Nous le savions un peu mais un article du Canard Enchaîné cette semaine nous révèle l’ampleur du phénomène. Rien ou presque n’est fait pour contrôler le fonctionnement des tutelles judiciaires. Tous les abus sont en quelque sorte permis puisqu’il n’y a ni audits, ni contrôles, ni statistiques sur une réalité qui concerne au bas mot 700.000 personnes considérées comme incapables majeurs.
Un rapport de la cour des compte indique que le montant des sommes gérées est impossible à connaitre. Il s’élèverait a plusieurs dizaines de milliards. Ilprécise que les inventaires patrimoniaux ne sont quasiment jamais recensés et que les anomalies relevées « ne sont quasiment jamais sanctionnées ». Bref c’est la belle vie pour les tuteurs malhonnètes précise le canard.
Le problème est toujours le même : le manque de moyens. « Chaque magistrat est chargé de 3500 dossiers » d’où des contrôles à minima. La cour des compte indique en outre que « Juges et procureurs n’exercent presque jamais leur pouvoir de surveillance. « Un protecteur qui, désigné pour s’occuper des comptes de la personne âgée ou handicapée, peut devenir son prédateur sans risque … »
Les dispositions de la loi de 2009, destinées à moraliser les pratiques, sont restées insuffisantes. Ce fut à cette époque la fin des «comptes pivots», dorénavant prohibés et qui permettaient de regrouper sur un compte unique ouvert au nom du mandataire l’ensemble des ressources des majeurs… Une aubaine pour tenter des placements plus ou moins rentables.
Enfin à titre de comparaisons, le canard enchaîné précise que le ministère des affaires sociales dispose de 10 inspecteurs des tutelles… pour toute la France alors qu’ils sont 700 en Grande Bretagne. Cherchez l’erreur.
En 2013 un article du Figaro avait tenté d’alerter le grand public de cette situation assez ubuesque « Régime des tutelles : quand les seniors se font escroquer ».
L’article du canard nous montre que rien n’a véritablement évolué depuis. Que faire ? Il reste certes possible pour les services sociaux d’informer le procureur dès lors qu’ils ont connaissance de « dysfonctionnements » avérés ou de risques d’abus. Les procureurs dans la grande majorité des situations diligentent une enquête si les éléments transmis sont suffisamment étayés. Mais cela ne suffit pas à limiter les risques notamment en ce qui concerne les tuteurs privés qu’ils soient ou non membres de la famille de la personne protégée. Avec le vieillissement de la population, on peut craindre des risques croissants de maltraitance économique. Un sujet préoccupant pour les travailleurs sociaux au contact des personnes âgées et handicapées qui souvent ne se plaignent pas et préfère ne rien dire plutôt pour ne pas prendre le risque de perdre la relation avec leurs proches notamment leurs enfants.
Photo via Visual Hunt