Taxer les profits excessifs et utiliser ces fonds pour soutenir les plus vulnérables
Que dire de la colère des Nations Unies face aux « profiteurs de guerre » ? Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres a dénoncé la « cupidité » des grandes entreprises pétrolières et gazières. Il alerte sur les conséquences face aux « signes avant-coureurs d’une vague de révoltes économiques, sociales et politiques qui pourrait n’épargner aucun pays ». « Il est immoral que les entreprises pétrolières et gazières fassent des profits record grâce à cette crise énergétique, sur le dos des populations et des communautés les plus pauvres, avec un coût massif pour le climat », a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse.
Ce n’est pas un dangereux gauchiste qui dit cela. Le secrétaire général de l’ONU appelle tous les gouvernements à taxer ces profits excessifs, et à utiliser ces fonds pour soutenir les plus vulnérables en ces temps difficiles, Il a estimé à près 100 milliards de dollars les profits réalisés au premier trimestre 2022 par les majors des hydrocarbures. Avec la hausse des cours du pétrole et du gaz, BP, ExxonMobile, Chevron, Shell ou encore TotalEnergies ont également annoncé des profits énormes au deuxième trimestre.
« Cette cupidité ridicule punit les plus pauvres et les plus vulnérables, tout en détruisant notre seule maison commune, la planète », a insisté Antonio Guterres.
Une taxation mise en œuvre dans plusieurs pays
Jacques Littauer journaliste à Charlie Hebdo à fait les comptes : Le 26 mai dernier, au Royaume-Uni, le gouvernement conservateur de Boris Johnson a décidé d’accroître fortement le taux de l’impôt sur les bénéfices de l’extraction de gaz et de pétrole en mer du Nord, pour les porter de 40 % à… 65 %. Les sommes récoltées – 5 milliards d’euros – permettront de financer un tiers des aides exceptionnelles aux ménages pour réduire leur facture d’énergie. La surtaxe restera en place jusqu’à ce que les prix du gaz et de l’électricité reviennent à « un niveau plus normal ». Ou, au plus tard, en 2025.
En juillet, c’est au tour de l’Espagne. Le Gouvernement de Pedro Sanchez a décidé de ponctionner les grands bénéficiaires de la hausse des prix spécifiquement pour aider les principales victimes de l’inflation. Les taxes portent sur les grands groupes producteurs d’énergie, mais aussi sur les banques, afin de financer d’importantes mesures sociales telles que transports, éducation, logement…
Et pendant ce temps-là, en France…
Bruno Le Maire, ministre de l’économie se refuse à toute taxation. Il a définitivement fermé la porte à une taxe sur les superprofits lors d’une conférence de presse, « Je préfère que les entreprises contribuent directement plutôt que de prélever à nouveau une taxe, une espèce de réflexe pavlovien en France » dit-il. L’idée même d’une taxe avait été rejetée in extremis par l’Assemblée Nationale la semaine dernière. Le Sénat à majorité de droite l’a rejeté à son tour, lundi 1er août.
Conclusion, en France, les super-profits iront donc dans les poches des actionnaires et des dirigeants de ces multinationales qui engrangent depuis des mois des bénéfices record.
Jacques Littauer rappelle que le Ministre de l’Économie disait exactement le contraire il y a quelques mois : » …/… Taxer, c’est permettre de financer les États au nom de l’intérêt général. Il est donc essentiel pour l’avenir de nos démocraties que chacun paie sa juste part de l’impôt. Or, aujourd’hui, ce n’est pas le cas. » Effectivement, c’est bien Bruno Le Maire qui a dit ça il y a quelques mois. Mais aujourd’hui c’est autre chose apparemment puisqu’il estime que les taxes sont inutiles.
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La Solidarité en miettes
Alors que le secrétaire Général de l’ONU en appelle à la solidarité des plus riches vers les plus pauvres, cette forme de redistribution est refusée en France. On le voit, avec ces choix posés par la majorité des assemblées. Pire encore, que penser de ce vote des sénateurs de supprimer l’allocation de rentrée scolaire pour les allocataires des minimas sociaux et la remplacer par une aide d’urgence avec une majoration de 150 euros de la prime d’activité, qui s’adresse uniquement aux travailleurs aux ressources modestes et exclue de fait ceux qui ne travaillent pas ?
Depuis, la mesure a certes été rétablie en commission paritaire Sénat-Assemblée, mais les faits sont têtus. On retiendra que non seulement il n’est pas considéré, par certains élus, utile ni nécessaire de soutenir financièrement les allocataires du RSA alors que l’inflation sur les produits de première nécessité continue d’augmenter au fil des mois et qu’il leur est très difficile de s’en sortir.
Pascal Brice, le président de la Fédération des acteurs de la solidarité, a vu dans cette décision du Sénat « une manière d’opposer » les travailleurs modestes et ceux qui ne travaillent pas. « C’est dangereux. Il faut à la fois traiter les difficultés de la classe moyenne et accompagner les personnes en situation de pauvreté » a-t-il dit à l’Agence France-Presse. On ne peut que lui donner raison. Mais il reste bien gentil quand même en n’allant pas plus loin.
Avec de tels choix, non seulement la solidarité est en miettes, mais elle devra se satisfaire que de quelques miettes apportées par l’État qui alloue des primes au cas par cas, mais qui refuse la contribution des plus riches et notamment des grandes fortunes. Le secrétaire général de l’ONU le demande pour l’ensemble des pays. L’exception française est à l’œuvre, mais cette fois-ci c’est au détriment du pacte républicain et de la solidarité nationale. Tout cela est à mon sens assez affligeant. Les choix sont clairs. On ne pourra pas dire que l’on ne savait pas.
lire :
- En voulant priver de prime de rentrée les bénéficiaires de minima sociaux, le Sénat provoque un tollé à gauche et dans les associations | Le Monde
- Pouvoir d’achat : députés et sénateurs s’accordent sur le second volet | Le Monde
Crédit Photo : Jacques Paquier Certains droits réservés Bruno Lemaire le 29 avril 2019