Dans « Le Silence du juju », la journaliste Armandine Penna et la dessinatrice Diane Morel nous proposent avec humanité une histoire dans un monde particulièrement inhumain. Cette enquête journalistique au long cours, transformée en bande dessinée, nous raconte le parcours de Faith, une jeune femme victime de la traite nigériane. Cette fiction, inspirée de faits réels est le résultat, selon les propres mots l’auteure, d’une « obsession journalistique » qui a commencé il y a plus de 20 ans, lorsqu’elle était correspondante à Tanger. Elle y avait rencontré des migrantes nigérianes en partance pour l’Europe.
Le Silence du juju : un pacte démoniaque
L’histoire nous plonge dans la vie de Faith, une adolescente de 16 ans vivant à Benin City, au Nigeria. Pour soutenir sa famille, elle quitte l’école et donne un coup de main à sa tante dans un salon de coiffure. C’est là qu’elle rencontre une riche Nigériane de retour d’Europe qui lui propose de payer son voyage jusqu’en France et de lui trouver un travail. Bien que consciente de la nature de ce travail, Faith accepte, guidée par son envie d’une vie meilleure et sa volonté d’aider financièrement sa famille.
Avant de quitter son pays, Faith doit se soumettre à un pacte juju. C’est un serment d’allégeance scellé par un prêtre traditionnel.
Elle jure de rembourser entièrement la dette de son voyage et de garder le silence. Sa crainte est de voir les esprits se venger sur elle ou sa famille. S’ensuit alors une périlleuse traversée du Sahara et de la Méditerranée, avant d’arriver sur les trottoirs de Nantes.
Chaque nuit, Faith enchaîne les passes dans des voitures et des parkings. Elle prend conscience de la réalité de cette prostitution d’abattage et de l’énormité de la dette qu’elle doit rembourser. Cependant, elle trouve du réconfort auprès d’une vieille prostituée, d’un pasteur, de travailleuses sociales et du fils d’une camarade de galère. Chacun et chacune l’aident à trouver en elle les ressources pour se libérer de ses croyances et de ses chaînes.
Pour mieux comprendre l’enfermement de ces femmes immigrées
Entre 30.000 et 50.000 personnes sont victimes de la prostitution en France dont 10.000 sont mineures. Parmi elles, il y a ces adolescentes nigérianes prises dans le filet de ce vaste réseau de traite humaine.
Cette bande dessinée, sensible et poétique, rend hommage au courage de Faith et de ses sœurs de lutte. Elle lève le voile sur l’enfer de cette filière de prostitution nigériane, tout en donnant à voir la force des liens que ces femmes exploitées tissent le long d’un chemin qui peut déboucher sur une libération. Car cette histoire est pleine d’espoir.
Les critiques sont unanimes sur la qualité de ce travail. Mediacités la présente comme « une bande dessinée sensible et poétique », et Slate comme « une œuvre poignante et prenante, sans être tire-larmes ». Le magazine les ASH a aussi salué ce reportage graphique. Les libraires et les lecteurs sont également touchés par cette histoire.
Une journaliste engagée
Armandine Penna, n’est pas une inconnue pour de nombreux de lecteurs de titres de la presse sociale. Spécialisée dans notre secteur, elle réalise actuellement en tant que journaliste des reportages pour la presse (Médiacités, les ASH, Directions, etc.) aussi bien à la plume qu’à l’image d’ailleurs. Elle travaillait aussi pour Lien Social.
Cette nantaise d’adoption, manie aussi l’appareil photo. Elle a commencé par travailler en binôme avec des photographes pour ensuite faire ses premières armes sur le terrain.
Cette journaliste indépendante a une fibre sociale peu ordinaire, et même assez extraordinaire, pourrait-on dire. Elle va à la rencontre des plus exclu(e)s dans les centres d’hébergement d’urgence, les maisons de retraite, les instituts médico-éducatifs, les quartiers périphériques ou les caravanes roms…
Pour elle, écrire et photographier sont avant tout des prétextes. Cela lui permet de répondre à son envie de transmettre les histoires singulières et collectives des personnes touchées par l’exclusion, ainsi que l’engagement de ceux – professionnels ou militants – qui les accompagnent.
Une dessinatrice sensible
Diane Morel est une illustratrice indépendante. Après avoir obtenu son diplôme à l’École de Communication Visuelle de Nantes, elle s’est installée comme graphiste et illustratrice.
Sa bibliographie comprend des ouvrages pour la jeunesse, mais elle aussi a plusieurs cordes à son arc. Elle a également travaillé sur des projets abordant des questions de migrations. Elle a ainsi collaboré avec des associations et des ONG pour créer des illustrations et des bandes dessinées qui sensibilisent le public à ces enjeux.
Diane Morel donne vie à l’histoire de Faith. Sa palette de couleurs vives et fortes et son trait tout en délicatesse retransmettent avec justesse les émotions traversées par tous les personnages de cette bande dessinée. D’ailleurs les lecteurs ne s’y sont pas trompés.
Une BD à lire et à offrir
La dimension humaine de l’histoire, met en avant la force et la résilience des personnages. Tout aussi prenants sont les liens d’amitié et de solidarité qui se tissent entre eux. L’histoire de Faith est ainsi présentée comme une vision d’espoir, qui montre que même dans les situations les plus difficiles, il est possible de trouver la force de se battre pour sa liberté et sa dignité. Elle vous permet de suivre les pas et les idées de cette jeune femme qui a une incroyable force de vie.
Cette BD peut se trouver dans toutes les bonnes librairies et ici aussi : editionsdufaubourg.fr/livre/le-silence-du-juju
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