Un article de Rory Truell publié par le journal ‘The Gardian » il y a quelques années nous explique que souvent, les services sociaux sont conçus comme des « portes tournantes ». Ils se concentrent sur les personnes en crise qui, lorsque les symptômes de l’urgence se sont apaisés, sont directement renvoyées à la situation stressante qui a provoqué tous les dégâts initiaux. C’est un cycle douloureux, coûteux et tragique. Certains travailleurs sociaux tentent de briser ce cercle. Ils ont conscience que si nous ne nous attaquons pas aux causes des malheurs des plus fragiles, nous ne faisons que panser provisoirement les plaies sans les guérir.
Comment agir ? Rory est allé chercher des réponses principalement dans les pratiques sociales de différents pays. J’aimerais aussi apporter ma contribution en prenant d’autres exemples plus près de nous, car ils existent. Nous sommes en effet tout autant concerné(e)s par ce sujet.
Dans les services sociaux traditionnels, on s’efforce d’aider les personnes à agir sur leur comportement et beaucoup moins sur leur environnement afin de trouver une solution à leurs problèmes. Nous les incitons aussi à devenir leurs propres « défenseurs » de leurs droits. Pourtant, il y a d’autres façons de faire, car un problème social général ne peut être résolu uniquement par le changement de positionnement de la seule personne concernée. Son environnement social et familial impacte fortement ses choix et sa réalité de vie. Ne pas agir sur les dimensions sociales du contexte peut l’enfermer dans un cycle qui fait que le problème va réapparaitre. C’est tout autant vrai pour les questions de pauvreté que pour par exemple les violences subies qu’elles soient ou non conjugales…
Travailler « au delà des services »
Rory Truell nous explique que dans de nombreux pays, des travailleurs sociaux ont fait le choix de «travailler au-delà des services». Il existe d’innombrables exemples dans le monde entier. En France nous pourrions appeler cela agir en faisant appel au développement social local. Il s’agit d’agir sur notre environnement pour qu’un problème social (identifié et localisé) soit pris en compte par l’ensemble des acteurs de la vie locale. Facile à dire et beaucoup plus difficile à faire. Regardons des exemples qui nous sont donnés à l’étranger. Nous avons à apprendre des pays qui n’ont pas les moyens d’agir que nous connaissons. Reprenons ces expériences de vie qui ont fait l’objet de reportages et d’articles rédigés par Rory Truell :
Zambie : À l’âge de neuf ans, Nadine a été retrouvée abandonnée après des funérailles à Lusaka. Le dernier membre de sa famille était décédé du VIH. Avec l’aide de travailleurs sociaux, elle a eu la possibilité de fonder une nouvelle famille et une nouvelle communauté dans un village qui accueille les enfants et les invite à développer leurs compétences. Onze ans plus tard, elle a étudié les sciences sociales à l’université parce qu’elle voulait agir pour améliorer les monde et en faire un lieu de solidarités.
Bangladesh : Sujan,habite Dacca. Dès son plus jeune âge il ramassait des sacs en plastique dans une décharge pour les revendre. Cette activité est dangereuse. Il a été écrasé par un bulldozer et a perdu une jambe. Grâce au soutien de travailleurs sociaux qui ont aidé 600 récupérateurs de déchets à devenir un collectif reconnu, fondé sur les droits , Sujan est désormais a quitté cette activité. Il est aujourd’hui tailleur et soutient activement le « collectif des récupérateurs » et ses objectifs.
Ecosse : Susan vit à Glasgow. Elle a rejoint un collectif écossais de 2 500 personnes ayant bénéficié de l’aide de l’État ; ils se soutiennent et défendent collectivement leurs droits. Récemment, elle et d’autres membres collectifs ont rencontré le premier ministre de l’Écosse et ont fait pression avec succès pour que soit mis en place une campagne nationale visant à lutter contre la stigmatisation à laquelle font face les personnes qui quittent le système de soins.
Iran : Jamshid, de Téhéran, était accro à l’héroïne depuis 10 ans, mais il est aujourd’hui devenu un psychologue qualifié et un membre actif d’une communauté de 2 500 personnes qui aide les autres toxicomanes à trouver un sens, une direction, une communauté et à être fiers de leur vie sans drogue.
Avancer grâce à la communauté et les liens de solidarité
Toutes les histoires et parcours de ces jeunes ont un élément commun : celui d’appartenir à une communauté basée sur la fraternité, le soin et la responsabilité envers les autres, avec un accent particulier qui portes sur la défense de la place de chacun dans la société. Dans toutes les situations, les membres de ces collectifs sont traités avec la même dignité et les mêmes droits que tous les autres. Ils sont encouragés à influencer ce qui se passe dans le collectif et à assumer des rôles de leadership.
Les membres de ces collectifs parlent dans l’espace public, mais sont souvent trop discrets. Ils développent des compétences. Ils sont convaincus et convaincants. Ils aspirent à un monde dans lequel les contributions de chacun sont reconnues, quels que soit son lieu de naissance et les épreuves endurées. Chacun sait d’où il vient et revendique son appartenance. Les anciens exclus ont des gens autour d’eux qui les apprécient, les encouragent et reconnaissent leurs valeurs. Ils ont une place où se tenir avec fierté et un rôle pour la construction d’un monde meilleur.
Les travailleurs sociaux sont « dans les coulisses » de ces actions
Dans les coulisses, des travailleurs sociaux travaillent au-delà de leurs obligations déjà exigeantes et des limites des attributions des services sociaux et des institutions pour lesquelles ils travaillent. Ils organisent des réunions dans les communautés pour identifier les préoccupations communes, aider au développement de règles favorisant le vivre ensemble. Ils tentent de relier les collectifs aux ressources existantes.
«C’est cela l’aspect autonomisation du travail social» explique Hassan Mousavi Chelak, président de l’Association iranienne des travailleurs sociaux. « Pour un travailleur social, rien n’est plus satisfaisant que de voir la personne utiliser les mêmes principes de travail social pour aider les autres et constater que ce cycle se poursuit et se développe dans toute la communauté. Quand nous voyons cela, nous savons que notre travail a été fructueux. «
Mais ils sont souvent « contraints et piégés »
Les travailleurs sociaux peuvent souvent se sentir contraints et piégés : leur soutien à la création de collectifs « fraternels et actifs » est loin d’être facile dans de nombreux pays, en particulier lorsque les institutions pour lesquelles ils travaillent ne prennent pas en considération cette dimension des liens et évitent toute discussion sur le changement social.
Ils font face à des limites bureaucratiques qui compromettent leur éthique professionnelle. Cela les épuise. Mais beaucoup résistent et trouvent des solutions à ce problème. Ils apprennent à se dégager ou à contourner ces contraintes et lorsqu’ils le font, l’approche en travail social est beaucoup plus efficace. Ils ne sont plus là pour gérer de façon administrative des prestations sociales, ils sont là pour les personnes et leurs communautés.
Rory Truell conclue son article avec ce message que je traduis ainsi : « Laissez les travailleurs sociaux faire leur travail de promotion et de réalisation des personnes et des groupes. Laissez-les construire et soutenir les relations humaines qui font progresser le bien-être et les droits de tous ». Il me semble que ce n’est pas si compliqué. C’est d’abord une question de confiance…
Rory Truell est secrétaire général de la Fédération Internationale des Travailleurs Sociaux.
photo : capture d’écran à partir d’un reportage de Rory Truell lors de sa rencontre avec des travailleurs sociaux en Iran
2 Responses
Les travailleurs sociaux feraient mieux de s’occuper de leurs affaires.
J’ai eu l’occasion de rencontrer des étudiants qui faisaient une formation pour devenir éduc spé lors d’une soirée.
Leur seul sujet de conversation durant tout la soirée : s’insérer des légumes dans différents orifices immentionables.
J’ai compris à ce moment là qui ces gens étaient vraiment.
Bonjour Ricky, Moi j’ai vu 3 anglaises rousses qui parlaient fort et riaient beaucoup ! Je vais suivre votre façon de penser : il est donc clair qu’en Angleterre. Toutes les Anglaises sont rousses et aiment rigoler. C’est bien cela ? Bon à part ça évidemment il y a des professionnels qui ne sont pas sérieux et qui dénaturent le travail. Mais je peux vous assurer que tous ne sont pas comme ça fort heureusement.