Les idées reçues ont la vie dure. Elles s’opposent aux faits et permettent à ceux qui les émettent de trouver des réponses qui les rassurent. Ainsi comment expliquer ces opinions qui se répandent au sujet de la pauvreté en France. Si l’on croit une majorité de français, les pauvres le sont parce qu’il le veulent bien en refusant de travailler et sont prêts à toutes les manoeuvres pour profiter du système d’aide, d’assistance et de protection. Le travailleurs sociaux savent bien que tout cela est faux. Les données du CREDOC, de Pôle emploi et du secours populaire nous éclairent sur ces opinions qui divisent la population :
- 8.700.000 personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté monétaire (c’est-à-dire avec moins de 977 euros par mois). La pauvreté a augmenté régulièrement depuis 2008 pour atteindre 14,3 % de la population en 2011 (Insee 2014)
- 64 % des français pensent que, s’ils le voulaient, les chômeurs pourraient retrouver un emploi et 44 % estiment que l »aide des collectivités aux familles aux ressources insuffisantes les déresponsabilisent.
- 76 % des personnes interrogées estiment qu’il est parfois plus avantageux de percevoir des minima sociaux que de travailler
- 53 % considèrent que le RSA incite les gens à ne pas travailler… Ils n’étaient que 31 % en 2009
- L’opinion s’est retournée entre 2008 et 2014 ; le nombre de Français qui pensent que l’aide apportée aux familles très modestes par les pouvoirs publics est suffisante a plus que doublé passant de 31 % à 63 %.
- Enfin 37 % des Français pensent que les personnes qui vivent dans la pauvreté n’ont pas fait d’effort pour s’en sortir. En 2009, au lendemain du déclenchement de la crise, ils n’étaient que 25 %
Mon objectif ici est de vous donner les éléments à glisser dans une conversation dès lors que vous êtes confronté à ce type de propos. Rappelons d’abord que ces prises de position sont surprenantes lorsque l’on sait que selon la dernière enquête du Secours populaire, 66% des français disent avoir un proche dans la pauvreté. Cela voudrait dire que, finalement, bien que connaissant une ou plusieurs personnes pauvres, les français estiment qu’elles sont responsables de leur situation.
Pour ce qui pensent que le RSA est un élément de confort qui empêche le les allocataires de retrouver du travail il me semble nécessaire de rappeler une certaine réalité : le Montant du RSA pour une personne seule est de 524 € diminué de 62,90 € lorsqu’elle perçoit une aide au logement. Cela passe à 787 € € si elle a un enfant (- 127,80 € s’il y a aide au logement).. Peut on estimer que l’on vit bien avec cette somme même si on perçoit une allocation logement ? Il est clair que travailler même à mi temps est intéressant d’autant que la prime pour l’emploi, viendra temporairement compléter le salaire lorsque celui ci est trop faible. Bref une personne au RSA n’a pas intérêt ni avantage à se maintenir dans le dispositif sauf si elle vit à la charge des quelqu’un d’autre.
Les personnes ne recherchent pas de travail lorsqu’elles perçoivent les minimas sociaux ? Alors comment expliquez vous qu’elles s’inscrivent tout de même à Pôle emploi ? En effet en 2014 sur les 5.057.000 personnes inscrites 2.270.000 seulement étaient indemnisées par l’UNEDIC. Plus de la moitié des personnes s’inscrivent donc à pôle emploi pour rechercher du tavail sans que cela ait une incidence sur leurs revenus. Il faut donc être motivé puisque l’argument financier n’entre plus en ligne de compte. Enfin vous noterez qu’environ 40.000 demandeurs d’emploi font l’objet chaque mois de radiations administratives. Les études européennes montrent que la France indemnise plutôt bien ses chômeurs. Elle est en 9ème positon devant L’Italie, l’Espagne, Le Portugal, le Royaume Uni et la Grèce. Mais envers de la médaille elle n’indemnise pas tous ses demandeurs d’emploi. C’est même moins de ma moitié comme précédemment expliqué.
Viennent ensuite la question des fraudes. Celles concernant les fraudes aux prestations sociales mobilisent une forte désapprobation pourtant l’Observatoire des non-recours aux droits et services (ODENORE) montre que contrairement aux discours véhiculés dans les médias la « fraude sociale » (des entreprises) s’élève à environ 20 milliards contre 15 à 16 milliards de « fraude aux prélèvements » pour seulement 3 à 4 milliards de « fraude aux prestations sociales ». Un montant à opposer aux 5,3 milliards de non-recours au RSA et aux 4,7 milliards allocations non versées par la CAF.
Odenore rappelle au passage que la fraude fiscale représente 25 milliards par an, soit un chiffre six fois plus élevé que celui de la fraude aux prestations sociales.
crédit photo : The Casas-Rodríguez Postcard Collection Cheers? (c.1908) Vintage real photo postcard, c.1908, uncirculated, divided back, photographer unknown, France.
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