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Parlez du porno à vos enfants avant qu’Internet ne le fasse…

Comment protéger les moins de 18 ans de la pornographie en ligne ? C’est la question que pose le journal la Croix. En effet, le secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance et celui en charge du numérique ont indiqué, le 17 juillet dernier, que le gouvernement souhaitait s’attaquer au « fléau » de l’accès des mineurs à la pornographie en ligne. Une charte de prévention de l’exposition des enfants à la pornographie va être signée en septembre entre les différents acteurs du Net et des représentants de la société civile.

La Croix a interviewé Thomas Rohmer, le président  de l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open) qui alerte depuis longtemps sur ce sujet. (Je l’avais rencontré à plusieurs reprises et nous avions échangé sur la violence des images et vidéos pornos avec leurs conséquences sur la construction du rapport à la sexualité des enfants). Dans cet article réservé aux abonnés du journal, Thomas Rohmer rappelle que l’article 227-24 du code pénal existe bel et bien. Il interdit clairement de diffuser de la pornographie auprès des mineurs, mais il reste lettre morte. Les sites continuent de cibler les plus jeunes dit-il précisant que l’âge du premier visionnage de film porno se situe à 11 ans ! Il préconise l’identification de l’âge des internautes par la communication d’éléments de la carte bleue. Ce qui à mon avis peut être facilement contourné en utilisant par exemple le numéro de celle de ses parents. Rien n’est simple. C’est un sujet délicat. Il n’est pas facile à aborder. Or l’éducation et la parole entre adultes et jeunes est essentielle sur ce sujet.

Le site « le bien public » aborde aussi la question de la nécessaire protection des mineurs et rapporte les propos d’Adrien Taquet : « On constate qu’il y a une forme de banalisation de certains comportements sexuels chez des enfants qui ont 13/14 ans, et j’ai du mal à ne pas faire le lien avec l’accès plus grand aux contenus pornographiques », fait valoir le secrétaire d’État à la protection de l’enfance.

« Il est plus facile d’aller voir des vidéos pornographiques que de s’inscrire sur Facebook » explique Anne De Labouret, auteure avec Christophe Butstraen du livre « Parlez du porno à vos enfants avant qu’Internet ne le fasse« . Elle estime nécessaire de mettre en place des protections techniques et de ne pas donner de portable trop tôt aux enfants. Les parents n’ont clairement pas conscience que les enfants ont accès très jeunes à un contenu pornographique parfois très violent et souvent sexiste. Elle mettait toutefois en garde : « Même si vous prenez toutes les protections techniques qui sont à votre disposition, vous ne pourrez jamais empêcher que les enfants soient confrontés très jeunes à la pornographie parce qu’il y aura toujours les copains ».

Une réalité trop peu abordée

La moitié des adolescents de 15 à 17 ans déclare avoir déjà surfé sur des sites pornographiques, contre 37% en 2013 selon un sondage de l’IFOP publié en mars 2017 [1] pour l’Observatoire de la Parentalité & de l’Éducation Numérique (OPEN), . C’est principalement à l’occasion de l’apparition de fenêtres de publicités qui surgissent quand on consulte des sites illégaux de streaming ou de téléchargements de films ou de séries. 72% des expositions d’enfants à la pornographie sont accidentelles selon l’association Ennocence[2]. L’âge moyen du premier visionnage d’un film X, en principe interdit aux moins de 18 ans, se situerait autour de 14 ans. Ce n’est pas sans conséquences.

Il est courant désormais que des informations préoccupantes signalés dans le cadre de la protection de l’enfance portent sur des situations d’enfants qui miment des actes sexuels ou tentent de les reproduire en utilisant parfois un langage « ordurier ». D’autres témoignent de leur accès à des vidéos pornographiques à la maison et mettent en cause la responsabilité de leurs parents sans vouloir pour autant les dénoncer.

Aujourd’hui, la pornographie est le premier vecteur par lequel les enfants découvrent la sexualité. Les images leur sont imposées à un moment où ils ne sont pas forcément en capacité de les recevoir. Cela peut affecter leur psychisme mais aussi leur laisser croire que certaines pratiques sexuelles de domination sont normales et banales. Le sondage IFOP qui a interrogé les jeunes concernés précise que 45 % des garçons et 43% des filles ont essayé de reproduire des scènes ou des pratiques qu’ils avaient vues dans un film ou des vidéos pornographiques. 73% des garçons au collège pensent que les films X ont participé à l’apprentissage de leur sexualité.

Or la pornographie exacerbe des rapports de domination où la violence est très présente. Aux Etats-Unis, où la production de vidéos est très importante de plus en plus de scènes associent l’acte sexuel et des brutalités pouvant être extrêmes. Des femmes y sont régulièrement frappées, mises dans des positions humiliantes tout en faisant croire qu’elles sont consentantes [3]. Ces attitudes de soumission laissent supposer à l’adolescent que la relation violente et forcée est normale. Elle dégrade son regard qui opère une distinction entre les « filles faciles » que l’on peut ne pas respecter et les « filles sérieuses » qui, pour se faire respecter justement, doivent ne pas se laisser faire et être très fermes avec ceux qui tentent de les conduire dans ces situations.

Comment réagir ?

Il n’y a pas de recette miracle. Il est difficile pour des parents et des éducateurs d’aborder ce sujet sans risque d’incompréhension. Mais seul le dialogue avec le jeune permet d’apporter une réponse qui peut à terme être efficace. Pour cela, il faut que les parents et les adultes ne soient pas eux même dans le déni de cette réalité et du risque. Il leur faut pouvoir se saisir de ce sujet à bon escient, sans moralisation mais avec réalisme. Prévenir vaut mieux que guérir et en ce sens il faut pouvoir expliquer à l’enfant qu’il risque d’être confronté à des images choquantes, voire dégradantes et qu’il ne faut pas qu’il hésite à en parler. Il y a une contradiction entre la pudeur de l’enfant et l’exposition des corps et notamment des parties dites intimes de ces corps qui s’exposent sur les écrans.   Il ne s’agit pas de s’inscrire dans une forme de morale bien pensante, mais d’agir pour que les clichés outranciers de domination masculine ne soient pas perçus comme une norme à atteindre. C’est délicat, compliqué et seul le dialogue quand les conditions s’y prêtent permettent d’agir préventivement en expliquant ce qui est problématique et ce qui ne l’est pas.

 

[1] Les adolescents et le porno « vers une génération youporn » Etude sur la consommation de pornographie chez les adolescents et son influence sur leurs comportements sexuels  mars 2017

[2] http://ennocence.org/

[3] Laura McNally, « Pornography, Violence and Sexual Entitlement: An Unspeakable Truth », ABC Religion & Ethics, mai 2015. https://www.abc.net.au/religion/pornography-violence-and-sexual-entitlement-an-unspeakable-truth/10098248

 

Photo : pixabay

 

 

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