Le livre vert du travail social publié par le Haut Conseil du Travail Social (HCTS) s’inscrit dans une mobilisation plus large des instances professionnelles, mais aussi gouvernementales. Quels sont les chantiers en cours ? Voici dans cet article une tentative d’y voir un peu plus clair.
Cela conduit à prendre en compte le calendrier qui suit :
- Le 14 janvier 2021, Le Sénat publiait dans un rapport intitulé « humaniser, améliorer et simplifier la lutte contre la pauvreté » parle de travail social. Il demande entre autres « un recentrage de l’intervention des travailleurs sociaux sur l’accompagnement individuel et collectif », via un allègement des procédures.
- Février 2021, Marie Paule Cols remettait un rapport au titre du HCTS baptisé « Le travail social au défi de la crise sanitaire – Impact de la crise sanitaire de la COVID-19 sur les organisations et les pratiques professionnelles des travailleurs sociaux » . Il élabore de multiples propositions pour une meilleure reconnaissance des travailleurs sociaux fortement éprouvés par cette crise
- En novembre 2021 le premier ministre commandait un rapport à Denis Piveteau. Ce rapport a été remis le 17 février 2022 : Il s’intitule « Experts, acteurs, ensemble… pour une société qui change », Il tente de repositionner les travailleurs sociaux dans un champ plus large, celui d’une société plus solidaire et inclusive. Il parle aussi du « changement de paradigme » de la reconnaissance des droits des personnes accompagnées et souhaite voir se développer leur pouvoir d’agir.
- Le 18 février 2022 a vu la conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social pilotée par le premier ministre Jean Castex. Cette conférence particulière s’inscrit dans un moment de crise qui dure depuis plusieurs mois, crise de l’attractivité des métiers, des difficultés de recrutement, d’un manque de reconnaissance des professionnels de l’action sociale et des effets de la pandémie sur les conditions de travail… Cette conférence a acté les points suivants :
- La revalorisation de 183 euros nets par mois aux professionnels de la filière socio-éducative (avec beaucoup d’incertitudes sur la liste de ceux qui la toucheront et ceux qui en seront exclus selon différents critères)
- L’objectif de parvenir à la négociation d’une nouvelle convention collective unique pour le secteur (avec les partenaires sociaux)
- L’installation d’un comité des métiers socio-éducatifs garant notamment de la gestion prévisionnelle des effectifs mais aussi la rénovation de l’architecture des qualifications et des diplômes
- La mise en œuvre d’un plan d’amélioration de la qualité de vie au travail
- Le 10 mars 2022 était remis au gouvernement le Livre Vert du Travail Social par Mathieu Klein (j’y reviens en deuxième partie de cet article)
- Il faut aussi noter la date du 14 avril 2022 qui est celle de la fin de la consultation citoyenne en ligne du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Celui-ci a interrogé étudiants et travailleurs sociaux. Un avis sera rendu en juillet prochain pour proposer des moyens de revaloriser les professions du travail social. Une journée délibérative est prévue le 17 mai présence des conseillères et conseillers. (vous pouvez vous inscrire ici). L’objectif de cette journée : co-construire le projet d’avis et les préconisations qui seront remises aux pouvoirs publics en juillet 2022.
- Enfin il est annoncé la publication d’un livre blanc avant la fin de l’année. Ce nouveau livre sera chargé d’apporter les éléments structurants de la politique sociale et de définir de nouvelles approches qui suppose de transformer la formation et certains métiers du travail social pour développer les pratiques « d’aller vers », s’adapter aux besoins réels et intervenir en cas d’événement et de ruptures qui peuvent conduire à l’exclusion.
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Sur le site du ministère, il est aussi annoncé
- la création de nouveaux diplômes universitaires et de nouveaux métiers (écrivains publics, médiateurs sociaux, développeurs sociaux) ;
- le déploiement d’un grand plan de formation ;
- la mise en place dans tous les territoires d’accueils sociaux universels et de référents parcours ;
- enfin un plan d’investissement dans certains quartiers prioritaires (ceux qui ne bénéficient pas de centres sociaux ou de lieux de soutien à la parentalité).
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Vous vous y retrouvez ? Pour ma part cela me parait un peu compliqué au point que je crains même d’avoir oublié quelque chose. En tout cas, on ne peut pas dire à la lumière de cette rapide recension que les pouvoirs publics ne se mobilisent pas pour le travail social. Mais les professionnels attendent, quant à eux, des actes qui se traduisent par des solutions face à la crise sur le terrain… Quant à parler de choc de simplification… Nous avons des marges de progression semble-t-il.
Ce que propose le livre vert du travail social
Placé sous la responsabilité de Mathieu Klein, président du Haut Conseil du Travail Social ce « livre vert » vise à s’inscrire dans la continuité. Continuité avec 2 autres rapports publiéspar le passé avec le plan d’action en faveur du travail social et du développement social suivi du rapport Reconnaître et valoriser le travail social de Brigitte Bourguignon paru en 2015.
Paru en mars 2022, Le « livre vert » a d’abord vocation à poser des constats et des analyses préalables à un débat public. Il propose dans sa conclusion des pistes de travail pour une évolution des métiers : Il demande de valoriser et donner du sens à l’action des professionnels. Voici rapidement noté la liste de ses propositions :
- Revaloriser les salaires de l’ensemble des travailleurs sociaux (conférence des métiers)
- Dépasser les approches par catégories de métiers (profession) aller vers des approches par mission. Valoriser les fonctions de coordination, ou de développement de projets etc…
- Moderniser le contexte de travail des professionnels de l’accompagnement (une démarche « d’aller vers », développer des outils mobiles innovants tels les outils numériques, permettre les initiatives des TS
- Améliorer la qualité de vie des professionnels (des évolutions et des discussions à mener autour de nombreux points : horaires de travail, équilibre vie privée/vie professionnelle, mobilité géographique, lieu d’exercice adapté, prévention des risques psycho sociaux, mettre à disposition de véritables espaces ou lieux de réflexion pour soutenir l’analyse des pratiques et la supervision…)
- Redonner une visibilité au secteur en affirmant le caractère valorisant des parcours professionnels (campagnes de communication…)
- Penser enfin le travail social en partant de la personne concernée (mise en avant du développement du pouvoir d’agir des personnes, ce qui nécessite encore de profondes « transformations de l’exercice professionnel ».
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Plusieurs recommandations visent à « engager un chantier dans le champ de la formation »
Il s’agit de développer des compétences transférables pour répondre aux « situations imposant un contact avec le public, le travail en équipe, ou une « charge émotionnelle » en référence à une étude pôle emploi et France Stratégie. Que souhaite ce livre vert ?
- De nouveaux savoirs sont aujourd’hui estimés nécessaires pour travailler en réseau et en lien avec d’autres professionnels et secteurs qui sont de plus en plus imbriqués dans la prise en charge des personnes.
- Il est souhaité de travailler à la refonte des catégories d’emplois pour aller vers une seule filière du travail social.
- Le socle commun existant des formations doit être élargi à l’ensemble des qualifications en travail social. (jusqu’où ?)
- il est demandé de permettre un rapprochement avec l’université et la recherche : Comment ?
- En renforçant les rapprochements entre les établissements de formation en travail social et les universités pour développer les coopérations et la mutualisation des expertises.
- En adoptant une architecture des formations (diplômantes et/ou certifiantes) du niveau 3 au niveau 7, favorisant le décloisonnement des métiers et renforçant la mobilité professionnelle
- En avançant sur le débat consistant à créer une discipline universitaire
- Il est aussi souhaité de renforcer les différentes voies d’accès à la formation. Notamment en encourageant les voies d’accès en cours de formation professionnelle ou par le biais des dispositifs de VAE et en Développant les formations en alternance (apprentissage et contrats de professionnalisation)
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Bien évidemment, vous avez là certains éléments saillants de ce rapport et je vous invite à le lire dans le détail pour bien en comprendre la teneur. Pour autant, tout cela conduit à se poser une question : Combien faudra-t-il de rapports, d’études et de réunions pour que les conditions de travail et la rémunération des travailleurs sociaux s’améliorent sur le terrain ? Ces rapports n’ont-ils pas finalement comme conséquence de retarder les mises en œuvre de décisions simples et attendues depuis longtemps ? La pyramide des âges de certains métiers prévoit de nombreux départs en retraite dans les années qui viennent. Pour autant, des quotas continuent de limiter le nombre d’étudiants dans chaque filière. Beaucoup de départs et trop peu d’étudiants formés alors qu’il y a des besoins… Drôle de GPEC. Cherchez l’erreur.
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Une réponse
Cette (tentative…) de synthèse est bien utile, car effectivement les rapports foisonnent, et on ne sait plus bien ce qui est important, ce qui va ressortir finalement de toute cette masse, ce que nous allons voir se concrétiser sur le terrain.
Maintenant, ce que nous aimerions avoir c’est « votre analyse et votre avis » sur plusieurs de ces points. Qu’en pensez-vous, vous? Avec votre recul et votre expérience qu’est ce que cela veut dire, par exemple: « Livre Vert/2) Dépasser les approches par catégorie de métiers, aller vers des approches par mission »?
Le rôle de l’Assistante sociale, et le rôle de la Conseillère en economie sociale et familiale= même mission? Etc…