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Le vendredi sans messagerie : une solution à l’épuisement professionnel ou une fausse bonne idée ?

C’est la question que je me suis posé après avoir lu un article s’interrogeant sur l’intérêt de bannir les e-mails en fin de semaine alors que nos messageries sont pleines. En effet,  de nombreuses entreprises à travers l’Australie mettent en œuvre une politique d’interdiction des e-mails à partir de midi chaque vendredi, dans l’objectif de réduire une crise générale de l’épuisement professionnel, . Mais cette mesure est-elle une solution réelle ou une façon d’éviter un autre problème ?

Tout a commencé à l’Université Griffith de Canberra. Elle a introduit cette règle au second semestre de 2020. Le but ? Aider son personnel à lutter contre la baisse de motivation pendant la pandémie. Il s’agissait d’une règle de gestion du courrier électronique sur le lieu de travail : comment modifier la forme de communication entre collègues. La directive demandait aux employés de ne pas envoyer de courriels internes le vendredi après midi. En 2023, cette règle est toujours en vigueur et a fait depuis beaucoup d’émules.

Cette règle en a fait rire plus d’un et s’est traduite par des commentaires dans la presse nationale australienne. Pourtant, l’intention derrière la règle est tout sauf drôle. Il s’agit de donner la priorité au droit de chaque employé de quitter le travail à l’heure le vendredi après-midi. Cela vise à éviter de provoquer de pression suite un courriel tardif qui gâche le temps libre du week-end qui va débuter le soir même.

Cette règle ne signifie pas qu’il n’y a pas de travail le vendredi, mais plutôt qu’il n’y a pas de « nouveau » travail le vendredi. Elle donne à chaque membre du personnel l’espace et le temps pour accomplir ses tâches en suspens et, très probablement, pour nettoyer sa boîte de réception. Cela pose une question plus large : devrions-nous intégrer ce type de pratique au travail pour évoluer vers une culture d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ?

Les avantages d’un tel choix

Cela crée une ligne de démarcation claire entre le temps personnel et professionnel.  À l’heure où tout se mélange allègrement, ce n’est pas mal du tout. Cette séparation permet de mettre à distance les tâches administratives qui s’accumulent souvent en fin de semaine. Cela permet aussi de nettoyer tranquillement sa boîte de réception avant de partir le week-end, le cœur léger..

Cette pratique témoigne d’une réalité, celle de collectifs de travail et de management de plus en plus compréhensifs et réalistes. Ils reconnaissent que la gestion des e-mails et des boîtes de réception est devenue une tâche à part entière qui devrait être prise en compte dans la semaine de travail et que cela ne doit pas déborder sur le temps de repos.

Les inconvénients sont aussi présents

La vie est imprévisible. Les travailleurs sociaux sont bien placés pour le savoir. Un jeune en fugue ne choisit pas de partir un jour particulier de la semaine. C’est même généralement le vendredi que certains usagers des services sociaux posent des actes face à l’angoisse de ce qui peut se passer pendant le week-end.  Or, il est impensable qu’une urgence survenue un vendredi après-midi ne puisse être traitée en raison de l’heure à laquelle elle se présente.

Selon la philosophie stoïcienne, nous ne pouvons pas contrôler ce qui nous arrive, mais nous pouvons contrôler notre réaction. Ne devrions-nous pas apprendre à dire « non » sans compter sur une directive générale pour  poser des limites à tous ? (ceux qui me connaissent savent que je suis plutôt mal placé pour donner des conseils sur ce sujet)

Dans les faits, celle ou celui qui envoie l’e-mail le vendredi ne devrait pas être tenu pour responsable du stress généré chez le destinataire en recevant la tâche à accomplir. Mais on peut toutefois l’inviter à téléphoner et à discuter de ce qu’il faudrait faire avant le week-end. C’est délicat, car comme le disait une collègue, il faudrait dans ce cas travailler « H24 » ! Le travail social, (notamment à l’Aide Sociale à l’Enfance) est un puits sans fond. Il faut aussi se méfier d’une règle générale de communication ou de non-communication susceptible de créer d’autres problèmes auxquels on n’a pas pensé.

Quelle est l’alternative ?

Il y a des moyens plus raisonnables de gérer les attentes sans imposer une action à l’expéditeur. Par exemple, regrouper les jours de la semaine de travail pour créer et gérer des réponses automatiques d’absence du bureau permettant de définir vos propres règles de communication, y compris la fréquence à laquelle vous répondez. Mais cela n’est pas sans risques. Si cette tendance se poursuit, les lieux de travail seront jonchés de directives similaires : pas d’e-mails le lundi matin, car les gens sont en réunion, pas d’e-mails le mercredi après-midi, parce que c’est le creux de la semaine, etc. Votre interlocuteur pourra penser que vous n’êtes jamais là ! Ce qui aura un effet disqualifiant votre travail.

Dans les faits, désengorger sa messagerie consiste à tenter d’abord d’éviter d’engorger celle de vos interlocuteurs. Les messages appellent à produire des réponses ou de nouvelles questions qui vous reviennent en boomerang. C’est pourquoi cela oblige chacun à s’interroger s’il est bien nécessaire d’adresser tel ou tel message en pensant à ce que cela va produire.

Autre exemple : bannir le répondre à tous qui amplifie l’encombrement des messageries et mobilisent l’attention de ceux qui sont peu ou pas concernés. Cette pratique est mise en avant afin de vouloir éviter que tous puissent être informés. Ok, mais c’est assez contreproductif, car la multiplication des messages ne permet plus de savoir ce qui est important et demande une intervention de ceux qui sont simplement à caractère informatif.

En conclusion, la politique de non-e-mail du vendredi après-midi soulève des questions importantes sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Si les avantages sont réels, il reste essentiel de prendre en compte les inconvénients potentiels et de chercher des alternatives plus flexibles et adaptées aux réalités du poste de travail occupé. La gestion des urgences (encore faut-il pouvoir déterminer clairement ce qui l’est) ne permet pas certains aménagements. Il faut donc en trouver d’autres grâce à une réflexion sur ce sujet dans votre collectif de travail

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