Le problème avec le management en travail social se trouve dans la définition même du terme : « Le management est la mise en œuvre des moyens humains et matériels d’une entreprise pour atteindre ses objectifs« . Cette simple définition se confronte à l’autonomie du travailleur social qui cherche de son coté à trouver une ou des solutions avec la personne qu’il rencontre. C’est son principal objectif. Ils est centré sur la problématique de la personne qu’il reçoit et non sur les objectifs fixés par son employeur. Lorsque les 2 objectifs coïncident pas de soucis mais ce n’est pas toujours le cas. Si la posture du travailleur social n’est pas partagée et reconnue par le supérieur hiérarchique, si celui-ci est plus préoccupé par la volonté de sa direction d’organiser de telle ou telle façon le contenu même du travail et des priorités, il risque d’y avoir des incompréhensions et de fortes « tensions » (mot valise qui sert à définir le mot conflit et opposition).
Ma petite expérience sur ce sujet me confirme que « les 7 leviers du management pour le bien-être dans le service », proposés par Jean-Pierre BRUN (chercheur à l’université de Laval au Québec) sont tout à fait pertinents pour le travail social. « Se fondant sur des recherches effectuées auprès de 17 000 travailleurs, Jean-Pierre Brun en dégage sept catégories, qui sont autant de leviers ». C’est une collègue assistante sociale qui m’a transmis ces éléments. Elle a été particulièrement été intéressée par cet ouvrage.
A mon avis, ces 7 leviers sont tout aussi importants pour le management que pour l’accompagnement d’une personne qui demande à être aidée par un travailleur social.
Faisons en rapidement le tour
1- témoigner de la reconnaissance : Il s’agit de se rappeler que les personnes que vous encadrez sont essentielles pour la réalisation des missions de votre institution ou association. Considérer l’autre comme un simple moyen d’y parvenir sans reconnaître l’importance de son travail est particulièrement contre-productif. Nous avons tous besoin de reconnaissance. Sans celle-ci nous sommes vite démotivé(e)s et au final démobilisé(e)s. La reconnaissance est un moteur non seulement dans le cadre du management mais aussi dans celui de l’accompagnement social d’une personne qui fait appel à votre compétence.
2- Soutenir les professionnels que vous encadrez : Le soutien ne veut pas dire de la dépendance ni la création d’une position dominante. Un soutien peut se traduire par des actes qui contribuent à valider le travail engagé et à renforcer ou développer la fierté de celui ou celle que vous encadrez lorsqu’elle réussit dans son travail. Vous lui montrez votre intérêt face aux actes positifs qu’elle pose. C’ est un moteur pour elle à la condition que vous y mettiez les formes.
3- développer la culture du respect : Soyez respectueux et vous serez-vous même respecté. Cela peut paraître une évidence, mais le quotidien nous conduit parfois à oublier qu’il est important de ne pas déranger les autres à tout moment. Il y a le respect de la parole donnée, celle que l’on reçoit. Respecter quelqu’un c’est aussi accepter de prendre en considération la demande même si vous estimez qu’elle est peu importante. Les travailleurs sociaux, qui parfois « se lâchent » entre collègues savent très souvent s’inscrire dans la culture du respect envers les personnes qu’elles reçoivent. Celles et ceux qui ne le font pas son très près de la faute professionnelle car le respect conditionne la qualité de la relation.
4- concilier travail et vie personnelle : Il me parait difficile de regarder la personne qu’à travers le filtre de son utilité ou de sa capacité au travail. Nous sommes tous faillibles. Il suffit parfois que cela n’aille pas bien à l’extérieur du travail pour que cela retentisse dans le quotidien professionnel. Il me parait essentiel de pouvoir le prendre en compte. Il ne s’agit pas d’adapter le travail à la vie personnelle mais plutôt de tenir compte de la vie personnelle lorsqu’elle a un impact sur la vie au travail. Prendre en compte cette réalité est une façon « humaine » de gérer au mieux nos relations au travail.
5- Contrôler la charge de travail : C’est important surtout dans cette période où il nous est toujours demandé d’en faire toujours plus avec moins de moyens ou à moyens constants. Un trop grand nombre de professionnels sont victimes d’usure, et même d’épuisement professionnel. Ils peuvent être victimes du traumatisme vicariant ou si vous préférez subir une usure de compassion. Le rôle de l’encadrement est essentiel pour prévenir ce risque car souvent le professionnel qui est dans cette problématique ne peut la voir et donc réagir de façon efficace. Chaque professionnel a des limites, il s’agit simplement de la prendre en compte.
6- encourager et soutenir l’autonomie et la participation aux décisions : En travail social, nous savons que nous sommes plus intelligent en réfléchissant à plusieurs. Les solutions viennent très souvent des personnes qui sont au plus près du problème posé. Je reprendrais pour cela un point déjà abordé ailleurs : « Face à un problème lié à l’organisation du quotidien des professionnel(le)s, commencez par interroger les personnes elles mêmes concernées par le sujet. Parmi leurs réponses vous trouverez quasi systématiquement la solution ! »
7- clarifier le rôle de chacun. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais c’est incroyable le nombre de personnes qui, au travail, se marchent sur les pieds tout simplement parce qu’ils ne sont pas à leur place ou que leur rôle n’a pas été défini. Tel cadre qui pense à la place de l’éducateur alors qu’il n’intervient pas dans la situation, le chef de service qui au lieu de donner des directives se met à la place de son adjoint pour organiser un réunion spécifique au lieu de déléguer dans les rencontres habituelles, etc. Avec la multiplicité des intervenants auprès d’une même famille comment permettre à chacun de ne pas empiéter sur le territoire de l’autre ? Les familles savent bien jouer de ces contradictions et de la multiplicité des intervenants. En définissant les rôles et place de chacun,nous pouvons découvrir que 2 professionnels ont la même fonction dans un projet ou une mission. La majorité des conflits ne sont pas liés aux personnes mais aux places qu’elles occupent dans telle ou telle situation où au final on ne sait plus qui fait quoi et pourquoi et cela peut les mettre à mal…
J’ajouterais bien une 8ème proposition : celle qui consiste à savoir déléguer et faire confiance en acceptant la prise d’autonomie. C’est à mon avis l’une des clés de la réussite avec les personnes que vous encadrez.
En relisant ce je vous écris, je me demande si ce n’est pas un peu prétentieux ce type de conseil sur le management, en tout cas c’est ce que j’ai envie de partager avec vous car je crois vraiment dans l’utilité de ces 8 engagements…
Photo : Simon Cadres et diplômées Better on Black (I think) Prise le 12/12/2010 Certains droits réservés
3 réponses
Ce texte me parle dans la mesure où mon responsable ne laisse aucune autonomie. Nos journées sont millimétrées : « faut faire cela puis ceci… ». Il a un besoin de tout contrôler et cela démontre qu’il ne nous fait pas confiance. Je pense qu’il devrait faire un autre boulot et travailler seul. Il génère du stress et a du mal à l’entendre quand on lui fait la remarque. Il est psychorigide et se met une pression de malade. Bref tout le monde veut qu’il s’en aille.
Bonjour,
Si je ne m’abuse, une petite erreur de frappe s’est glissée dans l’article. En effet, le traumatisme est vicariant et non varicant.
😉
J’en profite pour vous féliciter pour tous les apports sur votre site.
Bien à vous.
Bonjour,
Exact ! mais ou est ce que j’ai été chercher ce terme de varicant au lieu de vicariant ??? En plus je l’ai utilisé dans 2 articles différents.. Je crois que c’est à force de taper mes textes toute vitesse que ma mémoire fait des raccourcis saugrenus. Il va falloir que je fasse plus attention. Merci pour votre remarque.