L’observatoire national de l’action sociale, l’ODAS vient de présenter les résultats de son enquête sur les effets du premier confinement sur la protection de l’enfance. Cette étude, réalisée l’été dernier, a interrogé près d’un millier d’acteurs de l’enfance et de la famille de toute la France métropolitaine, toutes institutions et métiers confondus. Ce travail a été réalisé par Doris Cholet et Leïla Yacine sous la direction de Didier Lesueur et Jean-Louis Sanchez, en collaboration avec L’Action Sociale, la société organisatrice des Assises Nationales de la Protection de l’Enfance.
Plusieurs aspects de cette étude sont présentés dans ce rapport et sa synthèse : le partenariat entre les services départementaux et les associations, les relations en interne des services de l’Aide Sociale à l’Enfance, de la PMI et du Service Social Départemental, les liens avec les familles, la rédaction des évaluations, les rapports avec l’encadrement etc.
Mais il faut surtout retenir ce que cette période révèle de positif selon les personnes interrogées. Pour 61,7 % d’entre elles le 1er confinement s’est traduit par la mise en place de pratiques professionnelles dites « inventives »
Ce tableau de l’ODAS conduit à se poser la question de ce que l’on met derrière ce terme de « pratiques inventives ». Ce sont expliquent les rapporteurs des initiatives de tout type comme l’indiquent ces exemples
- accueil de répit en crèche,
- partenariat avec les grandes surfaces pour les bons alimentaires,
- Mise en place d’un lieu d’accueil éphémère,
- création d’une équipe mobile IME-ASE,
- Don et réception de matériel informatique,
- livraison de petits déjeuners,
- permanence d’écoute téléphonique,
- cafés « parentalité » en visio,
- bureau mobile dans une camionnette,
- travail avec un « vivier » de volontaires professionnels,
- médiation animale,
- séjours à la campagne,
- etc.
La liste est intéressante, car contrairement à ce que certains semblaient penser, les travailleurs sociaux ne sont pas resté inactifs. Ils ont su travailler en réseau avec les partenaires, développer des pratiques originales et, bien évidemment, se saisir des outils numériques pour répondre aux besoins des jeunes et des familles.
Chacun pris des initiatives, mais beaucoup ont cru qu’ils étaient seuls à le faire. Car agir en télétravail ne se voit pas et devient une pratique peu visible voire complètement invisible. Il suffisait qu’un professionnel ait du mal à joindre un service pour qu’il considère que celui-ci était fermé et ne faisait rien. Or il n’en était rien.
Revenons sur les résultats de l’enquête de l’ODAS. « Alors que la crise sanitaire a souvent induit un rythme de travail soutenu, certains professionnels ont paradoxalement eu l’impression de revenir à l’essentiel, de se recentrer sur leur cœur de métier, à savoir l’action éducative, et d’avoir plus de temps pour interroger leurs pratiques et questionner le sens de leur action ». Ces propos confirment l’analyse de l’ANAS qui dans sa contribution au HCTS explique que les professionnels ont fait preuve « d’agilité » en adaptant leurs pratiques.
“L’urgence a bousculé les routines et a obligé à sortir des sentiers battus, à rechercher des solutions innovantes”, affirme une cadre d’association dont le propos est retranscrit dans le rapport de l’ODAS. « Cette crise a ainsi permis de mettre en place des actions innovantes qui n’auraient, selon les répondants, pas été autorisées ou pensées auparavant. Elle a, d’une certaine manière, obligé à la créativité et à l’action rapide. Certains acteurs regrettent d’ailleurs qu’il faille attendre une crise pour que ces manières de faire émergent et qu’un “bond en avant” soit rendu possible. »
Les éléments « facilitateurs » sont aussi recensés :
- La dématérialisation,
- la simplification des circuits de décision,
- la signature électronique,
- le lien direct avec les partenaires,
- les réunions en visio,
- la baisse des exigences sur les documents à fournir,
Ces éléments parmi d’autres ont apporté de la souplesse et ont rendu l’action possible.
Il ne faut pas pour autant avoir une vision trop « angélique » sur ce qui s’est passé : il faut se rappeler le contexte dans lequel nous nous trouvions. Le matériel de protection individuelle était largement insuffisant, voire totalement absent. Tous ne disposaient pas de téléphone et d’ordinateurs portables. Certains Départements, mieux équipés ont pu mettre en œuvre assez rapidement le télétravail et la visioconférence. D’autres ont vu leurs moyens d’action réduits et ont parfois été longs à réagir en ne donnant aucune consigne. Et puis faut-il rappeler aussi que les travailleurs sociaux n’ont pas été considérés comme des intervenants de première ligne ? Tout était dédié au sanitaire. Ainsi par exemple les travailleurs sociaux ont eu tardivement la possibilité de scolariser leurs enfants (mais pas tous) comme si leurs interventions étaient « secondaires ».
Pour autant les actions innovantes ont bien été là avec un recensement proposé en annexe du document. Il s’agit d’une liste des actions mises en œuvre dans différents Départements. Tous n’y sont pas, certains ont été oubliés malgré leur forte mobilisation, mais l’étude n’avait pas la prétention de tendre à l’exhaustivité. Ces actions sont classées en plusieurs catégories et chaque Département concerné a indiqué l’action engagée en correspondance avec le thème indiqué.
Et demain ?
Une large majorité des personnes interrogées (plus de 71%) souhaite que les « acquis » du confinement deviennent des pratiques pérennes ou du moins que l’on s’en inspire.
Pour autant, il semble que le 2ème confinement n’ait pas véritablement eu les mêmes effets que le premier sur les pratiques professionnelles. Le télétravail s’est mis en place de façon plus différenciée. Les services publics devant rester ouverts, les pratiques distancielles ont certes été maintenues mais elles ont toutefois été moins nombreuses. Il semble aussi que la logique institutionnelle a repris la main « comme avant », avec une moins grande coordination entre les services (et le retour des égos institutionnels). Les exigences administratives sont réapparues avec en corollaire, leurs lots d’incompréhensions.
Cela reste toutefois une première impression qu’il faudra aussi vérifier. En tout cas la lettre de décembre de l’ODAS présente un grand intérêt. Il faudrait que les services s’en saisissent pour réfléchir à l’après second confinement.
Lire la lettre de l’ODAS (décembre) intitulée « protection de l’enfance : Quand le confinement révèle des pistes d’amélioration, synthèse de l’enquête de l’ODAS