Didier Dubasque
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Lorsqu’on infantilise une personne âgée, il n’est pas étonnant qu’elle se rebiffe…

Je suis toujours étonné lorsque j’entends des aides à domicile crier au lieu de parler lorsque qu’elles s’adressent à des personnes âgées. Les professionnels qui n’ont pas été suffisamment formés sont pleins de préjugés sur nos anciens. « Ils sont sourds », « ils ne comprennent pas grand-chose », « Ils font des caprices tels des enfants »… Bref, nous aurions à faire qu’à des taties Danielle, irascibles et capricieuses.

J’ai été  alerté sur ce sujet par des personnes âgées qui, hospitalisées, ne supportent pas qu’on tape à la porte de la chambre pour entrer aussitôt sans attendre de réponse. Finalement à quoi cela sert de taper à la porte… Prévenir « attention j’arrive » sans laisser de temps à la personne de se préparer ? Drôle de pratique. Elle respecte la procédure. Dans le cadre de la charte qualité, il a été demandé aux professionnels de taper avant d’entrer dans les chambres, car par le passé, cela ne se faisait pas et les autorités avaient rappelé la nécessité de respecter les patients hospitalisés. Alors on tape à la porte désormais, sans même y réfléchir…. et on entre aussitôt

« Elle va bien mamie ? » lance l’aide-soignante à son interlocutrice qui ne comprend pas pourquoi on parle d’elle à la troisième personne. La professionnelle sera surprise si la dame en question grommelle et ronchonne après son passage qui n’aura duré que 2 minutes 30, montre en main.

Il est vrai que les soignants et les aidants n’ont pas le temps. Pas le temps de s’arrêter, pas le temps de réellement vous écouter, pas le temps de considérer l’autre comme un autre soi-même. Alors, évidemment il ne faut pas s’étonner que certains supportent mal qu’on les prenne pour de simples pathologies identifiées par des numéros de chambre.

Pourquoi décider à la place de l’autre sous prétexte qu’il est âgé ?

On a d’abord tendance à associer les séniors à la maladie, nous explique le sociologue Michel Billé interrogé par Lucie Beaugé pour Libération.  « Il faut cesser de réduire le vieillissement à quelques avatars de la vieillesse ». Ce n’est pas parce que l’on est vieux que l’on est incapable. Et si on est malade, il est nécessaire que la prise en considération soit la même à n’importe quel âge.

La vieillesse ne doit pas empêcher d’exercer sa liberté. Certes, il y a des limites, mais elles doivent pouvoir être expliquées et concerner toutes les catégories d’âge adulte.  Michel Billé donne un exemple : « Une résidente en Ehpad me disait : «Je n’en peux plus des yaourts à la vanille.» Et quand elle a demandé un dessert à la fraise, on lui a répondu que ce n’était pas possible.

C’est la même chose lorsqu’on lui impose une tenue vestimentaire plutôt que de l’aider à choisir un beau chemisier, par manque de temps. Mais il n’y a pas de malveillance de la part du personnel : il n’est confronté qu’aux limites financières de l’établissement. Pour prendre en compte la parole d’une personne, quel que soit son âge, sa maladie ou son handicap, de quels moyens disposons-nous ? Très peu » précise-t-il.

Ce sociologue a bien raison. Le manque de moyens et de temps est très souvent à l’origine de réponses apportées. Mais c’est aussi une raison supplémentaire pour résister et continuer de travailler en portant attention à l’autre. Je me souviens cette aide à domicile qui avait déplacé la personne en fauteuil roulant et l’avait collé devant un mur le temps qu’elle fasse son ménage. Elle ne comprenait pas que cela puisse poser problème. Et c’est bien là le drame. Où est le problème quand on n’a pas conscience que ses actes puissent en poser. Où est le problème si la personne ne dit rien ?

De la maltraitance par manque de moyens à celle avérée des proches

Il y a de plus en plus de personnes âgées identifiées comme maltraitées. Certains Départements ont mis en place des instances « protection des personnes âgées », à l’image de ce qui existe pour la protection de l’enfance. Le problème est que la protection de l’enfance dispose de multiples réponses (des mesures) identifiées à travers des dispositifs qui restent utiles et nécessaires. Ce n’est pas le cas des personnes âgées. Le travailleur social se retrouve quasiment seul tout comme l’intervenant à domicile. Quand il y a maltraitance (par la famille, les voisins, les relations), les outils pour intervenir sont très limités surtout quand la victime ne veut surtout pas « déranger » ni accuser qui que ce soit par peur de représailles. Il y a bien les mesures de protection financières pour éviter les détournements d’argent ou une « gestion inadaptée » mais finalement, les travailleurs sociaux agissent souvent « avec les moyens du bord » et la bonne volonté de chacun.

Et « les moyens du bord », sont à mon sens largement insuffisants

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Photo : 1580775  asier_relampagoestudio Freepik

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