année.

Pour pallier à cela une responsable et une secrétaire d’une maison des solidarités (MDS de Borderouge à Toulouse) ont présenté lors de ce temps de rencontre une expérimentation intéressante. Un poste informatique complet a été installé et mis à la disposition de  tous les habitants du territoire où elles interviennent, public qui utilise les services de la MDS ou non. Cela peut paraitre évident pour certains mais au final cela ne l’est pas tant que ça et peu de services sociaux départementaux proposent du matériel en libre service à l’ensemble des habitants d’une territoire, alors que c’est pourtant fort utile.

Penser le service à proposer aux personne avant de se lancer

Cela a été réfléchi en amont afin de pouvoir répondre au mieux aux besoins de personnes. 1er constat il faut un poste informatique complet, c’est à dire avec une imprimante et un scanner ce qui permet de numériser des documents mais aussi de les imprimer. Ainsi certaines administrations (tel Pôle Emploi) n’ont pas trouvé la nécessité de passer par le papier et laisse les demandeurs d’emploi stocker leur CV sur leurs espaces personnels ou sur une clé USB qu’ils apportent. Au final, certains d’entre eux viennent à la maison des solidarités tout simplement parce qu’ils ne disposent pas d’imprimante et qu’il en ont tout simplement besoin. Bon est-ce au Département de pallier aux carence d’une aministration ? Pas vraiment, mais il s’agit là tout simplement dans cet exemple de rendre service car il arrive parfois que l’on donne son CV de la main à la main voyez-vous… Le zéro papier reste une vue de l’esprit.

Le 2ème aspect important est que – pour l’instant – aucune restriction n’est posée : les personnes peuvent imprimer autant d’exemplaires dont elles sont besoin, accéder à tous les sites possibles et imaginables sans restriction. Utiliser le site du Bon Coin (ou autre) pour trouver une réponse peu chère pour répondre à un besoin, faire appel aux sites de co-voiturage pour se déplacer sans engager trop de frais, tout cela est possible au même titre que l’usage des services de la CAF ou de la CPAM pour ne citer qu’eux. Bien évidemment, les pratiques douteuses ne sont pas autorisées, tel le téléchargement de films et CD musicaux ou encore le fait d’aller sur des sites que la morale réprouvre… Mais bon, pour l’instant le problème ne semble pas se poser.

Le 3ème aspect fait suite à un constat : la majorité des personnes ont besoin d’être aidées. La présence et la proximité humaine sont très importants. Très rapidement secrétaires et travailleurs sociaux ont constaté qu’il faut savoir se rendre disponible. Soit pour utiliser souris scanner et imprimante, soit pour comprendre les questions posées par l’administration via la plateforme numérique. Beaucoup de personnes ont peur de se tromper en ne cliquant pas au bon endroit. Se tromper quand on est sur le site de la CAF ou des impots peut avoir des conséquences redoutables  pour le porte monnaie. Et quand on a peu ou pas d’argent, c’est essentiel. Bref, les personnes qui utilisent ce service ont besoin de conseils et d’aides assez rapidement même si parfois elles ont d’abord tenté de se débrouiller toute seule.

Faire preuve de pragmatisme et de « bon sens »

Les professionnelles de cette Maison des Solidarité (comme de nombreuses assistantes sociales et secrétaires d’accueil d’ailleurs)  sont pragmatiques et ça c’est  vraiment important. Elles ont un objectif : faire les choses simplement sans les complexifier. Cela se percevait bien lors de leur présentation : « Faire avec » en  partageant. Elles ne se considèrent pas comme des expertes mais comme des aidant(e)s généralistes. Et si l’aide doit porter sur un aspect d’un outil qu’elles maitrisent, elles le font tout simplement.

Mais attention cette fonction d’aidant ne doit pas occulter les autres compétences. L’une d’entre elles porte sur leur capacité a partager et transmettre un savoir, de façon facilement compréhensible. La maitrise des règles de la législation sociale en est une autre tout comme la qualité de l’écoute et le fait de ne jamais juger les personnes que l’on en face ou à coté de soi, voilà tout ce qui permet d’intervenir à bon escient.

Comment faire quand on est débordé par les rendez-vous ? Que ça se bouscule dans la salle d’attente ? La maison des solidarités de Borderouge à Toulouse fait souvent face à de fortes affluences et pour autant cette expérimentation  est possible. L’ambiance dans ce centre reste sereine « malgré tout ». Les professionnelles ont mis en place des permanences téléphoniques et des rendez-vous spécifiques pour les nouveaux demandeurs, appelés « plages d’accueil social ». (à Saint-Nazaire les collègues ont fait la même chose ou presque. C’est découpé en 1/2 journée de permanence sans rendez-vous). Ainsi en cas d’imprévu, de situation inattendue, une assistante sociale peut se rendre disponible assez rapidement. Et s’il ne se passe rien la collègue peut réaliser ses « travaux d’écriture » (car il y en a beaucoup dans le métier).

Tout cela est possible quand on permet aussi aux professionnels de s’organiser et de trouver leurs propres réponses aux besoins. La grande majorité des travailleurs médico sociaux est soucieuse de la qualité du service rendu au public qu’il reçoit. Cela fait partie des valeurs partagés par  avec d’autres professionnels de métiers différents. C’est pourquoi on ne peut que saluer de telles initiatives en espérant qu’elles se développent ailleurs.

 

Photo : Présentation de l’expérience de la maison des solidarités de Borderouge à Toulouse

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