Les infirmières scolaires verront leur salaire revalorisé de 200 euros net par mois en moyenne et toucheront une prime exceptionnelle de 800 euros à compter de mai prochain, a récemment annoncé le Premier ministre Gabriel Attal. Cette annonce a provoqué une onde de choc parmi les assistantes sociales dédiées au secteur de l’éducation. C’est comme si elles n’existaient pas. Pas de revalorisation pour elles. Les assistantes sociales scolaires ont été littéralement oubliées de cette volonté de redonner un statut attractif à leur profession qui pourtant ne démérite pas.
Nathalie, conseillère technique de service social, a ainsi exprimé sur LinkedIn sa profonde consternation face à ce qu’elle perçoit comme une nouvelle marque de négligence envers la profession. Cette annonce, survenue dans un contexte déjà tendu par une crise de recrutement et des disparités salariales notables, creuse un fossé encore plus profond entre les différentes catégories de personnel œuvrant au sein du système éducatif.
Mais quelles sont les missions du service social en faveur des élèves ?
Le service social en faveur des élèves, tel que décrit dans la circulaire n° 2017-055 du 22 mars 2017 du Ministère de l’Éducation Nationale, vise à promouvoir l’égalité des chances et à combattre les inégalités sociales et territoriales qui affectent la réussite scolaire et éducative des enfants et adolescents scolarisés. En garantissant le droit à l’éducation pour tous, ce service spécialisé contribue au développement personnel des élèves, à l’élévation de leur niveau de formation, à leur insertion sociale et professionnelle, ainsi qu’à l’exercice de leur citoyenneté. Vaste programme qui demande des moyens que ces services n’ont pas.
Ce service social si particulier voit son action alignée sur les politiques sociales, familiales, et de santé, notamment dans le cadre de la politique interministérielle de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Ce service s’inscrit dans une démarche de partenariat étroit avec les services de l’État, les collectivités territoriales et d’autres acteurs sociaux, afin de répondre efficacement aux besoins des élèves et de leurs familles. Mais elles sont aussi actrices et intervenantes dans le champ de la protection de l’enfance.
Mais plus concrètement ?
On ne peut que constater que les missions du service social en faveur des élèves sont vastes et diversifiées. C’est un puits sans fond ! Elles englobent l’accompagnement social individualisé des élèves, le conseil social et l’intervention sociale au sein des établissements, la conduite de projets d’actions collectives et la mobilisation du réseau partenarial. Ces missions visent à prévenir l’échec scolaire, l’absentéisme et le décrochage, à contribuer à la protection de l’enfance, à améliorer le climat scolaire, à participer à l’éducation à la santé et à la citoyenneté, à favoriser l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap ou à besoins particuliers, et à soutenir les parents dans leur rôle éducatif. L’action du service social est fondamentale pour aider les élèves à construire leur projet personnel et à s’insérer de manière satisfaisante dans la vie adulte, tout en soutenant leur réussite scolaire et leur bien-être.
Il faut une nouvelle fois le rappeler, les assistantes sociales jouent un rôle important dans le maintien et la promotion du bien-être des élèves. Leur mission est vaste et indispensable : protection de l’enfance, lutte contre l’absentéisme et le décrochage scolaire, soutien aux élèves en situation de précarité, promotion de l’école inclusive, prévention des violences et du harcèlement scolaire, sans oublier leur contribution à l’instauration d’un climat scolaire serein. Ces professionnelles sont sur le terrain au quotidien, se formant continuellement pour adapter leurs interventions aux besoins spécifiques de chaque élève, en collaboration étroite avec les infirmières scolaires et autres membres de la communauté éducative. Leur engagement est incontestable, tout comme leur rôle de pilier au sein des établissements scolaires. Et pourtant…
Des assistantes sociales « abandonnées »
Malgré cette importance spécifique, les assistantes sociales sont délaissées. Leurs salaires restent bien inférieurs à ceux d’autres corps de métier au sein de l’administration publique. Cette situation soulève des questions de fond sur la reconnaissance de leur profession et la valorisation de leur contribution au système éducatif. La marginalisation persistante de ces professionnelles n’est pas nouvelle. Mais quand même ! les difficultés se posent non seulement en termes de reconnaissance financière, mais aussi en termes de considération institutionnelle. Il leur faut sans cesse batailler pour être reconnues par certains chefs d’établissements plus préoccupés par la gestion des enseignants et la tranquillité que par le bien-être des élèves.
Ceux qui vont mal sont souvent ceux qui dérangent en classe ou dans la cour. Leurs parents sont disqualifiés, et souvent, les assistantes sociales tentent de renouer les liens distendus. Une collègue me disait qu’elle passait parfois plus d’énergie à tenter de gérer les enseignants que les élèves ! Une autre avait dû batailler pour obtenir un bureau avec une ligne téléphonique. Quant à la reconnaissance des handicaps, n’en parlons pas. C’est un sujet à lui tout seul. En fait, les assistantes sociales scolaires mettent souvent le doigt là où cela fait mal. Elles soulèvent des questions qui dérangent l’institution scolaire. Alors autant ne pas les écouter.
Mais une autre question se pose avec acuité. Pourquoi, malgré leur engagement et leur rôle central dans l’accompagnement des élèves, les assistantes sociales restent-elles en marge des politiques publiques de valorisation des professions éducatives ? Cette interrogation révèle un malaise plus profond au sein du système, où la reconnaissance des contributions de chacun semble suivre des critères qui méritent d’être questionnés et, éventuellement, réévalués. Il est impératif de réfléchir à des solutions concrètes pour réparer cette injustice et assurer que tous les professionnels de l’éducation reçoivent le soutien et la reconnaissance qu’ils méritent, pour le bien-être des élèves, des familles et de la société dans son ensemble.
Quand on regarde le passé, on ne peut que constater que cet oubli n’est pas nouveau.
Il ne s’agit pas de remonter à l’époque où Ségolène Royal, ministre de l’Éducation, les avait « royalement » ignorées en ne valorisant que les infirmières scolaires. Pas plus tard qu’en 2018, elles avaient déjà tout simplement été « oubliées » du rapport « flash » rédigé par la mission « relations École-Parents ». Ce rapport remis par les députées Aurore Bergé et Béatrice Descamps au ministre de l’Éducation nationale. Dans un communiqué, le syndicat UNSA avait alors souligné : » Si nous saluons leur souhait de voir évoluer la place donnée aux familles à l’Éducation Nationale, nous regrettons que ce dernier omette totalement l’existence, la place et le rôle du service social en faveur des élèves à l’Éducation Nationale. »
En 2022 elles se sont aussi mobilisées au regard du manque de moyens récurrent : Il n’y a que 2600 assistantes sociales scolaires pour 12 millions d’élèves. Jamais leur charge de travail n’avait été aussi forte. Or la crise sanitaire a amplifié le nombre d’élèves en situation de décrochage scolaire, situations pour lesquelles le service social est en première ligne. De leur côté, les assistant(e)s de service social du travail de l’Éducation nationale n’étaient que 300 pour plus d’un million de personnels. En 2022, elles n’avaient connu aucune création de postes depuis plus de dix ans. Un record qui a sans doute été battu.
J’écrivais en 2022 que « Les assistant(e)s de service social sont à bout et n’arrivent plus à mener leurs missions dans de bonnes conditions malgré leur engagement quotidien ». L’épuisement professionnel ne cesse de progresser et se manifeste tant par une hausse des arrêts maladie que par toujours plus de demandes de ruptures conventionnelles et de départs dans d’autres administrations.
Des changements en perspective
Un récent rapport souligne une fragmentation dans l’organisation des services de santé au sein du système éducatif, où psychologues, médecins, infirmières scolaires et assistants sociaux sont répartis sous différents programmes budgétaires. Cette dispersion, selon le député (Renaissance) Robin Reda, nuit à l’efficacité de la prise en charge de la santé des élèves en raison d’une coordination insuffisante entre ces différents professionnels. Pour remédier à cette situation, il propose de regrouper ces professions sous un unique programme budgétaire dédié à la santé à l’école. Cette consolidation viserait à centraliser les dépenses liées à la santé scolaire et à améliorer le pilotage et la coordination entre les différents acteurs. La seule préconisation de ce rapport sur le social est la n° 13. » Mieux informer les élèves, les personnels de vie scolaire et les enseignants sur l’existence et les missions des assistants de service social et des psychologues de l’éducation nationale ». C’est un peu court.
Là encore, la dimension sociale de l’intervention auprès des élèves est complètement oubliée pour ne se centrer que sur la santé. Les assistantes sociales risquent de voir leurs services spécifiques disparaitre au profil d’un dispositif piloté uniquement par des professionnels de santé. Et là il n’est pas certain qu’elles aient à y gagner.
Cinq syndicats viennent de lancer une pétition que je vous invite à signer. Elle s’intitule : « Sous-dotés, sous-payés, sous-valorisés : les personnels sociaux en colère !!! »
Une présentation du métier d’assistante de service social en faveur des élèves
Photo en une : Luc Saint-Elie Rentrée scolaire.. « – t’es sure qu’il faut que j’y ailles ? – ben ouais.. – ah – ben ouais. » Certains droits réservés
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