Olivier Noblecourt: «Je comprends l’urgence sociale, mais on ne change pas tout en six mois»
Le délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté a dressé pour Mediapart le bilan de son plan, initié par le président de la République en septembre 2018. Il répond point par point aux reproches avancés par les associations. Il explique ainsi : « Il y a bel et bien eu un rattrapage du RSA, justifié par des années de gel. Le RSA augmente chaque année en fonction de l’inflation ».
Pour Olivier Noblecourt l’augmentation des minima sociaux n’est pas une réponse suffisante ni satisfaisante : « il faut faire le pari de l’accompagnement humain pour tenir la société ensemble et éviter que les plus riches comme les plus pauvres ne fassent sécession dans notre société ». « Non, en un an, nous n’avons pas réglé tous les problèmes » dit-il « Oui, la société est de plus en plus dure avec les plus fragiles, notamment depuis 2008, et c’est une pente que l’on n’a pas réussi à inverser en seulement quelques mois, mais je revendique des avancées concrètes ».
Il explique l’annulation du plan d’économies de 57 millions d’euros, demandé au début du quinquennat au logement d’urgence, puisque dit-il, le gouvernement va consacrer 125 millions d’euros au logement d’urgence jusqu’en 2022, qui viendront compenser ces économies, « même si la totalité de cette enveloppe n’est pas consacrée aux CHRS ». ( ce n’est pas du tout l’avis des associations concernées)
« Sur le champ de l’insertion par l’activité, nous avons fait un effort inouï » explique le délégué interministériel qui défend son bilan après que Médiapart ait rappelé que le financement de l’accompagnement des allocataires du RSA n’avait pas cessé de baisser ces dernières années, passant de 760 millions en 2014 à 560 millions d’euros en 2018. Beaucoup d’autre sujets sont abordés comme la situation des jeunes majeurs, la lutte contre la fraude ou encore la mise en place du RUA… (lire l’interview d’Olivier Noblecourt sur Médiapart)
Personnellement, je trouve qu’Olivier Noblecourt s’en tire plutôt bien face à la journaliste de Médiapart, Mathilde Goanec. Il fait valoir ses arguments et montre sa connaissance de la réalité actuelle des questions liées aux accompagnements et à l’insertion. Mais certains points interrogent notamment quand on constate le manque de place d’accueil en hébergement d’urgence. L’absence de réponses du 115 et la difficulté pour les plus pauvres d’accéder à un logement social ou privé. Bref les besoins restent criants et sont visibles… Si les intentions sont bonnes, elles ne suffisent pas face à l’urgence de la situation.
Suite à cet entretien, les associations répondent à Olivier Noblecourt
La réponse des associations ne s’est pas faite attendre et rappelle une autre réalité : « Les personnes et les familles à la rue ne sont pas non plus dans la cible prioritaire de la stratégie pauvreté » écrivent-elles. Contrairement à ce qui est indiqué, le plan d’économie de 57 millions d’€uros sur les Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) n’est pas annulé par la stratégie pauvreté.
Les CHRS ont subi en 2018 une première coupe très dure de 20 millions d’€ qui n’a jamais été compensée, obligeant certaines structures à licencier du personnel et à réduire l’accompagnement social et les prestations alimentaires proposés aux personnes sans domicile fixe.
Le collectif insiste : «Les plus pauvres sont dans l’angle mort de la stratégie gouvernementale», « Laissant «sur le bas-côté» une grande part des populations précaires, cette politique «ne réunit pas les conditions nécessaires à l’éradication de la grande pauvreté» »
(lire la réponse des associations du collectif ALERTE à Olivier Noblecourt) avec la Fédération des acteurs de la solidarité – FAS, ATD Quart Monde, Médecins du Monde, Emmaüs, le Secours Catholique, la Fondation Abbé Pierre, Petits frères des pauvres et l’ Uniopss)
Louis Gallois, président de la FAS lui aussi est très réservé sur le bilan du plan pauvreté
Interrogé sur Europe 1 au sujet du plan pauvreté, l’ancien grand patron explique : « Il y a une très faible redistribution en faveur des plus pauvres ». « Les deux populations dont le pouvoir d’achat va baisser en 2019 sont les ménages les plus aisés et les ménages les plus pauvres »… Louis Gallois est tout aussi réservé sur dotation de ce plan, qui s’élève à 8 milliards d’euros sur les quatre années à venir. « Je ne suis pas contre le fait qu’on cherche à être plus efficace avec de l’argent », concède-t-il. « Mais il y a une très faible redistribution en faveur des plus pauvres. »
Photo : Olivier Noblecourt lors de son audition par Brigitte Bourguignon – juin 2018 ( photo issue de leurs comptes twitter )