Il n’y a jamais eu autant d’enfants sans-abri à Paris
Margaux Menu journaliste au magazine Capital revient sur la sixième édition de la Nuit de la Solidarité. Ce recensement mené par la ville de Paris avec des professionnels et des bénévoles révèle des chiffres alarmants sur le nombre de personnes à la rue. Rien qu’à Paris, de nombreux mineurs ont été recensés. 3.015 sans-abri ont été dénombrés, dont 105 mineurs. Des chiffres bien plus élevés que les années précédentes. En 2022, les bénévoles avaient recensé 2.598 personnes, rappelle le journal Le Parisien.
Cette année, vingt-sept communes de la métropole se sont jointes au mouvement. Au total, les 500 bénévoles mobilisés ont compté 6.633 personnes sans logement. C’est, disent les associations, du « jamais vu ». C’est principalement le nombre de migrants vivant à la rue à Paris qui atteint des records. Ils seraient 2500 à vivre dans les campements de fortune du nord de la capitale, selon France terre d’asile. De nombreux réfugiés sont bloqués à la rue, en raison du manque d’hébergements.
Actu.fr publie une carte qui identifie le nombre de personnes concernées par arrondissement :
La conséquence est un phénomène nouveau à gérer pour les associations : selon elles, 10 à 15% des personnes à la rue qui peuplent ces campements sont des réfugiés statutaires. Le journal Libération apporte des précision sur les lieux où se trouvent les sans-domicile : Les trois quarts des personnes recensées ont été rencontrées dans les rues. Le quart restant est installé dans d’autres secteurs : 269 sur les talus du périphérique, dans des campements et dans des parcs et jardins (+30 % comparé à 2022), 202 dans les bois de Boulogne et Vincennes (+20 %), 195 dans les stations de métro et de RER de la RATP (+18 %), 128 dans les gares de la SNCF (+18 %), 44 dans des parkings (+57 %), 47 dans des espaces du bailleur Paris Habitat et dans les salles d’attente de l’AP-HP (+42 %). (lire l’article de Capital)
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« Le système de protection de l’enfance est affaibli par un État confus et contradictoire »
Dans une tribune publiée par le magazine Marianne, François Durovray, président du Conseil Départemental de l’Essonne, dénonce les contradictions de l’État concernant la protection de l’enfance. Il explique que les départements, vont subir, « coup sur coup, les méfaits de deux annonces qui viennent mettre à mal, non sans absurdité, les efforts de longue haleine fournis en matière de protection de l’enfance » Mais de quoi s’agit-il ?
Il dénonce la condamnation par le Conseil d’État de quatre conseils départementaux – dont celui de l’Essonne qu’il préside. Ces collectivités ont refusé d’accorder des contrats dits « jeune majeur » à des bénéficiaires potentiels frappés d’une obligation de quitter le territoire français (les fameuses OQTF…). Pour lui c’est une injonction ubuesque de former et d’accompagner des mineurs sommés de quitter la France… Bienvenue en Absurdie ! dit le président du Département de l’Essonne.
Il rappelle aussi que depuis la loi « Taquet », le Département a en effet un devoir d’accompagner vers l’autonomie et l’emploi des jeunes confiés aux départements dans le cadre de la protection sociale de l’enfance au moyen notamment de, ce qu’on appelle, des « contrats jeunes majeurs ». Depuis des années, les services de la protection de l’enfance ont permis à de nombreux jeunes de surmonter les difficultés de la vie et de réussir de beaux parcours. François Durovray se déclare « fier de remettre ainsi chaque année les diplômes de fin d’étude aux jeunes de l’ASE (Aide sociale à l’enfance) en Essonne ».
Oui mais voilà, « L’État ne joue pas pleinement son rôle. Nous avons dû prendre en charge 40.000 mineurs étrangers isolés, sans quasiment aucun soutien. » Les Départements ont été confrontés à de nombreuses crises ces dernières années rappelle-t-il. « Nous avons également été confrontés à la défaillance – j’ose le mot – croissante des services de l’État, en assumant la responsabilité d’enfants nécessitant avant tout des soins médicaux (relevant de l’Autorité Régionale de Santé – ARS) ou une réponse pénale (relevant de la Protection judiciaire de la jeunesse – PJJ) et non une prise en charge par le Département ». Bref ‘Etat laisse les Départements se débrouiller sans apporter de moyens suffisants. (lire la tribune dans Marianne)
Néolibéralisme et impact du travail sur notre psychisme
Une journée d’étude a été consacrée récemment à Toulouse aux liens entre travail, néolibéralisme et subjectivité. Le film « Un autre monde » a été projeté en présence du co-scénariste Olivier Gorce, suivi des interventions du psychanalyste Marie-Jean Sauret et du spécialiste de la souffrance au travail Christophe Dejours. Yves Faucoup, que beaucoup connaissent ici, a rédigé un compte rendu de cette journée qu’il publie sur son blog Médiapart. Il y a beaucoup à dire sur ce sujet.
Lors de cette rencontre, Olivier Gorce a raconté la genèse de son film. Il a recueilli de nombreux témoignages de cadres dirigeant qui ont tous connu un burn-out. Son but était de comprendre comment fonctionne un cadre confronté à de fortes injonctions, dont la plus violente consiste à licencier 10 % du personnel, pour améliorer la rentabilité des revenus des actionnaires.
Christophe Dejours qui a beaucoup écrit sur les conditions de travail, la souffrance et la violence dans le travail, a de son côté tenu des propos très forts à l’encontre du néolibéralisme qu’il a tenté de définir. Selon divers auteurs et philosophes : c’est une théorie politique et sociale qui lutte contre le l’esprit des lumières, contre le christianisme, le socialisme, la planification, et contre l’État-Providence. Son but est d’établir la loi du marché et la concurrence généralisée entre les humains de façon à assurer aux créateurs de richesses la « liberté » d’entreprendre. Le néolibéralisme dans le travail s’est traduit par tournant gestionnaire. Les ingénieurs et les gens de métiers ont été évincés et remplacés par les gestionnaires obnubilés par la gouvernance du chiffre.
C’est la stratégie de l’ignorance, explique Christophe Dejours. Les élites sont formées à ne pas savoir penser ! Dans les écoles de commerce, de management, d’ingénieurs, on n’apprend plus les sciences du travail. Idem à Polytechnique, où on n’apprend que la gestion, le management : les meilleurs terminent à Goldman Sachs. Il donne de multiples exemples sur les méfaits de cette forma d’organisation. Même si nous désapprouvons le système, nous sommes amenés à le servir. « Ce sont les ordres, on peut pas faire autrement », même les chefs disent ça. Et quand il s’agit d’évaluer, chacun est là à faire rentrer dans des cases, à faire du zèle.
Pour continuer de servir, il faut arrêter de penser. « Si j’arrête de penser, je protège mes intérêts personnels et …/… j’entre dans la compétition généralisée ». Dans son compte rendu Yves Faucoup décrit minutieusement ce processus qui nous emmène vers une servitude volontaire au bénéfice des plus puissants. (Et si « la grande démission » entrait dans ce refus de servir une cause que l’on considère inconscemment comme néfaste pour le vivre ensemble ?) (lire l’article d’Yves Faucoup sur son blog Médiapart)
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