Protection de l’enfance : 6 principes qu’il nous faut continuer de respecter

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Les chantiers en cours sur la protection de l’enfance sont nombreux tant du coté du parlement que du gouvernement. Les auditions ont été nombreuses et parfois contradictoires. Or les analyses sont souvent biaisées par des faits d’actualité qui prennent comme généralité des faits isolés ou exceptionnels. Tout cela conduit les pouvoirs publics à ne  plus voir ni mesurer les effets positifs de la protection de l’enfance alors qu’ils existent bien évidemment. J’avais rédigé en 2013 une série de propositions rappelant plusieurs principes qu’il me semble nécessaire de respecter en tenant compte de la réalité. Je me propose de vous les soumettre sachant qu’en la matière, rien n’est simple. Il n’existe pas de recette miracle.

6 principes à respecter lorsqu’un travailleur social intervient dans une famille.

  • 1er principe: le respect des personnes passe par le respect de leurs vies privées. On ne peut, au nom d’une recherche d’efficacité ou d’accès à des dispositifs mettre à nu certains aspects de la vie de tout un chacun.  Nous avons à partager certaines informations, encore faut il qu’elles soient pertinentes et non excessives au regard  des actions engagées. C’est ce que rappelle la CNIL mais qui n’est pas toujours respecté.

  • 2ème principe : le partage d’information en matière de protection de l’enfance a déjà fait l’objet de nombreux travaux tant du HCTS1 que de l’ANESM2. Ceux de l’ANESM datent un peu mais font autorité : tous  rappellent le nécessaire respect du secret professionnel qui fonde la relation de confiance et les règles à respecter dans le partage de l’information. Ainsi l’information, n’est pas une simple donnée mise à disposition de qui souhaite l’utiliser dans sa mission. Elle est protégée et ne peut être transmise que sous certaines conditions. De plus l’information s’inscrit dans un contexte qu’il faut pouvoir éclairer.

  • 3 ème principe : il n’est pas possible d’aider une personne contre sa volonté au risque de porter atteinte à un droit fondamental celui du libre arbitre et du principe de responsabilité de chacun, de la liberté de la personne à faire des choix face à son devenir, même si celle-ci peut inquiéter son environnement. En matière de protection de l’enfance, l’aide contrainte doit nécessairement passer par une décision judiciaire garante du débat contradictoire. 

  • 5ème principe : Des moyens sont à mettre en œuvre notamment lorsque les professionnels s’appuient sur les compétences des parents. Or aujourd’hui, ils manquent cruellement. Le travail de fond ne peut se résumer à une visite mensuelle d’un professionnel ou pire à un simple appel téléphonique. C’est bien trop peu pour soutenir la famille et lui permettre d’avancer. Ce rythme d’une visite par mois est tout à fait insuffisant quand on est inscrit dans une logique de protection notamment lorsque le travail avec la famille est difficile. C’est à se demander si finalement les contacts trop espacés ne font que maintenir un système sans vraiment le traiter et contribuent à « emboliser » les intervenants.

  • 6ème principe : Les personnes accompagnées ont le droit non seulement d’être étroitement associées aux décisions qui les concernent. Elles ont aussi le droit d’être accompagnées par des professionnels clairement identifiés et formés de façon suffisante tant sur le plan de leur capacités technique que relationnelle. C’est un travail qui ne s’improvise pas.

Pour aller plus loin…

Rappelons aussi les propositions  formulées en 2013 par l’ANAS en vue d’améliorer le dispositif de protection de l’enfance.   Elles sont toujours d’actualité et certaines gagneraient à être reprises par les groupes de travail.  il s’agit :

  • d’inscrire comme légale la possibilité de saisine directe du Défenseur des droits par les travailleurs sociaux «en cas de dysfonctionnements institutionnels durables et nuisant gravement à la protection des droits ou mettant en cause l’intérêt de l’enfant».
  • de renforcer les moyens judiciaires d’évaluation des situations complexes
  • d’obliger les intervenants de s’inscrire dans un réel processus de formation continue, en interne comme en externe à l’institution.
  • de travailler au sein des institutions sur le  » trop-d’informations », « la malinformation », sur les informatoins non vérifiées ou déformées ainsi que sur les risques de biais issues de dynamiques de groupes dans les instances. Tout ceci  pour favoriser une évaluation raisonnée.
  • d’ouvrir un débat sur l’établissement d’un principe de « non-sanction et de recherche compréhensive » pour mieux apprendre afin que lorsqu’une enquète est engagée pour comprendre les éventuels  dysfonctionnements tout puisse être dit sans crainte de sanctions administratives ou judiciaires

Voilà pour ces quelques rappels dont certains portés par l’ANAS sont restés lettre morte ce qui entre-nous est bien dommage. Certains aspects ont été pris en considération par le secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance notamment le point portant sur la nécessaire formation continue des travailleurs sociaux. Mais il faut aussi pouvoir aller au delà.

 

1 Haut Conseil Supérieur du Travail Social : consulter à ce sujet cet avis de sa commission éthique

2 Agence Nationale de l’Évaluation et de la qualité des Établissements et services sociaux et médico sociaux : rapport sur « Le partage d’informations en protection de l’enfance » décembre 2010

photo issue de la couverture du livre Stéthoscope en compote,  Chroniques d’un médecin de PMI par Kristell Guével   préfacé par Michèle Créoff paru aux Presses de l’EHESP

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