Peut-on prendre soin de l’autre sans prendre en compte la dimension sociale ? La commission Santé de l’Association Nationale des Assistants de Service Social (ANAS) pose cette question dans une tribune à l’attention des décideurs politiques et institutionnels. Or il semble bien que la dimension sociale des soins face à la pandémie ait été la grande absente des mesures prises à l’hôpital.
Les assistants sociaux hospitaliers « oubliés » du Ségur de la Santé
A l’issue de la concertation initiée dans le cadre du Ségur de la santé, les Assistant(e)s de Service Social Hospitaliers (ASSh) ont constaté avec amertume qu’ils ont été oubliés dans la liste des professions exerçant en milieu hospitalier (plus de quarante professions citées). Cela est venu confirmer le manque de considération du gouvernement à leur égard. Cette méconnaissance de leur travail alors que certains médecins ont loué leur travail pendant la première vague de la crise sanitaire leur est très dommageable.
Pourtant, le professeur Louis Bernard chef du service des maladies infectieuses au CHU de Tours est allé jusqu’à considérer ces travailleuses sociales comme des héroïnes de l’ombre. Mais visiblement, elles ne le sont pas pour les pouvoirs publics. Elles sont bien restées dans l’ombre et ne sont pas entrées dans la catégorie des personnes à applaudir et à considérer pour leur travail quotidien auprès des familles de malades hospitalisés parfois dans un état grave. Pourtant, dit ce médecin, « Sans bruit, elles tendent la main aux hommes et femmes pour qui la vie est une bataille permanente. Les malades touchés par le Covid, les grabataires, les oubliés de la société confinés dans leur solitude. Toutes et tous retrouvent un visage, une identité, une âme, lorsque le service social hospitalier les prend en charge ».
Écoutons pour une fois ce que les assistantes sociales hospitalières ont à nous dire.
Depuis de nombreuses années, elles font part des difficultés auxquelles elles sont confrontés. La crise sanitaire est venue les mettre en évidence. Il a quoi être amer à ce sujet car cela ne concerne pas que le manque de moyens.
Il y a à l’hôpital une trop grande centralisation des décisions avec une une administration pesante ayant une méconnaissance du système de santé et des problématiques sociales des patients. Le nombre manifestement insuffisant de lits d’hospitalisation est désormais une évidence ; cela est dû au développement de l’ambulatoire et de la diminution des durées de séjour ; Il leur faut sans cesse faire face à un nombre insuffisant de places ou de possibilités de sorties tant en matière d’accueil, d’orientation que de structures de soins et d’hébergement.
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Elles font aussi état d’un nombre insuffisant de partenaires pour organiser, faciliter et assurer le maintien au domicile des personnes fragiles et vulnérables. Et bien sûr le déficit chronique de personnel dans les services hospitaliers (médicaux, paramédicaux et sociaux) dû au manque d’attractivité des conditions de travail (salaires, déroulements et perspectives d’évolution de carrière, …) en épuise plus d’un(e)
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Bref, les constats ne sont pas très positifs. « Aujourd’hui, à l’issue des négociations du Ségur de la santé, tous les agents travaillant en secteur sanitaire des hôpitaux se voient attribuer une augmentation de salaire de 183 € net. Si nous ne pouvons négliger cet accord, il ne correspond ni à leurs demandes ni à leurs attentes » précise les assistantes sociales hospitalières de l’ANAS. .
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Quelles sont les attentes ?
Les premières d’entre elles portent sont tournées vers les personnes hospitalisées. Il faut « disposer de plus de temps auprès des patients pour leur accompagnement : Il est nécessaire de respecter sa temporalité pour éviter des ré-hospitalisations. « Le temps pour apaiser, rassurer, travailler à trouver des solutions avec les personnes malades ou convalescentes et les familles n’est pas assez valorisé. La complexité, la lourdeur administrative doivent être prises en compte »
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Il est tout autant nécessaire de permettre l’accès de tous aux droits fondamentaux : durant la crise sanitaire, le numérique a pu être un facilitateur d’accès aux droits. Mais il a fallu faire à la place des personnes non seulement malades mais aussi dans l’impossibilité de faire valoir leurs droits via les outils numériques. Pourtant écrivent les ASSh « La vocation du travail social telle que définie par le CASF vise à favoriser l’autonomie et non pas « faire à la place de ». Le développement du tout numérique pourrait exclure et rendre plus dépendants certains publics fragiles ». Cela vaut aussi pour les personnes qui ne relèvent pas de l’hôpital.
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Il y a aussi des demandes exprimées pour les professionnels. Et la première d’entre-elles concerne leur besoin de reconnaissance par leurs institutions et les représentants politiques. Ainsi les ASSh demandent à être associés dès l’élaboration du projet du patient au même titre que les soignants et pas seulement lorsque que la sortie s’envisage ou a été actée.
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Elles demandent aussi de pouvoir travailler dans le respect de leurs valeurs professionnelles, avoir les moyens matériels d’exercer leurs missions (bureau, matériel informatique, abonnements pour la veille documentaire professionnelle, téléphone…) ! C’est à ne pas y croire mais leur demandes portent sur des aspects même d’exercice basique du travail. Avoir un bureau, une ligne téléphonique, des moyens pour s’informer et se former.. Cela permet aussi de mesurer à quel point le manque de considération de ces professionnels est une réalité
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Bien évidemment, elle demandent d’obtenir une « juste rémunération et de meilleures perspectives d’évolution de carrière ». Les professionnels ont des rémunérations trop basses en inadéquation avec le niveau de diplôme (Niveau 6 – Grade Licence), leurs responsabilités, leur place à l’hôpital et plus généralement dans la société auprès des plus démunis.
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« Les Assistants de Service Social ont été reclassés en catégorie A mais la grille de salaires afférente n’est pas à la hauteur de celles des autres personnels hospitaliers de catégorie A ». Il y a là une discrimination d’autant plus choquante qu’elle amplifie les différences de revenus entre les hommes et les femmes à grade égal car la profession est très majoritairement féminine. Tous les discours sur la lutte contre les inégalités salariales Hommes / Femmes peuvent faire grincer des dents tant cette injustice est flagrante. Cela concerne aussi d’ailleurs les grilles de salaires des assistants sociaux de l’éducation nationale et des collectivités territoriales qui à grade égal sont inférieures selon la profession exercée.
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Les modalités d’embauche des Assistants de Service Social contractuels sont variables d’un hôpital à l’autre. Trop souvent, leurs salaires ne sont pas indexés sur les grilles des assistants socio-éducatifs (ASE) mais sur des grilles de catégories inférieures ! Ils peuvent rester plus de 6 ans contractuels avec des contrats renouvelables tous les 3 à 6 mois avant d’envisager une proposition de stagiairisation par voie de concours. La temporalité de l’organisation des concours reste très aléatoire et dépend du bon vouloir de chaque direction. Bref là aussi tout est fait pour que les titularisations aient lieu au compte goutte.
Ces conditions d’emploi maintiennent les professionnels dans la précarité, les conduisant à recourir aux prestations sociales telles que la prime d’activité. Un comble pour des professionnels diplômés qui interviennent auprès des plus précaires.
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« Les Assistants de Service Social hospitaliers demandent un véritable plan de formation de même nature que celui de l’ensemble des autres professionnels de santé (notamment dans les domaines de l’intervention sociale, de la systémie, de la médiation…). Il est indispensable d’avoir plus de moyens, de choix et de facilités pour se former afin de maintenir leurs compétences et d’en développer de nouvelles ». Par ailleurs, il semble important de revoir les modalités d’utilisation du Compte Personnel de Formation (CPF) tant sa forme actuelle est défavorable aux Assistants de Service Social.
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Comment ne pas comprendre après un tel état des lieux qu’il y ait une crise de recrutement ? Le manque de reconnaissance de ces professionnels se pose à tous les niveaux. Même s’il y a en qui s’accomplissent dans ce travail si humain et utile pour les plus fragiles, il y a là de quoi être inquiet pour l’avenir de ce métier.
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lire le communiqué de l’ANAS « Peut-on prendre soin de l’autre sans prendre en compte la dimension sociale ? L’indispensable rôle des Assistants de service social en milieu hospitalier‘
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2 réponses
Eh bén ….c’est toutes les ASS qui se retrouvent oubliées par la Prime SEGUR (merci Mister CASTEX). Lorsque je travaille l’insertion socip orof d’un usager et que je me rends compte que je suis payé à peine au dessus de certains, je me demande si ça vaut le coup de continuer à former les qq étudiants qui souhaiteraient plus tard exercent tant que ASS. Heuruesement que nous ne le faisons pas pour de la « thune ».
ELARGISSONS PLUTÔT LA REVENDICATION A TOUTE LA PROFESSION PEU IMPORTE LE SECTEUR.
A BON ENTENDEUR, merci.
J’ai travaillé à l’hôpital lorsque je suis sortie de l’école . Aujourd’hui je suis à la retraite. C’est désespérant de voir que rien n’a changé entre temps ! Pourtant, j’ai eu l’occasion par la suite de travailler avec des assistantes sociales hospitalières qui ont fait un excellent travail pour les personnes hospitalisées en coordination avec moi et d’autres services ( Sécurité Sociale ,etc….).Quand j’y travaillais , on me disait d’être patiente, que l’hôpital était une vieille dame qu’il ne fallait pas bousculer !!!!!!!