«Les personnes handicapées ont de plus en plus de mal à faire respecter leurs droits». Le site « Faire Face » a interrogé l’adjoint du Défenseur des droits en charge de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité. Patrick Gohet passe ainsi en revue les sujets qui suscitent la colère des personnes handicapées. Notamment le projet de quota de logements accessibles et le gel du plafond de ressources pour les allocataires de l’AAH en couple. Mais pas seulement.
Pas moins de 5 raisons différentes conduisent à constater de nouvelles atteintes aux droits des personnes qui vivent avec un handicap.
La première, la plus connue, est l’accès au logement avec une mesure qui prévoit d’abaisser à 10 % la part de logements accessibles dans les immeubles neufs. C’est un article du projet de loi Élan sur le logement dont le Parlement va débattre qui instaurera cette mesure. C’est vraiment discriminatoire indique le défenseur des Droits. « En substituant à la règle de 100 % de logements neufs soumis aux normes d’accessibilité un quota d’au moins 10%, cet article, s’il passe sera en complète contradiction avec la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées ainsi que la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH). C’est, indique un collectif de 13 associations(1) un énorme recul. Si cet article est retenu, « Il condamnerait alors les personnes en situation de handicap et âgées à ne plus pouvoir accéder qu’à un peu plus de 2.000 logements neufs chaque année ».
La seconde touche directement au portefeuille des personnes handicapées qui vivent en couple. La réforme de l’AAH pour les allocataires en couple aura des conséquences différentes selon le revenu net imposable du conjoint. S’il est supérieur à 1 125 € par mois, le montant de l’AAH resterait inchangé. S’il est inférieur à 1 000 €, l’allocataire bénéficierait totalement de la revalorisation prévue par le gouvernement. Celui-ci a en effet annoncé, en septembre, une revalorisation de l’AAH en deux étapes : 860 € le 1er novembre 2018 et 900 € le 1er novembre 2019. Mais il a aussi décidé, dans le même temps, de geler le plafond de ressources ouvrant droit à l’allocation pour les personnes handicapées en couple. Une pétition en ligne résume cette affaire : 1. Les allocataires de l’AAH vivant en couple n’auront pas de gain en pouvoir d’achat. Cela concerne 230 000 personnes. 2. La fusion des deux compléments de l’AAH affectera 65 000 personnes. 3. Les personnes en emploi titulaires d’une pension d’invalidité verront un perte substantielle de leur pouvoir d’achat. Cela concerne 250 000 personnes.
Le troisième objet de mécontentement porte sur la baisse constatée de reconnaissance des taux d’incapacité. «Les droits accordés par les MDPH ont tendance à diminuer.» précise le Défenseur des Droits. Diminuer le taux permet de réaliser de substantielles économie pour l’Etat et les Départements. «L’incapacité passe de 80% à un taux entre 50 et 79% alors que le handicap est inchangé.» et bien évidemment moins le taux est important moins la compensation est importante
Le quatrième sujet d’inquiétude porte sur les discriminations liées au handicap qui semblent bien augmenter. Avec plus de 93 000 réclamations l’an dernier, savez-vous que le handicap est devenu en 2017 le premier motif de saisine du défenseur des droits (21,8%) avant même l’accès à l’origine (17,6%). (En 2016, le handicap représentait 19% des saisines et l’origine 21,3%.)
Enfin le 5ème point concerne les statistiques de l’emploi relayées là aussi par « faire face ». En un an, le nombre de personnes en situation de handicap inscrites à Pôle Emploi a augmenté deux fois plus vite que celui de l’ensemble des demandeurs d’emploi. Soit plus de 510 000 personnes recensées en décembre 2017. C’est l’AGEFIP qui a révélé cette information. vous trouverez ici le tableau de bord national 2017 « Emploi et chômage des personnes handicapées ». là encore, le défenseur des Droits l’a confirmé : « … la situation des personnes en situation de handicap s’avère particulièrement préoccupante : taux de chômage deux fois supérieur à celui de l’ensemble de la population, durée de chômage plus longue, taux de retour à l’emploi plus faible »
Bref il y a lieu d’être inquiet sur ce que l’on peut désormais considérer comme le recul des droits des personnes handicapées en France cela malgré certaines avancées annoncées sur le montant de l’allocation adulte handicapé. Ne soyez donc pas étonnés que, comme pour les personnes âgées, elles aient envie de manifester leur mécontentement.
(1) ces 13 associations sont : APAJH, APF, ATD Quart Monde, CFPSAA, FAS, Fédération nationale des associations de retraités, Fehap, FFAIMC, Fnath, GIHP, Unafam, Unapei, Uniopss
article rédigé avec le concours de Michelle Verrier Flandre
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