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Le travailleur social face à la crise écologique et le développement durable

Les travailleurs sociaux sont tout autant que l’ensemble de la population concernés par la crise économique et écologique qui secoue la planète. Peut-être même plus, car ils savent que dans ces crises, ce sont toujours les plus fragiles qui en paient le prix fort. Or les inégalités s’accroissent par le bas. Nous sommes pourtant bien plus riches aujourd’hui que nous pouvions l’être au sortir de la seconde guerre mondiale. Si  l’économisme qui domine aujourd’hui avait existé à cette époque, jamais  les avancées sociales telles la Sécurité Sociale, les Allocations Familiales, le développement des services sociaux et de protection n’auraient vus le jour. Ils auraient été considérés comme trop peu rentables et insupportables pour l’économie du pays qui faisait face à des restrictions. Pourtant nos ainés ont considéré qu’il était nécessaire d’agir et de protéger au delà toutes les considération économique.

S’en est suivi la période des 30 années glorieuses, celles du « plein emploi », de la reconstruction mais aussi de la consommation et de la pollution dont peu se souciaient à l’époque.  Les Trentes Glorieuses ont été  désastreuses du point de vue de la protection de l’environnement nous précise Reporterre. Ils n’ont pas tort.

Aujourd’hui le temps a changé. Nous savons qu’il nous est compté. Le réchauffement climatique, les luttes pour le contrôle de l’énergie provoquent  des conflits et des déplacements massifs de populations. Les Français comme leurs homologues européens sont globalement convaincus qu’il faut se protéger des étrangers qui arrivent alors que ceux-ci  sont désespérés. Nous n’aurions rien à partager, nous qui consommons bien au delà ce que nous pouvons produire. Nous les laissons se noyer en Méditerranée et nous détournons le regard face à ce scandale alors que l’ONU nous alerte. Les sauveteurs en mer sont à juste titre célébrés mais pas lorsqu’ils sauvent des vies d’immigrés. Ils deviennent alors des délinquants et risquent 20 ans de prison.

Les travailleurs sociaux constatent les effets de la mondialisation, ou plutôt de la globalisation. Tous n’en profitent pas et de nouveaux forçats de la terre sont apparus. Les étrangers sans papier ni droits travaillent dans la clandestinité. Ils ne peuvent obtenir de logements, sont rejetés de tous sauf de certaines entreprises qui n’hésitent pas à faire appel à eux dans l’ombre. C’est ce qui leur permet de survivre sans percevoir les minima sociaux, cachés avec un risque d’expulsion permanent.

Ceux qui aident et soutiennent ont bien conscience que quelque chose ne va pas. Que nous ne sommes pas dans une société accueillante ni logique avec elle même. Ils sont en première ligne face aux injustices sociales qu’ils perçoivent. Dans l’ouvrage collectif  « Le Travail social à la recherche de nouveaux paradigmes« , les auteurs nous expliquent que « les travailleurs sociaux sont en quête de bien commun dans une société globalisée ». Marc Brevigieri nous explique que l’avènement d’une culture globalisée a des effets sur la souffrance des hommes et des femmes. Elle met à l’épreuve les outils classiques du travail social et des politiques d’aide sociale.

« Une tâche aujourd’hui clairement visible du travail social est d’accompagner un mouvement général qui voit entrer l’humanité dans une unique civilisation planétaire qui génère son lot de souffrances ». Ce mouvement généralisé semble prétendre à un progrès grâce à la société numérique qui gommerait les inégalités. Nous sommes là dans « l’illusionnisme technologique » comme nous l’a expliqué un chef de service de la CNIL que j’ai eu la possibilité de rencontrer récemment. Il nous a parlé de cette illusion et des risques qui accompagnent des usages massifs d’algorithmes censé mieux nous protéger que ce soit dans le domaine médical ou social.

Nous souhaitons aujourd’hui un développement durable et soutenable. Mais faut-il encore se développer quand on constate que nous laissons la facture impayée aux générations futures ? Pas si loin de nous d’ailleurs. Ce sont nos enfants et nos petits enfants qui seront en première ligne des conséquences de notre croissance inconsidérée.

C’est pour cela que nous avons aussi à nous mobiliser dans un mouvement général et global avec un  engagement professionnel à vocation humanitaire. « Les êtres humains avant tout »  disait ma collègue assistante sociale face aux rigidités administratives qui l’empèchait  de faire son travail. Oui il y a beaucoup à faire car nous devons tout particulièrement aujourd’hui, chercher à généraliser l’accès à une commune humanité de tous ceux qui vivent ici quel que soit son parcours son histoire et son statut administratif.

En interrogeant les rapports qu’entretient le travail social avec la notion de développement durable, Laurent Menochet pense que l’on peut reconnaître un socle commun de valeurs : une politique sociale basée sur la solidarité et la reconnaissance de l’autre et une volonté de lutter contre l’exclusion et la pauvreté. Ce lien se retrouve dans les politiques sociales engagées, ce qui laisserait penser que le travail social serait un outil du développement durable. Autrement dit, les travailleurs sociaux feraient du développement durable sans le savoir. Mais est-ce vraiment cela ?

Il y a encore du chemin à faire et pour ma part je rêve parfois de la création d’une structure de « travailleurs sociaux sans frontières » qui ici et ailleurs portent des pratiques de bienveillance, de tolérance et de protection de ces populations qui n’ont rien pour elles et dont personne ou presque n’a envie de prendre en considération.

 

photo : Squat Le Monde Une part de vie qui s’en va… Certains droits réservés

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