Selon les critères utilisés par les sociologues et les économistes spécialistes des inégalités et des ruptures sociales (1) la pauvreté en France se répartit en plusieurs catégories avec la pauvreté intégrée, la pauvreté marginale, et la pauvreté disqualifiante.
La pauvreté intégrée correspond à une situation où ceux que l’on appelle les « pauvres » sont nombreux sur un même territoire. Ils se distinguent peu des autres couches de la population. Leur situation est courante et renvoie au problème plus général d’une région ou d’une localité donnée qui a toujours été pauvre. Puisque les «pauvres» forment un groupe social étendu, ils ne sont pas fortement stigmatisés. Ils sont accepté et les collectivités territoriales leur apportent soutiens et aides spécifiques.
La pauvreté marginale renvoie à une autre représentation sociale : Ces « pauvres » sont souvent jugés inadaptés au monde moderne et il est courant de les désigner comme des « cas sociaux », ce qui entretient inévitablement leur stigmatisation. Ce groupe social est résiduel, mais il fait néanmoins l’objet d’une forte attention de la part des institutions d’action sociale. Mais malgré des moyens déployés, le processus d’insertion et de réussite
La pauvreté issue d’un processus de disqualification Cette forme élémentaire de pauvreté renvoie à un processus qui touche des franges de la population jusqu’alors parfaitement intégrées au marché de l’emploi. Ce processus concerne des personnes confrontées à des situations de précarité de plus en plus lourdes tant dans le domaine du revenu, des conditions de logement et de santé, que dans celui de la participation à la vie sociale. Les personnes qui vivent ces processus souffrent énormément car elles ont souvent une conscience aiguë de leur situation et ont vécu par le passé dans un certain confort alors qu’elles doivent se priver de façon importante et drastique si elles veulent éviter la grande exclusion.
Aujourd’hui, l’image dominante du pauvre est celle de la victime d’une forme de disqualification sociale à la suite d’une ou de plusieurs sévères ruptures. Les femmes seules avec enfants sont de plus en plus touchées. (Les hommes seuls sans emploi également). Le sentiment d’insécurité sociale s’est solidement ancré dans la conscience collective à tel point que plus de la moitié de la population française craint désormais d’être touchée par l’exclusion.
Etre pauvre ne veut pas forcément dire être exclu même si la quasi totalité des exclus sont pauvres économiquement. L’exclusion est à mon avis un terme polymorphe qui est utilisés pour définir tout ce qui prive une personne ou un groupe d’une reconnaissance par le corps social, et nie son identité. Lorsque l’individu est identifié à un statut ou à une catégorie de population, il se crée alors un processus de stigmatisation. Les logiques d’exclusion peuvent concerner tout le monde (nous sommes tous exclus au regard de telle ou telle personne ou groupe social constitué). Jean Maisondieu précise : “ le groupe des exclus est une sorte de fourre-tout de plus en plus vaste dans lequel se retrouvent pêle-mêle tous les individus en délicatesse avec la vie ‘’’normale’’’. Effectivement, vu comme de cette façon, cela fait du monde.
En matière de travail social, l’exclusion peut se décliner en plusieurs domaines avec notamment:
• Les exclus économiques : Les personnes sans travail qui vivent avec les minimas sociaux. Parmi ces exclus, certains sont stabilisés dans la pauvreté. Ils survivent en alliant contrats précaires et systèmes d’entraides avec parfois le soutien d’une économie souterraine mal évaluée. Mais cette population dispose de revenus tellement bas que le moindre «accident de parcours» provoque un endettement difficilement surmontable et l’entrée dans un engrenage de dépendances à l’égard des services sociaux qui distribuent des aides extralégales selon les différentes déclinaisons des politiques départementales.
• Les exclus du territoire : Ces exclus sont les victimes de tentatives d’éloignement du regard des « inclus ». Les dispositifs d’aide sont peu où mal adaptés. Il y a les familles et personnes sans papiers, entrées illégalement ou devenus illégaux suite à une évolution de la législation Française. Les « sans papiers » font appel aux services sociaux des départements ainsi qu’aux associations caritatives et pour lesquels peu de solutions existent, ni ne sont mises en œuvre. On peut ajouter dans cette catégorie
les gens du voyage mais aussi les SDF « clochardisés ». Les exclus des territoires sont aussi des exclus économiques : c’est principalement la catégorie de population la plus stigmatisée et pour laquelle il n’y a peu ou pas de réponse institutionnelle sinon la volonté de les voir déplacées ( être ailleurs )
Les personnes issues de ces 2 grandes familles d’exclus constituées de parcours fort différents sont confrontées à des difficultés assez insurmontables en matière d’accès au logement et à l’emploi.
Selon les formes de pauvreté et la forme d’exclusion le travailleur social pourra plus ou moins agir ; En effet certaines politiques publiques leur donnent des moyens pour lutter contre certaines formes d’exclusion ( par exemple celles liées aux handicaps) alors qu’elles ne leur en donnent aucun ou très peu pour lutter contre d’autres formes (par exemple avec les sans papiers…)
bref selon que vous soyez pauvre ou selon la forme d’exclusion que vous subissez, selon votre territoire, votre lieu de vie, vous pourrez être plus ou moins aidé de façon efficace. C’est aussi pourquoi le travailleur social ne peut ni ne doit limiter son action en faisant appel uniquement aux dispositifs existants. Il doit aussi pouvoir inventer et chercher avec les personnes des réponses, des solutions en s’appuyant sur les ressources locales et les compétences propres des personnes qu’ils soutiennent et cela , ce n’est pas toujours facile à expliquer !
(1) ERIS Equipe de recherche sur les inégalités sociales sous la direction de Serge PAUGAM, directeur de recherche au CNRS, directeur d’études à l’EHESS
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