Connaissez-vous cette méthode de prévention des inégalités sociales dès le premier âge ? Parler bambin existe depuis 5 ans. Cette pratique qui vise à favoriser le langage du tout petit s’appuie sur 3 axes pédagogiques proposés aux professionnels de la petite enfance dans le cadre d’une formation-action de plusieurs mois, dispensée à l’intégralité des équipes qui travaillent dans les crèches. Cette méthode peut aussi intéresser tous les travailleurs sociaux qui interviennent dans le secteur. L’agence nouvelle des solidarités actives (ANSA) vient de présenter un bilan de 5 ans d’expérimentation de cette pratique.
Prendre appui sur le plaisir partagé de la conversation.
Cela peut paraitre une évidence, parler à l’enfant dès son plus jeune âge en lui souriant permet d’établir avec lui une communication positive dans laquelle il puise de la matière qui le rend curieux et actif dans ses apprentissages. Cette façon d’aborder systématiquement le tout petit quel que soit son milieu social est un outil de prévention des inégalités qui ne remplace pas le besoin de lutter contre celles ci par d’autres moyens. Mais c’est une façon de les prendre en compte sans stigmatisation ni approche différenciée. Voici les 3 axes ou conseils utiles à mettre en œuvre.
1. Le langage au quotidien : parler avec l’enfant plutôt qu’à l’enfant
Il s’agit pour l’intervenant de se saisir de multiples opportunités pour engager la conversation en s’appuyant sur l’intérêt de l’enfant. Il faut pour cela profiter d’une situation propice pour amorcer la conversation, questionner l’enfant et verbaliser ses actions ; créer des situations nouvelles ou intrigantes, etc. Comment ?
- En mobilisant son attention (nommer l’enfant, se mettre à sa hauteur, etc.).
- En parlant directement avec l’enfant (poser des questions et attendre la réponse, étayage verbal, etc.).
- En encourageant les essais de l’enfant (reprendre le babillage en écho, valoriser ses prises de parole, reformuler ses phrases et redonner le bon modèle de mot…).
- En faisant du tout-petit un interlocuteur privilégié,
Ces stratégies utilisées à tout moment de la journée instaurent une relation sécurisante tout en encourageant son exploration du monde.
2. Des « ateliers langage » mettant en œuvre davantage de lecture interactive pour des « petits parleurs »
De 18 à 24 mois, la période dite d’« explosion lexicale » conduit les enfants à maîtriser environ 50 mots autour de 24 mois. C’est à partir de ce seuil qu’il leur devient possible d’associer deux mots. Attention cet âge peut différer selon le développement de chacun. Il s’agit de s’adapter à son évolution. « Des ateliers langage sont proposés pour les enfants de 22 mois et plus, accueillis dans la structure (en crèche) et semblant encore loin de ce seuil sur la base d’un constat partagé entre les intervenants et les parents
Il est mis en place un temps de lecture interactive assuré par un(e) professionnel(le) avec un petit nombre d’enfants, deux à trois fois par semaine, pendant une durée de trois mois environ. Dans ces ateliers, l’adulte et les enfants échangent autour d’un livre présentant des situations permettant d’engager une conversation pour engager la conversation avec l’enfant qui réagit sur ce qu’il entend et perçoit
3. La coopération avec les familles
Tout cela ne peut fonctionner que si les parents sont étroitement associés à la démarche. Faut-il rappeler que les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants et demeurent leur principale figure d’attachement ? Le rôle qu’ils ont à jouer dans l’accompagnement de leur tout-petit dans l’exploration et l’acquisition du langage est ainsi central. Parler Bambin vise à permettre une continuité des pratiques avec le jeune enfant, du mode d’accueil jusqu’à la maison.
Cela passe par un renforcement du dialogue entre professionnel(le)s et familles autour de la question du langage. Les équipes investissent toutes les occasions du quotidien de la crèche pour partager de l’information et des astuces autour du développement du langage :
- Des temps de transmission quotidiens,
- Des entretiens individuels avec le ou la responsable de structure au premier accueil (crèches notamment)
- La participation de tous aux cafés des parents, lorsqu’ils existent.
Cette méthode prend en compte l’environnement de l’enfant et la participation active des parents sans contrainte ni prescription qui leur échappent. Les parents en étant systématiquement associés apprécient beaucoup ce soutien.
Un bilan de 5 années d’expérimentation
C’est, précise l’ANSA, « une expérimentation sans précédent dans le champ de la petite enfance ». Les résultats qui témoignent d’une forte évolution des pratiques professionnelles. Par contre, le bilan est plus contrasté sur l’impact sur développement de l’enfant, mais cela ouvre de nouvelles pistes de réflexion. Évidemment la crèche ne peut pas tout. Il s’agit d’aller plus loin pour accompagner le développement du langage des enfants. Une des pistes importante se trouve dans le renforcement de la relation entre les professionnel(le)s et les familles, spécialement en soutenant les compétences parentales de manière proactive et bienveillante. C’est une piste qu’il faudrait davantage explorer.
Quelques liens utiles
- Programme national Parler Bambin : après 5 ans d’expérimentation, que disent les résultats ? | ANSA
- Parler Bambin : le réseau national | parlerbambin.fr
- Compte rendu du webinaire « Programme national Parler Bambin : quels résultats ? quelles suites ? »
- Note de l’Institut des Politiques Publiques « Lutter contre les inégalités dès la petite enfance : évaluation à grande échelle du programme Parler Bambin »
Les interviews de 4 acteurs autour du sujet :
- Programme national Parler Bambin : retour sur une expérimentation innovante et d’une ampleur sans précédent (Marguerite Bergès, responsable de projet à l’Ansa)
- Que disent les professionnel.les de la petite enfance sur le programme national Parler Bambin ? (Marie-Agnès Richard, auxiliaire de puériculture et Sophie Mesnard, éducatrice de jeunes enfants)
- Développement langagier du tout-petit : où en est la recherche ? (Nawal Abboub, docteure en sciences cognitives)
- Inégalités sociales : pourquoi faut-il intervenir dès le plus jeune âge ? (Florent de Bodman, directeur de l’association 1001 mots)
Si ce sujet vous intéresse vous pouvez joindre Lucie Poupeau (lucie.poupeau@solidarites-actives.com) et
Fatoumata Cissokho (fatoumata.cissokho@solidarites-actives.com)
La photo est extraite de la brochure du bilan de l’ANSA « Le programme national Parler Bambin, bilans et enseignements de l’expérimentation