L’état du mal-logement en France 2023
La fondation Abbé Pierre vient de publier son 28ᵉ rapport sur ce qu’elle nomme le mal-logement. L’année 2022 a été marquée par une hausse des prix inédite depuis 30 ans. Cela est dû par l’inflation qui s’établit à des niveaux inconnus et par une crise énergétique survenue dans le sillage de la guerre en Ukraine. « Les dépenses énergétiques sont devenues insoutenables pour de nombreux ménages modestes qui doivent régulièrement choisir entre se chauffer, manger et se soigner convenablement, payer leur loyer » expliquent les rapporteurs.
La première alerte, la plus immédiatement choquante, concerne les enfants à la rue. Des femmes enceintes ou de jeunes mères avec leurs nourrissons sont souvent refusées par les services d’hébergement faute de places. Dans plusieurs villes de France (notamment Rennes, Lyon, Grenoble, Le Havre, Strasbourg, Toulouse, Ivry-sur-Seine, Rosny-sous-Bois, Pantin, Paris, Rodez), parents d’élèves et enseignants se sont émus de telles situations et ont été conduits, en l’absence de solutions d’hébergement, à se mobiliser. Ils ont été jusqu’à accueillir dans les écoles les enfants et familles sans domicile, ou à leur payer des nuits d’hôtel, compensant ainsi les carences de l’État
Dans l’ensemble des villes françaises sélectionnées, aucun parc locatif privé ne peut offrir un logement adapté aux personnes seules et aux familles monoparentales ayant des revenus inférieurs à 900 €/mois (même avec l’APL). Celles-ci voient donc leurs possibilités de se loger réduites au seul parc social, quand il est disponible, ce qui est loin d’être le cas. à l’heure où des milliers de personnes, particulièrement des enfants, sont refusées chaque soir par le 115 faute de places d’hébergement, il est pourtant devenu urgent de relancer la politique du « Logement d’abord » et de cesser les coupes budgétaires sur les allocataires des APL et sur le monde Hlm. Le tableau qui suit est assez révélateur des manques de logements d’urgence.
En réponse à la forte dégradation de la situation des ménages modestes qui ne parviennent plus à régler leurs loyer, la première loi de ce quinquennat au sujet du logement, vise « à protéger les logements contre l’occupation illicite ». Cette loi complètement hors sol face aux réallités vient ainsi remettre en cause l’équilibre entre le droit à l’habitat et le droit de propriété. Cette nouvelle loi est particulièrement incompréhensible puisque le phénomène de squats de domicile, surmédiatisé ces derniers mois, ne touche que 170 propriétaires par an d’après l’Observatoire des squats du gouvernement. Ce sujet pouvait être traité dans le cadre de la loi existante en trois jours. Le texte s’attaque en fait aux locataires en impayés de loyers. Et là bien évidemment, ils sont très nombreux. Ce sont les familles monoparentales qui sont les plus concernées. (lire le rapport complet de la fondation Abbé Pierre) (lire la synthèse du rapport) (lire l’article de présentation sur le site de la fondation)
lire aussi :
- « On est gelés et on ne peut plus s’en sortir » : à Marseille, la nouvelle hausse du prix de l’électricité est un nouveau coup dur pour les familles modestes | FranceInfo:
- Logement : la Fondation Abbé Pierre torpille le bilan du gouvernement | La Gazette des Communes
- « Si j’avais été un homme, j’aurais trouvé un logement décent » | Fondation Abbé Pierre
- Des bureaux reconvertis en centre d’hébergement d’urgence à Montreuil | France 3 Paris Île-de-France
- « La rue ou la prison, c’est ça la société qu’ils attendent ? » : une loi veut criminaliser les mal-logés | Basta!
- Précarité énergétique : 22% des ménages ont souffert du froid en 2022 | Effy (c’est une entreprise juge et partie sur ce sujet, mais l’article est bien)
Seniors : comment travailler plus longtemps quand personne ne vous recrute plus ?
Jean-François Amadieu, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, nous rappelle que la France fait partie des pays où la population a le plus d’a priori négatifs inconscients à l’encontre des seniors. Notre pays se classe 61ᵉ sur 68. Le rejet des seniors est considérable lors des embauches, et cette discrimination perdure d’autant qu’elle est fréquemment passée sous silence ou considérée comme compréhensible et acceptable.
Au-delà des moqueries, des mises à l’écart ou du harcèlement, la moitié des salariés craignent d’être un jour victime de discrimination au travail. La première crainte pour ceux-ci est de très loin l’âge (43 % l’indiquent), devant l’apparence (23 %), le diplôme (23 %) puis le sexe (21 %). Cette inquiétude est compréhensible quand on observe la catastrophe que représente pour eux la perte d’emploi. Avoir plus de 55 ans est le premier motif de rejet lors des embauches à compétences égales.
Cet article est particulièrement intéressant, car il s’appuie sur des données incontestables. Le nombre des demandeurs d’emploi de plus de 50 ans a nettement augmenté, passant de 312 000 en 2008 (cat. A) à 809 000 fin 2022 (il a baissé chez les moins de 25 ans, passant de 355 000 à 311 000 demandeurs). De surcroit, il s’agit beaucoup plus souvent de chômeurs de longue durée : la durée moyenne de chômage des plus de 50 ans était de 370 jours début 2008. Elle atteint 665 jours fin 2022. à l’heure du recul de l’âge de la retraite à 64 ans, on ne peut ignorer cette réalité : il est très difficile voire impossible dans certains métiers de retrouver un travail passé l’âge de 50 ans. Et bien évidemment les cinquantenaires sont de moins en moins bien indemnisés (Lire l’article de The Conversation)
Enquête France 2 : des plaintes refusées par centaines dans les commissariats ou gendarmeries
Ne manquez pas ce reportage. Il nous apprend que des centaines de victimes ont franchi la porte de la gendarmerie ou du commissariat, pensant trouver de l’aide, mais ont vu leur plainte rejetée. La défenseure des droits a relevé 240 signalements de refus de plainte en 2022. Ce sont pourtant des situations qui mettent parfois les victimes en situation de danger.
Un reportage signé C.Vérove, A.Tribouart, L.Hauville, J.Pires – France 2
Pour certaines associations, l’accueil reste inégal selon les commissariats. « Il y a des commissariats où on sait que ce n’est pas la peine qu’elles y aillent parce qu’on a des témoignages dramatiques », regrette Florence Élie, présidente de l’association Elien Rebirth. Selon les autorités, la loi ne laisse aucune place à l’interprétation et si une plainte est refusée, c’est qu’elle n’est pas justifiée. Des autorités droites dans leurs bottes. Circulez, il n’y a rien à voir. Pourtant, cela commence à se savoir (lire l’article de France 2).
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