Le secret de la médiation numérique réside dans la qualité de la relation entre le médiateur et les personnes qu’il aide. Voilà, c’est dit ! Ils ont pour priorité d’établir des relations empreintes d’écoute, de bienveillance, et de confiance pour faciliter l’apprentissage et le développement des compétences numériques. Ils ont appris la dimension sociale de leur métier « sur le tas », ce qui n’est pas une mince affaire. L’agence régionale du numérique et de l’intelligence artificielle de Bourgogne Franche-Comté a diffusé en 2022 un livre blanc de la médiation numérique particulièrement intéressant qui nous apporte des précisions sur ce sujet.
L’étude s’appuie sur de multiples entretiens de professionnels dans l’action et donne aussi la parole à Pascal Plantard grand spécialiste de la question. Selon le sociologue, les médiateurs numériques doivent adopter une approche axée sur l’accompagnement des personnes vers l’autonomie numérique et la citoyenneté. Plutôt que de se concentrer sur la vulnérabilité numérique en comblant les déficits technologiques, il est essentiel de développer le potentiel des usagers grâce à la médiation.
Une adaptation constante dans chaque situation
En effet, le médiateur numérique joue un rôle essentiel dans la transformation des idées reçues et des stéréotypes liés à la technologie. Il aide les gens à voir le monde digital sous un autre angle. L’intelligence sociale est primordiale dans ce métier, puisque les médiateurs doivent adapter constamment leur discours et leurs postures pour mieux comprendre les blocages, les réticences et les intérêts des participants.
On peut considérer le médiateur numérique comme un artisan du numérique, loin des approches normées ou industrielles. C’est aussi là son grand intérêt. Chacun exerce ce métier à sa manière, en fonction de sa personnalité, avec des styles variés. L’étude de Franche-Comté a décelé les multiples façons d’exercer ce travail. Il y a le médiateur-instituteur, le médiateur-animateur, le médiateur-assistant-social, le médiateur-conteur, le médiateur-militant, le médiateur-formateur, le médiateur-consultant ou encore le médiateur-coach. Les habiletés professionnelles se multiplient.
Cette approche artisanale du métier de médiateur numérique est d’autant plus importante qu’elle permet de travailler au plus près des spécificités des publics et de leurs territoires. Il est donc essentiel de conserver cette authenticité et cette proximité pour engager les publics vers le numérique de manière efficace et personnalisée.
Deux approches différentes
L’étude souligne aussi deux conduites distinctes en vue de permettre la médiation numérique. Il y a l’approche « techno-utilitariste » et celle décrite comme l’approche « culturelle ». L’approche techno-utilitariste est centrée sur la manipulation des outils numériques et vise à transmettre les bonnes pratiques. Elle s’inspire d’un modèle comportementaliste et suit une progression pédagogique précise. L’approche culturelle, en revanche, commence par expliquer l’univers du numérique, ses usages, ses potentialités et ses dangers, en s’appuyant sur les centres d’intérêt des participants. Les médiateurs culturels adaptent constamment leur programme pour répondre aux besoins de leur public.
L’analyse de ces deux approches montre que les médiateurs adoptant une approche culturelle obtiennent de meilleurs résultats. Ils conservent presque systématiquement leurs participants tout au long du parcours, tandis que ceux qui adoptent une approche techno-utilitariste perdent souvent un grand nombre de participants entre chaque session. Les médiateurs qui s’engagent dans une approche culturelle parviennent à donner du sens aux apprentissages, à motiver et à embarquer leurs publics, en faisant preuve d’un véritable « leadership numérique ».
Cela peut paraitre une évidence, mais l’approche culturelle est bien plus efficace pour favoriser l’engagement des participants dans un processus d’acquisition de compétences nouvelles. Cette approche a un impact direct sur les représentations des participants, modifie leur rapport au numérique et transforme progressivement leur perception d’eux-mêmes et de leur place dans un monde devenu numérique. Cette approche s’appuie sur la dimension sociale et la capacité relationnelle du médiateur.
Un processus et des postures adaptées
La médiation numérique est finalement un processus qui permet d’aider les personnes à développer leurs compétences et leur autonomie dans le domaine du numérique. Le médiateur agit comme un agent culturel qui travaille au développement des savoirs développement, selon la théorie de Vygotsky, pour dynamiser la croissance des compétences des participants. Des postures telles que l’écoute, le dialogue et le questionnement sont essentielles pour comprendre les besoins et les intérêts du public, tandis que l’empathie et la bienveillance sont nécessaires pour instaurer un climat de confiance.
Les médiateurs les plus efficaces sont ceux qui adaptent constamment leur approche en fonction de leurs publics. Ils tiennent compte de leur vulnérabilité tout en démystifiant les outils pour en faciliter l’apprentissage. C’est pourquoi la formation des médiateurs doit mettre l’accent sur ces aspects sociaux liés à la relation d’aide, afin de créer un environnement qui permette le développement des compétences numériques des apprenants en leur rendant confiance en eux.
Source : « La médiation numérique et le métier de médiateur numérique » Livre blanc réalisé par Christian Batal et Jean-Christophe Henrard, à partir d’une étude avec les médiateurs numériques de la région Bourgogne-Franche-Comté, pilotée par MedNum BFC.
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