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Les travailleurs sociaux peuvent-ils prévenir et déceler les risques de suicide ?

Le taux de suicide reste élevé en France. Le journal Santé Magazine nous explique que malgré une baisse ces dix dernières années en France, le nombre de personnes qui mettent fin à leurs jours reste l’un des plus élevés d’Europe. À l’occasion de la journée nationale de prévention du suicide du 5 février dernier, Santé publique France (SPF) a publié les dernières données sur le suicide dont elle dispose. En 2017, près de 5 % des adultes ont eu des pensées suicidaires et plus de 7 % ont fait une tentative. Moins de la moitié des personnes concernées en ont parlé à quelqu’un. Et lorsqu’elles l’ont fait, elles se sont tournées vers un professionnel de santé (54 %), un membre de la famille (46,2 %) ou un ami (40,8 %). L’âge moyen des personnes qui ont fait une tentative était de 29 ans pour les hommes et de 27 ans pour les femmes.

En France L’Observatoire national du suicide (ONS) dépendant du Ministère de la Santé et des Solidarités, publie régulièrement des rapports et des données (DRESS). Celui de Janvier 2018 traite des enjeux éthiques de la prévention et des singularités des suicides à l’adolescence. Vous pouvez en télécharger ici une synthèse.

Il est aussi précisé quels sont les groupes à risque dans la population. Pas de surprise il y a :

Il y a aussi les personnes qui se suicident après des violences conjugales (auteurs et victimes), les personnes âgées, les personnes handicapées qui ne supportent plus leurs conditions ainsi que les minorités sexuelles. Il y a aussi les policiers dont l’acte est facilité par le fait qu’ils possèdent une arme.

Le suicide un sujet qui reste tabou

C’est quelque chose dont on n’a pas envie de parler. Pourtant de nombreux travailleurs sociaux sont confrontés à des personnes qui ont le souhait à un moment ou à un autre de mettre fin à leurs jours tellement la vie leur parait insupportable.  Comment aborder ce sujet ? J’avais interviewé il y a quelques années Viviane Janouin Benanti auteur de « Suicide : mode de prévention ». Voici ce qu’elle nous dit :

« Les travailleurs sociaux peuvent-ils prévenir et déceler les risques de suicide ?

Oui, absolument. On sait que 80% des « suicidants » ou suicidés donnent ou ont donné des signes. Cela ne signifie pas qu’ils vont dire clairement qu’ils vont passer à l’acte, mais on peut détecter les situations à risque. Ces signes sont bien sûr différents selon les âges de la vie. 50 % des suicidés aujourd’hui ont plus de 55 ans. Les personnes âgées forment une tranche de population de plus en plus touchée.

Peut-on parler facilement du suicide face à une personne en détresse ?

70% des personnes qui tentent de se tuer ne sont pas des malades mentaux, néanmoins il est sûr que la crise suicidaire est souvent une période de dépression. Nous avons tous un rôle de relais. Nous avons un rôle à un moment donné mais on ne peut pas aller au delà. Une seule personne ne peut pas empêcher quelqu’un de se suicider. Par contre à plusieurs, chaque intervenant dans son domaine ( travailleur social, médecin, famille, amis… ) peut contribuer à éviter l’acte suicidaire.

Vous préconisez le travail en réseau…

Absolument. C’est d’ailleurs la méthode canadienne. Sur cette question, il n’y a que comme cela que l’on peut réussir. Les Canadiens ont commencé par collecter des données auprès des enseignants, des pompiers, des médecins, travailleurs sociaux, auprès du clergé également, bref auprès de tous ceux qui ont à un moment donné, une position qui permet de détecter les situations à risques ou d’être appeler après une tentative. Cela c’est pour la connaissance. Il y a ensuite 3 axes de travail. Ceux qui ont fait une tentative sont conseillés et orientés vers une association d’écoute qui organise des réunions un peu à l’image de celle des associations d’anciens buveurs. Il y a aussi le travail en réseau auprès des endeuillés, c’est à dire les membres des familles qui ont perdu quelqu’un qui a fait une tentative (qu’elle ait ou non échoué ). Là aussi ces personnes sont réunies et suivies. Parallèlement, il y a la formation des professionnels. Ceux qu’on appelle des « sentinelles ». Chez les pompiers par exemple, il y a des équipes d’urgence spécialisées sur les suicides. Il y a aussi des équipes d’urgence dans les hôpitaux alors que nous, nous n’avons rien prévu. C’est toujours un problème quand il y a eu une tentative de suicide dans un service de réanimation, ça embête tout le monde… Les Canadiens ont tout de suite une équipe d’intervention. Par exemple, ils travaillent en réseau s’il y a un suicide d’un adolescent. Une équipe (association ) arrive sur l’école et va engager des discussions entre enseignants, entre élèves. Il s’agit de cerner le problème et éviter qu’il y ait des suicides en série d’adolescents, ce qui est un phénomène qui n’est pas rare.

 La menace de suicide n’est-elle pas parfois une attente voire un chantage fait à autrui ?

Je pense que la parole est très importante. La parole pour parler du sujet, pour défaire le tabou et puis celle du sujet pour traiter de sa souffrance et pour le proche qui lui aussi est en souffrance. Il sent qu’il y un risque autour de lui, il ne sait pas comment faire et il culpabilise aussi. Il y a des personnes qui renouvellent leur acte. Je pense qu’il faut d’abord toujours le prendre au sérieux car 40% des personnes qui renouvellent une tentative parviennent à mettre fin à leurs jours. Il y en a, effectivement mais ce n’est pas la majorité, qui donnent l’impression de faire du chantage au suicide. Dans ces cas là, ils le disent clairement.

Beaucoup d’hommes se suicident comparativement aux femmes…

C’est exact, c’est le même phénomène en France comme au Canada. Ça s’explique de plusieurs manières. Je pense que les hommes sont confrontés à des situations très stressantes telles en France la perte d’emploi, le chômage. C’est la place et le rôle qu’à l’homme dans notre tradition au sein de la famille. Il est très souvent reconnu que par son travail et quand il le perd, il ne se sent plus utile. La aussi il faudrait pouvoir parler des suicides après la perte d’un travail ou dans le cadre d’un conflit de travail…

Les travailleurs sociaux, professionnels de l’écoute peuvent en parler et aussi se former.

Le sujet ne doit pas être tabou. Le mal de vivre peut toucher toutes les catégories de population et les travailleurs sociaux comme le personnel médical sont aussi concernés. C’est pourquoi il reste important que nous prenions soin des autres mais aussi de nous mêmes. En parler ne provoque pas l’acte au contraire et il faut aussi savoir aller contre les idées reçues sur ce sujet.

 

image : Pixabay

 

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2 Responses

  1. En 2017, près de 5 % des adultes ont eu des pensées suicidaires et plus de 7 % ont fait une tentative. Etrange, certaines personnes tentent donc de se suicider sans y penser?

    1. Bonjour, à ma connaissance ce sont 7% des 5% qui sont passées à l’acte. 5 % de la population a eu à un moment ou à un autre des pensées suicidaires et parmi elles 7% sont passées à l’acte.

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