Les violences, les homicides et féminicides au sein des couples touchent aussi les enfants et les adolescent(e)s

En 2021, 143 morts violentes au sein du couple ont été recensées par les services de police et unités de gendarmerie, contre 125 l’année précédente (18 victimes en plus, soit +14 %). Ces chiffres masquent toutefois d’autres réalités apportées par l’étude. Ainsi, paradoxalement, il y a eu moins de féminicide en 2020 pendant les périodes de confinement que lors de 2019. Cette année-là, un sommet avait été atteint comme en 2012. En 2021, c’est en quelque sorte un retour avec les chiffres connus 3 ans auparavant (2017 et 2018). C’est une lente décrue depuis 2012.

Le tableau qui suit, publié dans ce rapport par les services de la Gendarmerie et de la Police Nationale, vous offre un résumé des principales données à ce sujet.

Stats feminicides

La cartographie des faits nous montre que contrairement à ce que l’on peut penser, les décès ne sont pas plus importants en région parisienne. Mais certaines régions sont beaucoup plus touchées que d’autres : En métropole, c’est la région Occitanie qui a été la plus exposée. Elle enregistre le nombre de morts violentes au sein du couple le plus élevé. Il y a aussi beaucoup de décès dans les Hauts de France. Vous noterez aussi qu’aucun homicide n’a été constaté dans 37 départements et collectivités sur les 107 du territoire national.

cartographie des feminicides

Contrairement ce que peuvent exprimer certains dans les réseaux sociaux, les auteurs des crimes sont très majoritairement de nationalité française. Ceux de nationalité étrangère ne représentent que 14 % du total des auteurs de crimes. 127 victimes sont de nationalité française et 16 sont de nationalité étrangère (soit 11 %) : 3 ressortissantes de l’Union européenne et 13 hors de l’Union.

On apprend aussi qu’il y a, à l’issue de ces drames, un taux de suicide important de la part des personnes qui ont tué leurs proches. 43 % des auteurs se suicident ou tentent de le faire à l’issue de la commission des faits. Il y a eu, précisément, 46 suicides et 15 tentatives recensés en 2021. Ils concernent quasi-exclusivement des hommes (60 hommes pour 1 femme).

105 enfants sont devenus orphelins en 2021

Même si elle n’est pas majoritaire, (19 % des cas), la présence des enfants à proximité de la scène de crime n’empêche pas le passage à l’acte. Dans 14 affaires, les homicides ont été commis devant 19 enfants mineurs. On dénombre 31 enfants présents sur les lieux, même s’ils n’ont pas été témoins des faits (19 affaires).

Dans 7 affaires, c’est l’un des enfants du couple ou de la victime qui a donné l’alerte ou fait prévenir les secours. Mais les enfants sont des victimes quoi qui se passe. Ils sont les premiers concernés et impactés en étant victimes eux-mêmes (12), ou témoins (9). Ils deviennent aussi orphelins de l’un ou des deux parents à l’issue du passage à l’acte. Ainsi, en 2021, 105 enfants sont devenus orphelins de père, ou de mère, ou des deux parents consécutivement à 50 affaires différentes. On imagine mal le traumatisme que cela peut causer à ces enfants dont on parle très peu.

Il y a aussi une autre réalité qui passe sous les radars : le décès d’adolescentes au sein de couples très jeunes. Sophie Boutboul et Sarah Brethes ont publié un article sur ce sujet dans Médiapart. Elles rappellent qu’au moins cinq adolescentes et jeunes filles ont été victimes de féminicide au sein du couple depuis le début de cette année. La plus jeune, Emma, avait seulement 14 ans. Le 4 juin dernier, son petit ami, lui aussi âgé de 14 ans, l’a étranglée et poignardée à une dizaine de reprises.

Comment peut-on tuer en étant si jeune ?

Les deux journalistes ont interrogé Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire départemental des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis. Pour elle, ces drames « font toujours écho à cette notion de possession, de jalousie, ce “tu es à moi, tu ne sors qu’avec moi, tu ne danses qu’avec moi”, très présent chez les adolescents ». « C’est sur ces représentations qu’il faut travailler en priorité », dit-elle. Il semble bien que les jeunes filles sont les premières victimes de tous types de violences sexistes et sexuelles, mais finalement elles sont peu détectées.

« À l’adolescence, il y a des croyances hyperancrées sur ce qu’il faut faire quand on est en couple, qu’on appartient à l’autre, que c’est normal qu’il nous contrôle… » explique dans cet article Marie Gervais, autrice, survivante de violences de ses 16 à ses 24 ans. Cette réalité est confirmée par Louise Delavier, qui intervient avec En avant toute(s) dans certains collèges et lycées, sur des plages horaires de six heures par classe.« Les jeunes violentées, c’est un angle mort de la prise en charge des victimes. Aussi parce qu’il y a de l’“âgisme” : les jeunes filles sont moins crues par les adultes quand elles dénoncent des choses, elles sont plus vite jugées, il y a une tendance à penser qu’elles exagèrent. Elles sont doublement discriminées en tant que femmes et en tant que jeunes »

« Il m’a un peu étranglé »

« Parmi les récits de jeunes femmes qui ont toutes moins de 26 ans, certaines nous disent : “Il m’a un peu étranglée” : non, c’est une tentative de meurtre ». Rappelle Louise Delavier. Marie Larue, psychologue à l’association d’accompagnement de femmes et enfants victimes de violences Women Safe, le déplore : « Il n’y a pas d’accompagnement à l’éducation du couple, et la question du consentement n’est pas du tout travaillée au niveau de l’école, celle de la violence non plus, donc forcément ça va laisser des jeunes se dépatouiller avec tout ça, cela crée des situations compliquées. »

Nous avons en tant que travailleurs sociaux un travail d prévention à engager lorsque nous sommes en contact avec des adolescents. Souvent, nous ne soupçonnons pas ce que peuvent vivre certaines jeunes filles qui banalisent complètement les maltraitances en leur donnant une autre signification. Marie Larue,, explique sur Médiapart que le problème est aussi et surtout éducatif : « Il n’y a pas d’accompagnement à l’éducation du couple, et la question du consentement n’est pas du tout travaillée au niveau de l’école, celle de la violence non plus, donc forcément ça va laisser des jeunes se dépatouiller avec tout ça, cela crée des situations compliquées. »

Nous avons vraiment à nous former sur ce sujet.

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