Au début de l’année 2024, deux tragiques événements ont mis en lumière les failles du système de la protection des enfants dans notre pays. Lily, 15 ans, a été retrouvée pendue dans sa chambre le 25 janvier 2024 dans le Puy-de-Dôme, tandis que Myriam, 14 ans, a été retrouvée morte dans un appartement en Seine-et-Marne le 25 février, lors d’une fugue de son foyer où elle était placée à l’Aide Sociale à l’Enfance. Ces décès rappellent celui d’un jeune mineur isolé de 17 ans, poignardé à mort par un autre jeune dans un hôtel des Hauts-de-Seine où il était placé, en décembre 2019.
Depuis deux décennies, la protection des enfants se dégrade de manière alarmante. La loi du 5 mars 2007 sur la réforme de la protection de l’enfance a donné une compétence exclusive aux conseils généraux, aujourd’hui départementaux, sans transfert suffisant des dotations de la part de l’État. Cette loi visait à recentrer le civil sur des compétences territoriales, mais elle a entraîné une réduction considérable des moyens éducatifs des services de l’État (Protection Judiciaire de la Jeunesse – PJJ) et a mis fin à la double compétence civile et pénale de la PJJ, instituée depuis 1958.
La loi du 14 mars 2016, censée se concentrer sur la protection de l’enfant, n’a pas été pleinement mise en œuvre. Six ans plus tard, la loi « Taquet » du 7 février 2022 a été promulguée, mais il a fallu attendre deux ans de plus pour que la plupart des décrets d’application soient publiés, notamment celui concernant l’interdiction de l’hébergement hôtelier des enfants. Cette situation montre que les considérations financières priment sur l’urgence de l’accompagnement. En somme, l’État légifère, mais cela ne suffit pas tant que les moyens ne sont pas engagés.
J’ai récemment interrogé des cadres de l’ASE. Ils m’ont confirmé que certaines mesures, comme celle concernant les référents de parcours, n’étaient pas opérationnels dans leurs départements. L’État légifère sans tenir compte des moyens nécessaires pour la mise en œuvre de ses décisions.
Une dégradation qui se poursuit inexorablement.
Malgré la multiplication des lois, décrets et réglementations, les moyens des services sociaux et médico-sociaux diminuent au fil des ans. Pourtant, ce sont les professionnels de ces secteurs qui sont en première ligne pour agir préventivement et rechercher des solutions avec les familles. Ils sont également chargés d’identifier les enfants en danger et d’alerter les autorités lorsque les situations se dégradent dans les familles.
Les mesures prononcées par les juges des enfants s’accumulent, mais ne sont pas mises en œuvre dans de nombreux départements. Aujourd’hui, il faut constater qu’une mesure de protection est engagée avec parfois plus d’un an de délai. Cette situation a de lourdes conséquences : les mesures d’assistance éducative en milieu ouvert restent en attente pendant de longs mois, les situations s’aggravent et les placements ordonnés ne sont pas exécutés. Les enfants placés quand on ne peut faire autrement se retrouvent alors dans des structures inadaptées, avec du personnel précaire et mal formé.
La crise du travail social est bien réelle.
Le manque de personnel éducatif, le turn-over des salariés épuisés et le manque de reconnaissance de la complexité des missions aggravent ces situations déjà désespérées. Il est impératif de revoir les modalités de financement et de pilotage de la protection de l’enfance. Les stagiaires sont découragés et les professionnels courent le risque de burn-out, tant ils se sentent « mal-traitants » en raison de leur manque de moyens. On peut se demander comment certains parviennent à tenir le coup.
Face à cette situation que nombreux trouvent inacceptable et même insupportable, le collectif Justice des Enfants, dont la LDH est membre, a lancé un cri d’alarme en mars pour appeler à la mise en œuvre d’un plan d’urgence humain et budgétaire. Ce plan d’actions doit impliquer tous les professionnels de l’enfance, les travailleurs sociaux, le secteur médico-social, les éducateurs, les professionnels de la justice et, plus largement, les associations de protection de l’enfance. Il est urgent de redonner à tous ces professionnels les moyens d’accomplir leur mission première : protéger les enfants.
Ce collectif est composé des structures suivantes : le barreau de la Seine-Saint-Denis, le barreau de Paris, la Confédération générale du travail (CGT), la Confédération générale du travail Protection Judiciaire de la Jeunesse (CGT – PJJ), le Conseil National des Barreaux, la Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats (FNUJA), la LDH (Ligue des droits de l’Homme), Sud Santé Sociaux, le syndicat de la magistrature, le syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP – FSU), le Syndicat National des Personnels de l’Education et du Social à la Protection Judiciaire de la Jeunesse (SNPES – PJJ/FSU), et le syndicat des avocats de France.
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Une réponse
Bonjour!! Pour sauver le DISPOSITIF de la PROTECTION de L’ENFANCE, il faut en premier lieu supprimer le MANAGEMENT actuel des services, à la fois public et privé-associatif. Terminer tous les postes « d’inactifs » dans la prise en charge éducative des mineurs. Pendant 30 ans, le poste hiérarchique qui m’a guidé dans le suivi des mesures éducatives en AEMO, s’appelait » éducateur chef » et non » chef de service!! C’est l’horreur tous ces Directeurs ( général, adjoint, de pôle, logistique, de communication) des chefs de service, de chefs coordinateurs, etc…..
Merci pour l’attention.