Il est utile aujourd’hui de rappeler que les travailleurs sociaux agissent tous les jours pour la promotion de la citoyenneté. Certains d’entre eux ne le savent pas ou l’ont peut-être oublié. Il ne s’agit pas d’un débat théorique mais au contraire de quelque chose de très concret. Aussi je me propose de prendre quelques exemples issus des pratiques de mes collègues assistantes sociales qui interviennent en polyvalence de secteur.
Mais qu’est-ce que la citoyenneté ? le site vie publique.fr nous rappelle que la citoyenneté ne se définit pas uniquement d’un point de vue juridique par la possession de la nationalité française et de ses droits civiques et politiques. Elle se définit aussi aujourd’hui comme une participation à la vie de la cité. Cependant, les citoyens n’ont aucun rôle obligatoire à jouer. En ce sens, le statut juridique de citoyen est un statut de liberté. Un citoyen peut choisir de participer (citoyen actif) ou non (citoyen passif) à la vie publique ».
La citoyenneté n’est pas la nationalité : ne pas avoir la nationalité française n’est donc pas un obstacle à la pratique de la citoyenneté. D’ailleurs il existe une citoyenneté européenne.
La définition officielle du travail social votée par l’assemblée plénière du Haut Conseil du Travail Social ne met pas en avant le citoyen mais l’associe aux Droits de de l’Homme, elle parle aussi de la participation citoyenne. : « Le travail social s’inscrit historiquement dans les valeurs républicaines, le respect des droits de l’homme et du citoyen et la Constitution. …/… Dans un but d’émancipation, d’accès à l’autonomie, de protection et de participation citoyenne, le travail social contribue à promouvoir, par des approches individuelles et collectives, la transformation sociale, le développement social, la cohésion de la société. «
Cette approche convient très bien et correspond aux pratiques des travailleurs sociaux qui refusent toute discrimination notamment celle du fait de la nationalité. Certes, les droits des uns et des autres sont différents, mais cela n’empêche pas le travailleur social d’être à l’écoute et de rechercher des solutions avec tous les habitants d’un même territoire, quelle que soit sa nationalité. Si leur mission ne le leur permet pas, ils orienteront et rechercherons un relais avec un autre professionnel ou bénévole.
La pratique du travail social dans les faits consiste à « donner la parole » à la personne, à l’écouter et à lui reconnaître le droit à être considéré en tant que sujet ayant une importance dans la vie de la cité. Ce n’est pas le cas lorsqu’il s’agit de remplir un simple imprimé. Permettre l’accès à un professionnel qui écoute dans le détail, conseille, analyse, propose, explique mais aussi oriente vers les structures et associations contribue à développer la citoyenneté.
Les travailleurs sociaux tentent eux aussi de nouer un lien entre la personne et la société. Ils essaient de « raccommoder » un lien qui est rompu. Celui d’une confiance entre les personnes qu’ils accompagnent et le système social dans lequel elles évoluent. La Justice, la Police, l’Education Nationale, les Services Sociaux, l’Hôpital… Aujourd’hui, toutes ces institutions qui contribuent au « vivre ensemble » sont critiquées, considérées non pas comme inutiles mais comme injustes. En œuvrant pour prendre en compte ce qui est perçu comme une injustice, les travailleurs sociaux retissent des liens et tentent de « raccrocher » à nouveau la personne du système social dans lequel elle vit. Mais ce n’est pas si simple.
Ils constatent souvent l’intolérance et l’individualisme dans les paroles des personnes qu’ils rencontrent : Les allocataires du RSA sont considérés comme des profiteurs, les réfugiés sont perçus comme de possible « terroristes » ou à minima comme des migrants économiques qui vont obtenir un logement ou prendre le travail d’un « citoyen français ». Ces réflexions sont de plus en plus courantes et sont souvent exprimées aux travailleurs sociaux. Faut-il s’en offusquer ? Les personnes exclues sont aussi parfois celles qui sont les plus dures avec celles et ceux qui vivent les mêmes conditions qu’elles. Le témoignage de collègues est assez clair sur ce sujet. Par exemple; les allocataires RSA qui siègent au sein des commissions locales d’insertion sont très souvent plus sévères avec celles et ceux qui ne respectent pas leur contrat d’insertion ou qui tentent d’en éviter certaines contraintes.
Remettre de la tolérance à travers des pratiques de travail social individuelles et collectives est à mon sens une priorité.
Le populisme est bien présent dans les paroles que nous recevons. Il serait important que nous réfléchissions ensemble sur les moyens d’y répondre efficacement. En effet, une absence de réponse peut être rapidement perçue comme un assentiment. Or il semble nécessaire aujourd’hui que nous soyons en capacité à réagir de façon adaptée lorsque des personnes ou des institutions sont critiquées avec des arguments populistes. Il est important de ne pas aller dans le même sens que l’usager sur ces sujets. Nous ne pouvons pas être porteur des valeurs républicaines et en même temps les disqualifier en ne disant rien.
Nous avons des combats à mener. Celui de la défense et de la promotion des valeurs républicaines mérite toute notre énergie et toute notre attention. C’est aussi pour cela que nous avons choisi de nous engager dans nos métiers éducatifs, d’aide ou d’assistance : nous avons à encourager et à promouvoir la solidarité un des piliers de notre pacte républicain. Sans états d’âme et en pleine conscience des difficultés que nous avons à affronter.
photo issue du site « nous citoyens »