Parentalités en exil : un guide pratique à l’usage des intervenants

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Comment les travailleurs sociaux voient-ils les parents qui sont exilés et vivent en France avec des références éducatives différentes de celles en vigueur dans notre pays ? Il est important de comprendre ce qui se joue pour aborder ce sujet de façon professionnelle sans projeter nos propres normes et valeurs.

Pour soutenir les professionnels de l’aide et de l’action éducative  Clotilde O’Deyé nous propose un guide pratique. Il vient de paraitre aux éditions EHESP et s’intitule « Accompagner la parentalité en exil ». Je vous invite à le lire, car il est assez complet sur ce sujet et apporte un éclairage utile pour les praticiens de terrain ainsi que les encadrements « métier ». Grâce à son style clair et imagé, Clotilde O’Deyé nous accompagne tout au long du livre sans lasser, ni nous assommer de termes techniques.

Il existe déjà mille façons d’être parent

C’est déjà vrai quand on vit en France depuis plusieurs générations. Mais c’est encore plus vrai et surtout plus complexe quand on vit l’exil.  L’auteure fait d’abord un premier constat : être parent s’inscrit toujours dans un cadre social, économique, géographique, historique, qui donne sens aux actes posés. Il n’existe pas de modèle de parentalité valable pour toutes les familles dans tous les contextes. Partout, l’enfant est éduqué pour devenir un adulte capable de vivre dans son groupe social. C’est ce qui est nommé la « parentalité située ».

L’ouvrage se découpe en 5 chapitres distincts. Le premier nous plonge dans la théorie et propose de préciser ce qu’est cette « parentalité située », ce qu’elle représente à travers des travaux référencés d’anthropologie et psychologie interculturelle. Afin de rendre son livre agréable à lire, l’auteure propose en parallèle des vignettes qui illustrent des situations vécues. C’est très parlant et on comprend tout de suite de quoi il est question. Nous sommes dans le théorique, certes et il en faut, mais avec des exemples qui nous permettent de comprendre facilement ce qui se joue.

Le second chapitre nous invite à revisiter le concept de culture. Il y est par exemple précisé les différentes échelles permettant d’identifier une pratique culturelle (nationale, groupe, famille, parcours migratoire, représentations…). Ce chapitre n’oublie pas d’identifier les préjugés et stéréotypes de chacun.

Le chapitre 3 aborde le positionnement professionnel du travailleur social qui accompagne une personne ou une famille qui a vécu l’exil.  Le lecteur appréciera et pourra se positionner au regard de cette posture présentée comme de réparation et d’assimilation. Un exercice pratique vous est proposé à partir d’une visite à domicile. Il est aussi précisé ce qu’est un fonctionnement communautaire si décrié dans notre pays. L’auteur rappelle au passage le comportement communautaire des expatriés français qui ne veulent surtout pas s’intégrer dans la population du pays où ils sont. Comment alors le reprocher à ceux qui sont chez nous et ont la même attitude ?

Le chapitre 4 aborde les « zones de turbulence d’interprétation » fortement dictée par nos égocentrismes. Un outil en 4 parties nous est proposé pour tenter de s’en détacher et de bien cerner les représentations de chacun. Or l’outil principal qui est utilisé en travail social, à savoir l’observation, est d’emblée biaisés par nos normes intériorisées. D’où l’importance d’en prendre conscience.

Les parents en exil produisent des efforts extraordinaires…

On le voit dans le chapitre 5. Il est particulièrement intéressant, car il explore des thématiques de la vie quotidienne qu’il faut pouvoir appréhender pour mieux aider avec :

  • la construction de la famille et la périnatalité
  • rôle et la place du parent des enfants, des femmes et des hommes
  • l’adolescence
  • le rapport au temps et à l’espace, les rapports sociaux
  • la façon d’habiter et de gérer l’école et l’environnement
  • l’instruction : la façon d’apprendre et l’implication des parents
  • le rapport de chacun à l’alimentation et à la santé de chacun

.

Dans sa conclusion Clotilde O’Deyé nous rappelle avec justesse que « les parents en exil produisent des efforts extraordinaires pour concilier leurs priorités éducatives avec les contextes de vie, les modèles éducatifs du pays d’accueil, la personnalité de leurs enfants, les contraintes et les opportunités qui s’offrent à eux. De leur côté, les travailleurs sociaux produisent, eux aussi, des efforts extraordinaires pour les accompagner dans ces différentes directions.

Mais voilà, les bonnes volontés ne sont pas toujours suffisantes, nous dit-elle car les références ne sont pas les mêmes, les imaginaires ne se rencontrent pas toujours, les interprétations sont multiples.  Ce livre est là pour nous en faire prendre conscience. Il est essentiel de s’en saisir quand on travaille avec des personnes et de familles d’origines étrangères qui rappelons-le sont déracinées et très souvent très mal accueillies car particulièrement incomprises.

Lire quelques pages de « Accompagner la parentalité en exil » sur le site des Presses de l’EHESP

quelques mots sur l’auteure :

Clotilde O’Deyé est Coordinatrice Formatrice Consultante chez Anthropos – Cultures Associées à Marseille. (association qu’elle a initialement créée) Elle est spécialisée sur les questions d’anthropologie, de parentalité et d’interculturalité. Elle a suivi des études de sciences humaines à la Sorbonne à Paris (philosophie, sociologie, anthropologie), dont la dernière étape fut un troisième cycle en anthropologie du développement. Elle a eu en charge plusieurs missions associatives au sein de grandes fédérations du travail social et de lutte contre les exclusions (FNARS aujourd’hui FAS). Et c’est, à ma connaissance, son premier livre. Bravo !

 

Note : j’ai eu à lire ce livre avant son édition et eu contact avec Clotilde O’Deyé dans le cadre de ma fonction de Co direction de la série « Savoirs Pros » de la collection Politiques et Interventions Sociales des Presses de l’EHESP.

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