Le Canard Enchaîné de ce mercredi nous apprend que le Premier ministre a demandé à la ministre des Solidarités, Agnès Buzyn de mettre en oeuvre un plan d’économie de 7 milliards d’euros sur 2 ans. Cette mesure annoncée par le Canard porte sur une diminution drastique des minima sociaux. Matignon aurait fixé cet objectif à Agnès Buzyn il y a trois semaines. Le Canard Enchainé, qui n’écrit pas au conditionnel, semble très bien informé. Il rappelle que tous les ministres voient leurs dépenses passées en revue, ainsi que l’organisation de leurs administrations.
Une ministre en résistance ?
« A la grande surprise de Matignon et de l’Elysée, la ministre a répondu, par écrit, qu’il n’était pas question d’accepter une telle amputation. Mais Edouard Philippe a insisté : la somme est non négociable. Ces plans d’économies devront s’appliquer partir du janvier 2021. En attendant, la fusion entre les dispositifs d’aides de toutes sortes devra débuter dès 2019 ». Ce refus de la ministre de la Santé et des Solidarités expliquerait pour une grande part les interventions récentes des ministres Bruno Le Maire (économie) et Gerald Darmanin (budget). Tous 2 ont pour objectif de «Transformer les prestations sociales» avec un total soutien du premier ministre évidemment. La fusion des aides et leur « simplification » permettrait dans la foulée d’opérer ces fameuses économies.
Les pauvres vont-ils « payer pour les riches » ?
La somme à économiser, 7 milliard d’euros, est, précise le Canard, exactement le montant de ce qu’a coûté la baisse des impôts en direction des plus riches ( ISF + Flat Tax + annonce de suppression de la taxe d’habitation). Le symbole est lourd de significations. La coupe sombre ne serait pas négociable selon l’une des principaux conseillers du premier ministre.
Paroles paroles paroles,
Le Canard enchaîné nous prévient : Emmanuel Macron prendra la parole en juillet pour parler de la pauvreté. Ce sera à l’occasion du lancement d’un plan en direction des plus défavorisés. Toujours selon le Canard : ce discours doit aider à faire passer « la pilule » car le coût de ce plan d’action comme pour celui en réponse à la crise dans les EHPAD ne sera pas à la hauteur des besoins recensés.
Juste une mise au point…
Invitée par RTL hier matin, Agnès Buzyn a démenti les informations du Canard Enchaîné. « Personne ne m’a demandé de trouver 7 milliards d’euros », a-t-elle affirmé. « Je ne sais absolument pas d’où vient ce chiffre. Ça n’a jamais été envisagé ». La ministre a aussi assuré qu’il n’était « pas question de faire des économies sur les personnes les plus en difficultés et les plus vulnérables ». Mais dit-elle « Nous arrêtons de financer ce qui ne fonctionne pas » et « la totalité des prestations » sera passée au crible de « l’exigence d’efficacité » du gouvernement. il n’y aura «pas d’économies sur les plus vulnérables» a promis la ministre.
Les « très pauvres » protégés, les moins pauvres des pauvres mis à contribution ?
Il faut bien lire et écouter ce qu’a dit la ministre des Solidarités : S’il n’est pas question de faire des économie sur les personnes « les plus en difficultés », rien ne dit qu’il ne faut pas en faire sur celles qui le sont moins. Et c’est là la subtilité du propos. Cette façon d’aborder la question offre à la ministre une marge de manœuvre qui permet de répondre aux exigences du rapport annuel du Fond Monétaire International sur l’économie française rendu public le 4 juin : Ce rapport recommande de limiter les prestations sociales à ceux qui en ont « le plus besoin » ou de « rationaliser l’aide au logement », seul moyen selon leurs rédacteurs de réduire le déficit public à moyen terme. Il préconise aussi des “mesures supplémentaires” comme une révision des allocations chômage.
Toute la question sera donc de savoir faire la distinction entre une personne faisant partie de « celles qui ont le plus besoin d’aides sociale » de celles qui en ont « moins besoin ». Les travailleurs sociaux des CCAS et des Départements n’ont pas de doute à avoir sur leurs futures charges de travail à ce sujet. Ils ont déjà dans leurs bureaux toutes celles et ceux qui, travailleurs pauvres, ne peuvent bénéficier des aides sociales réservées aux allocataires de minima sociaux. Si ces minima diminuent encore, ils risquent fort d’être une nouvelle fois débordés sans moyens adaptés de réponse.
Et pourtant… comme le précise Serge Madec, « la France affiche aujourd’hui l’un des taux de pauvreté les plus faibles de l’Union Européenne … Surement une preuve de plus de l’inefficacité de nos aides sociales … »
photo : capture d’écran d’Agnès Buzy lors de son passage sur RTL