Pendant longtemps, ce furent les victimes des agressions sexuelles qui subirent l’opprobre. Depuis, le violeur est devenu la figure par excellence du monstre. Devons-nous les considérer comme incurables ou une thérapie est-elle susceptible d’éviter leur récidive ?
En France, entre 1975 et 1995, le nombre de condamnations pour viol et atteinte aux mœurs a été multiplié par six. L’opinion publique a beau réclamer des peines toujours plus sévères, le problème n’est pas résolu pour autant. Afin de lutter contre la réitération, la loi de 1998 a instauré une obligation de suivi socio-judiciaire à la sortie d’incarcération.
Les psychiatres ont ainsi été amenés à s’intéresser aux auteurs. Non pour minimiser leurs actes, mais pour comprendre leur fonctionnement, évaluer leur dangerosité et éviter qu’ils ne fassent d’autres victimes.
Se pose, dès lors, le paradoxe du soin sous contrainte. Le succès de toute thérapie est traditionnellement conditionné à la demande et la libre adhésion du patient. Comment réussir à travailler avec des auteurs non volontaires, incapables parfois de penser ou de mettre des mots sur la complexité de leur vie intérieure, émotionnelle ou affective ? C’est ce que nous expliquent les auteures de ce livre, psychiatre et psychologues cliniciennes de profession.
La motivation du violeur
S’il y a beaucoup de psychopathes, immatures et impulsifs chez les auteurs de viols, il y a aussi monsieur tout-le-monde. Aussi répugnants que soit leur crime, les violeurs ne sont pas tous des dépravés, de vicieux, des immoraux et des pervers. Il est essentiel de ne pas confondre l’auteur avec ses actes.
L’agression sexuelle est avant motivée par la volonté d’exercer son pouvoir sur l’autre et sur son corps. Le passage à l’acte est dominé par le souci d’imposer son contrôle, de maintenir sa position dominante et de préserver son sentiment tant de toute-puissance que de satisfaction narcissique. La pulsion sexuelle est mise au service de la destruction d’un autre dont la souffrance n’est pas entendable.
La biographie des auteurs est très souvent lourde de blessures traumatiques. Elle est émaillée de violences multiples, de carences diverses et d’agressions sexuelles subies. Ce sont rarement des malades mentaux, mais des personnes souffrant de troubles de la personnalité narcissique et égocentrique.
Le soin
La clinique avec des auteurs d’agression sexuelle est exigeante. Elle nécessite de se préparer à entendre l’inouï et l’inécoutable. Elle implique de bénéficier en équipe de l’analyse de son propre contre-transfert. Il est incontournable d’identifier de ses émotions tant négatives que positives : sidération, identification, malaise, répulsion, fascination, peur… pour mieux s’en distancier.
Tout commence pat les efforts menés pour conduite des personnes réticentes ou méfiantes vers le soin. Pour cela, il faut déconstruite leur argumentation qui s’appuie fréquemment sur les mêmes clichés et stéréotypes. Puis, il s’agit de dépasser le déni et de centrer le patient sur son monde interne. L’objectif est de le conduire à une introspection portant sur ses actes violents.
Toutes les approches peuvent être utilisées. Psychothérapies individuelles, familiales, de couple. Génogramme, ligne de vie, groupes de parole ou de médiation, art-thérapie. Avec ou sans hormonothérapie (prises médicamenteuses). En fait, tout ce qui peut aider à cheminer vers un autre mode d’existence dans l’affirmation de soi que l’acte violent. La dizaine de vignettes cliniques proposées nous montrent les difficultés et les réussites de la démarche.
Ce dont il s’agit, c’est bien de désamorcer ce qui a été enseveli et clivé. Ce, afin que cette véritable bombe ne se réveille pas à nouveau et n’explose au détriment de nouvelles victimes. Ce risque potentiel de récidive ne représente qu’un taux de 6,8 % pour les délits sexuels et 5% pour les crimes sexuels. On ne peut pour autant ni l’ignorer ni le négliger. Encore faut-il que la psychiatrie française, aujourd’hui submergée par un manque cruel de moyens, puisse répondre dans les meilleures conditions. Ce qui est loin d’être le cas !
- Ces hommes parmi nous. Soigner les auteurs de violences sexuelles, Gabrielle Arena, Caroline Legendre, Gaëlle Saint-James, Éd. du Détour, 252 p.
Cet article fait partie de la rubrique « Livre ouvert »
Il est signé Jacques Trémintin
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Psychiatrie, hôpital, prison, rue, Dominique Sanlaville, Éd. Chronique Sociale, 2019, 143 p. : La création de la psychiatrie de secteur, à partir des années 1970, avait pour ambition de faire sortir l’hôpital hors de ses murs et de permettre une continuité des soins sans qu’ils soient conditionnés par l’internement. Mais, vider les asiles impliquait de développer parallèlement les hospitalisations à domicile et hôpitaux de jour, les centres médico-psychologiques et Centre d’activité thérapeutiques à temps partiel susceptibles de prendre le relais. Mais, la fermeture de 50 % des lits n’a été compensé que par un accroissement de seulement 1,5 % des structures extérieures
La révolte de la psychiatrie, Mathieu Bellahsen et Rachel Knaebel, Éd. La Découverte, 2020, 240p. : Les forces néolibérales, à l’œuvre depuis les années 1980, n’ont eu de cesse que de soumettre toute la société à la norme de la concurrence. La psychiatrie n’y a pas échappé.
Pour une psychiatrie de la rencontre – les passagers des longs couloirs, Alain Rault, Éd. L’Harmattan, 1997, 141 p. : Alain Rault est psychiatre. Il est psychanalyste de formation. Et pourtant, l’opuscule qu’il nous propose ne raisonne ni de l’écho du complexe d’Œdipe, ni de celui du roman familial, encore moins de celui du “ Ca, Moi et Surmoi ”. L’auteur aurait-il trahi la cause freudienne ? Pas le moins du monde. Simplement a-t-il choisi de nous faire vivre les rencontres avec ces patients qu’il croise quotidiennement dans le service d psychiatrie de l’hôpital de Niort où il travaille depuis vingt ans.
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