J‘ai eu le plaisir d’intervenir hier matin au centre de formation des travailleurs sociaux de Rezé (ARIFTS) dans le cadre d’une demi -journée placée sous le thème de l’intervention sociale d’intérêt collectif (ISIC), et de la place des personnes dans ces actions. Nous avons pu échanger sur la question de la co-construction, mais aussi des niveaux de participation. C’est pourquoi je vous propose aujourd’hui un article sur ce sujet. Car si tous souhaitent la participation des personnes accompagnées ou reçues par les travailleurs sociaux, fort peu s’interrogent sur ce qu’elles en attendent et la place réelle qui leur est donné. certaines participations peuvent même être considérées comme des formes de manipulation. Entrons donc dans le détail de ce que représente cette fameuse participation.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la participation désigne l’implication d’une personne dans une situation de vie réelle. En outre, les théories de la justice de Rawls et Amartya Sen ont cherché à construire un modèle de société fondé sur la coopération sociale de l’ensemble des citoyens. Dans ce cadre, la participation sociale des membres de la société et la liberté offerte à chacun d’accomplir son projet de vie deviennent un objectif central à la fois comme condition et comme expression de la citoyenneté et de l’épanouissement humain. D’une manière générale, deux types d’approche caractérisent la participation : restrictive et globale. L’approche restrictive la définit uniquement sur la base des activités sociales de la personne (Bukov et coll., 2002 ; Utz et coll., 2002). L’approche globale inclut les activités courantes et les rôles sociaux de la personne. Cette dernière doit d’abord réaliser ses activités courantes, essentielles à sa survie, pour pouvoir accomplir ses rôles sociaux, assurant ainsi son développement et son épanouissement dans la société.
On observe plusieurs degrés dans la participation. Les huit échelons sur l’échelle de participation (Sherry Arnstein) sont les suivants :
1 La Manipulation
2 La Thérapie
1 et 2 sont de la « Non participation » mais une forme d’instrumentalisation de la personne : c’est sa simple présence et son assentiment qui sont recherchés
3 L’information
4 La consultation
5 La Réassurance (Placation)
3,4,5 correspondent à ce que l’on peut appeler la coopération symbolique. La participation consiste alors au recueil d’un avis sans aller vraiment au-delà
6 Le Partenariat
7 La Délégation de pouvoir
8 le Contrôle citoyen
6,7,8 correspondent au pouvoir effectif des citoyens. Il est insuffisamment mis en oeuvre dans les actions.
Si cette échelle est simplificatrice, elle permet cependant d’illustrer qu’il existe des paliers significatifs de participation. Une différence notoire sépare le rituel de participation vidé de son sens, du pouvoir réel nécessaire pour influencer l’issue du processus et, pour certains, il n’y aurait de participation véritable que lorsqu’il y a partage du pouvoir et organisation d’une authentique codécision.
Ces différents niveaux peuvent aussi être présentés autrement : l’un n’excluant pas l’autre : par exemple pour être consulté il est nécessaire d’avoir été préalablement informé… Ce sont les mêmes concepts qui excluent ceux de la non participation :
1. L’information qui correspond à des communications de type unilatéral. Elle va permettre aux experts de présenter et d’expliquer les orientations d’un projet,
2. La consultation qui permet d’atteindre un niveau supérieur de participation. Elle consiste à sonder l’avis des citoyens, quant à un projet particulier, et d’en tenir compte dans la prise de décision finale.
3. La concertation, qui, par son fort niveau d’insertion du public, relève bel et bien de la participation. C’est ainsi que tout un processus se met en place, au cours duquel, à chaque étape, les citoyens auront la possibilité de donner leur avis.
4. La codécision consiste quant à elle, en une « participation directe à l’élaboration de la décision ou une gestion déléguée »
5. L’évaluation enfin, qui représenterait un ultime niveau de participation, permettrait aux participants de « faire le point sur l’effectivité » de ce qui a été fait tout au long du processus de participation.
et comme un bon schéma vaut mieux qu’un long discours voici ce que cela donne :
Le travail social collectif sous ses différentes formes, conduit le travailleur social à développer des méthodes participatives, opérationnelles et responsables. Il comprend la participation comme l’action de prendre part à la vie du groupe ou de la société. Cependant, malgré ses pratiques de soutien à la participation sociale, il sait que les personnes réunies en un même lieu ne constituent pas forcément un groupe homogène et indifférencié et présentent nombre de caractéristiques différentes qui font que certaines formes de participation sont possibles ou appropriées pour un groupe et pas pour un autre. Son évaluation est essentielle pour proposer un niveau de participation adapté et répondant aux attentes du groupe. Et cela, ce n’est pas toujours ce qu’il y a de plus simple…
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