Dany Bocquet, conseillère technique de service social, docteure en sociologie, aujourd’hui retraitée m’a adressé un texte intéressant qui traite de 2 sujets qui sont liés : celui de la place du service social dans les Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) et celui de la pratique du service social auprès des groupes, mode d’intervention qui serait fort utile dans la période actuelle. Cette première partie interroge le dispositif d’aide des étudiants avec notamment la mise en œuvre du « chèque psy ». Nous verrons demain pourquoi le travail social de groupe est susceptible d’être une réponse utile et pertinente pour les aider.
Le service social des CROUS au chevet des étudiants
Les étudiants sont en souffrance. La pandémie au covid ne les a pas épargné. Confinés peut-être plus que d’autres, beaucoup sont éloignés de leur famille. Cours en distanciels, restaurants universitaires fermés comme le reste de la faculté, bars et lieux de convivialité en berne sont, leurs relations sociales sont réduites à peau de chagrin en dehors du téléphone ou de WhatsApp . Les quelques mètres carrés occupés dans leur logement ressemblent à leur nouvelle vie, étriquée. Saisi par les syndicats étudiants des mesures gouvernementales ont été décrétées afin de soutenir la population étudiante. Parmi les mesures annoncées, un « chèque psy » sera délivré à ceux d’entre eux qui en feront la demande pour leur permettre d’accéder à un professionnel de la parole, psychiatres et psychologues. D’autres professionnels en proximité avec les étudiants auraient pu sans doute être sollicités en raison de leurs missions.
Il existe dans chaque Centre régional des œuvres universitaires un service social en faveur des étudiants dont les missions sont énoncées dans la circulaire du 03 février 2014. Mais voilà, le service social des CROUS n’a pas été sollicité. Pourtant, les assistantes de service social sont – seraient ? – en mesure d’apporter leur contribution en raison de techniques d’intervention qui leur sont spécifiques. Comment comprendre ce choix ?
Les réalités estudiantines au temps de la covid
La souffrance psychique et l’isolement générés par la pandémie au covid19 ne sont pas les seuls maux qui affectent les étudiants depuis plusieurs mois. Le dénuement matériel est une autre réalité. L’absence de petits jobs pour combler les fins de mois difficiles provoque une perte de revenus pour beaucoup d’entre eux. Les repas en restaurant universitaire moins onéreux que leur confection à domicile aggrave aussi une situation à l’équilibre déjà précaire en temps normal.… L’amenuisement des interactions sociales, l’inquiétude face à l’avenir, le stress lié aux études à distance sont source de mal-être chez certains étudiants aux manifestations multiples : tristesse, solitude, idées noires, difficultés à travailler ou à trouver le sommeil… 73% des jeunes déclarent avoir été affectés sur le plan psychologique, affectif ou physique et 23% d’entre eux disent avoir eu des pensées suicidaires durant cette période (selon une enquête Ipsos citée par le magazine l’Etudiant). Les étudiants se sentent délaissés.
Les réponses gouvernementales
Emmanuel Macron a fait plusieurs annonces le 21 janvier 2021 lors d’un déplacement à l’université de Paris-Saclay (Essonne) qui visent l’amélioration des conditions matérielles, des conditions d’études, et le soutien psychique avec pour ce dernier point la création d’un « chèque psy ». Nous nous intéresserons plus particulièrement à cette mesure.
Depuis le 1er février 2021 le « chèque psy » doit permettre à tous les jeunes qui témoignent d’une détresse psychologique d’accéder plus facilement, et avec une prise en charge, à un professionnel de l’écoute – psychologue, psychiatre. Parcours de soin gratuit les étudiants devront préalablement consulter un médecin qui évaluera la prise en charge la plus adaptée (aide psychologique, consultation d’un psychiatre). Le « chèque psy » virtuel couvrira trois consultations pour un montant total de 96 euros.
Les freins possibles à la mise en œuvre du « chèque psy »
L’orientation vers ce parcours de soin sera soutenu par la mobilisation de pairs. Il semble en effet que les jeunes en souffrance psychique hésitent à la reconnaître, ou à s’en ouvrir à d’autres. « Les étudiants éprouvent une forme d’autocensure à demander de l’aide à un psychologue. Avec leurs pairs, ils échangent plus facilement sur leurs difficultés », explique le docteur Myriam Riegert, médecin psychiatre qui dirige le Centre d’accueil médico-psychologique universitaire de Strasbourg. Inspiré par le dispositif mis en place par l’université de Strasbourg qui s’appuie sur des « étudiants relais », le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé le 12 novembre dernier la création de 1600 emplois étudiants entre novembre 2020 et janvier 2021 au sein des Crous.
L’objectif est d’assurer la présence de deux référents étudiants dans chacune des 800 résidences universitaires dont la mission sera d’informer notamment sur les aides existantes ou de rediriger vers les services compétents. Myriam Riegert, conseille aux étudiants confinés d’échanger au maximum sur les problématiques qu’ils rencontrent. « Ne vous coupez pas des liens existants. C’est très important d’avoir le soutien de ses proches. Sollicitez l’aide dont vous avez besoin auprès de vos profs, d’un médecin, de votre entourage… ».
Mais il faut tenir compte d’un principe de réalité : Peut-on raisonnablement penser que tous les étudiants en mal-être psychique du fait de la pandémie trouveront une écoute auprès d’un médecin psychiatre ou d’un psychologue ?
- La psychiatrie en France souffre de sous effectifs. On recense 15 479 psychiatres en activité en 2019, soit 23
psychiatres pour 100 000 habitants. - Les psychologues en secteur libéral sont plus nombreux, ils étaient 25 179 en exercice au 1er janvier 2020.
- Le service social en faveur des étudiants fait figure de parent pauvre avec ses 120 assistants sociaux ayant le statut de fonctionnaire qui travaillent dans un CROUS ou dans une université (1).
Élargir l’offre de prise en charge
La mutualisation de ces moyens humains élargirait l’offre de prise en charge si était intégré au parcours de soin. L’intervention avec des groupes des assistants de service social, le médecin premier maillon disposerait là d’un levier supplémentaire pour soutenir l’étudiant qui le consulterait. La complémentarité des étudiants pairs par leur connaissance des dispositifs mobilisables viendrait en soutien des différents acteurs, Quel que soit le domaine de difficulté rencontré par l’étudiant, qu’il soit matériel ou psychologique. Ce choix n’a pas été fait.
De même le service en faveur des étudiants ne semble pas s’être manifesté pour être intégré au dispositif. Plusieurs raisons sont à envisager, parmi lesquelles nous citerons le manque de formation, et la charge de travail. Le service social aux étudiants pourrait intégrer la liste des écoutants à condition d’être mieux formé aux techniques de groupe, et d’être mieux équipé en personnel. Il pourrait apporter une contribution déterminante pour l’amélioration de la santé psychique des étudiants.
Dany Bocquet
conseillère technique de service social
docteure en sociologie
retraitée
note 1 : données issues de l’ouvrage de Brigitte Bouquet et Christine Garcette, « Assistante Sociale aujourd’hui », éditions Maloine, 2011.
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La deuxième partie du texte initial de Dany Bocquet vous sera proposée demain. Nous verrons comment le travail social avec les groupes pourrait répondre à cette nécessité d’aider et de soutenir les étudiants en détresse.