Je vais intervenir aujourd’hui à Vannes lors d’un colloque intitulé « Interventions sanitaires et sociales et Laïcité ». Ce sera l’occasion d’aborder le travail de réflexion et les 5 recommandations que nous avions rédigées sur la laïcité et le travail social dans la cadre de la commission éthique de l’ancien Conseil Supérieur du Travail Social (devenu depuis le HCTS). Je vais avoir le plaisir de retrouver à cette occasion Michel Thierry son ancien vice président et auteur d’un rapport sur les valeurs républicaines et la prévention des dérives radicales dans le champ du travail social…
Revenons à cette occasion sur l’avis qui avait été voté en décembre 2015 par l’assemblée plénière et qui nous avait tant mobilisé. C’est François Roche qui coordonne aujourd’hui la commission éthique et déontologie qui avait rédigé l’essentiel de cet avis.
Mais auparavant un petit rappel :
La Commission Nationale Consultative de Droits de l’Homme constate « combien l’application du principe de laïcité touche tous les domaines de la vie sociale et combien les réponses doivent s’adapter à des réalités diverses ». Ce simple constat nous permet de dire que le travail social ne peut qu’être concerné par cette question de laïcité, car qui d’autre que les travailleurs sociaux interviennent dans presque tous les domaines de la vie sociale ?
La laïcité instaure le respect des croyances et des non-croyances ce qui implique la neutralité de l’État et des services publics. Quand on parle service publics il faut aussi entendre les associations et les institutions qui assurent une mission de service public. Elles sont nombreuses.
La pratique de la laïcité s’appuie sur 3 principes indissociables… Il y a d’abord la liberté de conscience. Rappelons à ce sujet que la liberté religieuse n’en n’est qu’un aspect même si celle-ci est très médiatisée. Le second aspect porte sur l’égalité stricte des droits de tous, sans discrimination ni privilège particulier. En France les professionnels qui interviennent dans le cadre d’une mission de service public restent très attachés à cette dimension d’égalité et du refus de privilèges ou de passe droit particulier. En fait c’est l’intérêt général qui guide l’action comme raison d’être et d’agir. Il s’oppose aux intérêts particuliers.
Alors quelles sont ces 5 recommandations en direction des travailleurs sociaux ?
1. Le travailleur social accepte les différences et reconnaît la diversité des croyances et opinions. Il prend en compte la pratique religieuse des personnes qu’il rencontre sans lui accorder plus d’importance qu’à d’autres aspects. Il a conscience des effets médiatiques sur ce sujet. Il décrypte les problématiques éducatives et les « provocations à l’adolescence des comportements de certains jeunes »
2. Il adopte un comportement impartial au nom de l’égalité de traitement. Il ne juge pas les pratiques religieuses des autres selon ses convictions personnelles. Il n’est pas pour autant indifférent. Il propose des ouvertures intellectuelles morales et culturelles pour favoriser une « distanciation réflexive ».
3. Le travailleur social s’appuie sur des réflexions éthiques et des références déontologiques. Pour cela, il fait appel aux valeurs humanistes ( responsabilité, tolérance, solidarité, association des personnes..) ainsi qu’aux aux valeurs Républicaines (respect de l’État de droit, civisme, fraternité, intérêt général, égalité de traitement..). Il exclut tout prosélytisme et toute valorisation d’une croyance ou non-croyance. Il participe et initie la réflexion éthique dans le cadre de l’exercice de sa profession
4. Il prend position pour permettre le « vivre ensemble ». Il distingue l’universel (ce qui est commun à tous) du singulier (ce qui est spécifique au sujet). Il est exigeant sur l’universel (appartenance au genre humain, aspiration au bonheur et à la paix, respect des valeurs des droits de l’homme, égalité hommes – femmes..). Il est promoteur de la singularité (originalité et unicité de chaque personne, respect des opinions..). Il est médiateur et favorise la reconnaissance des différentes cultures et façon de vivre dès lors qu’elles respectent les lois et valeurs républicaines
5. Le travailleur social est vigilant face aux outils de communication qui diffusent des opinions et des croyances. Il est conscient de l’existence de ces outils. Il « contrebalance » les liens virtuels par la promotion des liens réels. Mais il agit aussi avec prudence. Il « dose » son intervention et tient compte des limites de son intervention dans le cadre institutionnel. Il accepte de prendre des «risques mesurés». Il reste vigilant en faisant appel à la raison et la « délibération réfléchie », il n’intervient pas seul et active la réflexion collective..
C’est bien diront certains, mais comment fait-on au quotidien ? Je crois pour ma part que la pratique de la Laïcité en travail social se réfléchit et se construit dans le cadre de la formation initiale et continue mais aussi sur le lieu de travail notamment au sein des équipes. C’est un « moteur » fédérant les pratiques professionnelles et institutionnelles. C’est pourquoi la demande de réflexion éthique doit être encouragée au sein des institutions. Nous revenons là sur la question du sens de l’acte que l’on pose qui reste si important aux travailleurs sociaux. Donner sens à son travail est non seulement nécessaire mais aussi essentiel.