qu’est-ce qu’être un bon parent ? Voilà une question forcément réductrice à laquelle il est bien difficile de répondre d’autant qu’il est demandé au travailleurs sociaux de s’appuyer sur les compétences des parents lorsque ceux-ci font appel à eux. Il ne leur faut pas pour autant faire l’impasse sur les comportements de certains qui, sans forcément le vouloir, marquent durablement le devenir de leur enfant. Ma pratique professionnelle m’a conduit à rencontrer des parents dont les attitudes, conscientes ou inconscientes ont perturbé de façon durable le développement de leurs enfants. Tentons là d’identifier ce qu’il faut éviter sans pour autant juger. Connaitre ces pratiques qui marquent durablement les enfants, c’est aussi se donner les moyens d’être vigilant soi-même sur ce que nous leur transmettons.
1- Certains parents « impriment » dans l’imaginaire de leur enfant des caractéristiques liées aux genres masculin et féminin. Cela peut se traduire par l’achat des jouets mais cela passe aussi par l’image de l’autre sexe : par exemple l’idée du « prince charmant » qui va protéger toute sa vie grâce à sa force et à sa richesse sa future « princesse ». C’est un grand classique de la construction des futures place de chacun transmis par le parent. Les tâches ménagères et les jouets qui vont avec, l’utilisation de la force voire de la violence pour les petits garçons parfois témoins des actes de leurs pères sont autant de modèles dont certains marqueront pour longtemps ceux qui grandiront avec. Les parents transmettent des valeurs souvent de façon inconscientes. Nous sommes tous et toutes prisonniers de ce phénomène. Cela nous invite à réfléchir en permanence sur ce que nous donnons à voir de l’autre sexe et des rapports entre-eux. Nous ne sommes pas là dans une quelconque théorie du genre mais dans la distinction des futurs rapports entre des hommes et des femmes.
2- L’attribution des caractéristiques d’un adulte sur un enfant. « Tu es comme ton père », « tu n’a rien appris à l’école et tu sera chômeur dans la vie ». Qui n’a pas entendu des phrases données par un parent en direction de son enfant qui lui annonce des traits de caractère face auxquels il ne peut rien faire ? Tout s’explique : « il fait des bêtises, il est comme son père ou son frère, il réussit à l’école, il est comme sa sœur » Finalement le comportement de l’enfant ne serait lié qu’à des éléments prédéterminés qui relèveraient de la transmission génétique. L’éducation n’y pourrait rien. Cela provoque aussi une déresponsabilisation aussi bien du coté du parent que de l’enfant. Les enseignants sont fréquemment témoins de ces phénomènes d’auto-justifications.
3- Nous avons aussi à faire avec des parents qui souhaitent que leurs enfants deviennent ce qu’il n’ont pas réussi à être quitte à leur mettre une pression très (trop) tôt, tant sur les résultats scolaires que sur la pratique sportive, culturelle ou professionnelle. Cela fonctionne plutôt bien quand l’enfant adhère au projet parental mais souvent la révolte gronde à l’adolescence et les conflits peuvent dégénérer. Finalement dans ces situations, le parent n’écoute pas le désir et les attentes de son enfant mais plutôt les siens.
4- ors de sépration de couples le parent « abandonné » qui, avec beaucoup de reproches à l’encontre de celui qui est parti, peut avoir tendance à faire porter sa peine sur l’enfant qu’il a en charge. « Toi, au moins tu ne m’abandonnera pas ! ». L’enfant est aussi positionné comme le confident, celui à qui l’adulte partage tout de sa vie. L’enfant est alors « adultifié ». Il n’est plus à sa place et se considère lui-même comme un jeune adulte. Un phase extrême est quand le parent parvient à convaincre son fils ou sa fille de témoigner pour porter accusation à l’encontre du parent absent du foyer. L’enfant veut rester loyal, il est souvent contraint de faire des concessions et aménage ce qu’il dit en fonction du parent présent. Il veut souvent faire plaisir aux deux et peut parfois être pris dans des contradictions qui le mettent à mal. Je me rappelle une situation extrême d’une mère annonçant à sa fille jeune majeure qu’elle allait se suicider si celle-ci quittait son domicile pour aller vivre avec son ami. Cette jeune fille, pourtant financièrement autonome avait préféré rompre plutôt que de prendre le risque de porter une telle responsabilité. Elle n’a malheureusement été libérée qu’à la mort de sa mère victime d’un accident. Ce n’est qu’après ce décès qu’elle a pu nouer une relation lui permettant de vivre en couple.
5 – Le parent absent. Il peut être présent au foyer mais totalement désintéressé par ce que fait son enfant. Il y a là plusieurs figures. La première est assumée. Nous sommes la dans la situation du parent qui estime que chacun vit côte à côte et que cela est très bien ainsi. L’enfant se débrouille. Il va ouvrir le frigo quand il a faim, il passe de longues heures devant la télé ou sur internet. Bref il vit à coté de ses parents mais pas avec. Souvent la crise survient quand l’école constate des absences régulières non expliquées, un désintéret du parent qui souvent ne fait que reproduire ce qu’il a lui même vécu. La seconde figure du parent absent est celui qui l’est réellement physiquement. L’enfant peut alors lui attribuer toutes les caractéristiques que son imaginaire voudra bien lui donner. Je repense à ce gamin qui m’avait expliqué que son père était un agent secret et qu’il était en mission. Cela expliquait bien pour lui cet abandon de domicile qui durait déjà depuis plus de 2 ans…
6- Celui ou celle qui ne croit pas en son enfant et qui le dévalorise systématiquement. Cela fait des dégâts. Nous entrons là dans le champ de la maltraitance. Une mère a récemment expliqué que son fils était dans l’incapacité de réussir à l’école. Et, grand paradoxe, de leur coté les enseignants ne tarissaient pas d’éloges pour ce jeune qui avait de très bon résultats et s’intégrait plutôt bien. Face à ce constat qui ne lui convenait pas, elle avait décidé de changer d’établissement scolaire avant d’annoncer à l’éducateur qu’elle avait l’intention qu’il arrête sa scolarité dès ses 16 ans révolus pour aller travailler. Cette attitude peut apparaître surprenante alors qu’il y a tant de parents qui se mobilisent pour que leur enfant réussisse à l’école. Mais cette façon de dévaloriser l’enfant n’est pas isolée. Certains enfants sont convaincus qu’ils « ne valent rien » qu’ils « deviendront chômeurs ou délinquants ». Il leur manque principalement un adulte qui croit en eux, et dans leurs capacités. Il y a atteinte à l’estime de soi.
Il existe sans aucun doute d’autres figures de parents qui agissent de façon négative dans l’éducation de leurs enfants. Je n’ai pas abordé ceux qui les invectivent à longueur de temps, les insultent, ceux qui les frappent tous les jours avec des fessées, des claques ou des punitions pour un oui ou un non. Nous avons aussi des parents qui punissent leur progéniture pour des raisons futiles et par contre ne réagissent pas lorsque les faits sont graves et nécessitent d’être bien présent.
Hormis quelques situations relevant du soin et de la psychiatrie juvénile, je reste convaincu que l’enfant devient ce que les parents et l’environnement proche en font. Même si nous disposons tous d’un patrimoine génétique qui nous rend plus ou moins solide face aux aléas de la vie, il n’y a pas à mon sens de déterminisme à la naissance mais seulement une éducation plus ou moins réussie. Et parfois malheureusement, de terribles lacunes qui marquent profondément et durablement le jeune qui gardera ensuite des troubles à l’age adulte. S’il ne parvient pas à conscientiser et à se dégager de ce qu’il a subi, il aura alors une grande difficulté à ne pas sur-réagir face à ce qu’il a vécu par le passé. C’est pourquoi, il reste souvent utile de remonter 2 à 3 générations pour comprendre pourquoi et comment tel ou tel dysfonctionnement a pu s’installer de façon aussi durable dans une famille.
Nous avons aussi fort heureusement de belles réussites et des changements radicaux d’enfants qui, maltraités dès le plus jeune âge, se sont reconstruits et ont réussi leur vie. Boris Cyrulnik a été parmi les premiers à nous expliquer les mécanismes de résilience que nous sommes tous susceptibles de développer. Cette réalité nous invite à prendre du temps avec celles et ceux qui par le passé ont vécu des souffrances difficilement surmontables. Il est nécessaire de les accompagner sans jugement dans ce long chemin de la reconstruction qui reste possible pour une majorité d’entre eux. Ce travail éducatif n’est pas forcément thérapeutique. C’est une des tâches dévolue aux travailleurs sociaux et notamment aux éducateurs spécialisés. C’est là aussi que se trouve a noblesse de cette profession.
Photo credit : Peter Ras via Visual hunt / CC BY-NC-SA
Une réponse
Bonjour
Je suis grand-mère d un enfant de 9 ans élevé par sa mère qui est seule, il ne connait presque pas son père et le voit très peu très exceptionnellement.
Sa maman a du mal à s en occuper.
Comment puis je etre aidante en restant à ma place.
Que puis je faire d utile et efficace pour le petit en souffrance ?