Le recul dans la lutte contre la pauvreté en France est « sans précédent », selon le rapporteur spécial de l’ONU sur les droits humains et l’extrême pauvreté
Le rapporteur spécial de l’ONU, Olivier De Schutter le constate et le dit clairement. Les allocataires de minima sociaux en France subissent « un appauvrissement net tout à fait inédit depuis de très nombreuses années », après la pandémie de Covid-19, avec la guerre en Ukraine et l’inflation.
Le non-recours aux prestations sociales est de plus en plus problématique. Pour le RSA, il concerne « 40% des bénéficiaires potentiels ». Il est de « 30% pour les allocations familiales ». C’est aussi le cas dans de nombreux pays de l’Union européenne. Un tiers des potentiels bénéficiaires des prestations sociales qui ne les réclament pas. Les raisons sont multiples et il y a de quoi être découragé :
- Demander une aide vous fait passer dans la catégorie sociale dite des « assisté(e)s » qui est une stigmatisation que beaucoup ne supportent pas
- Il faut faire face à des obstacles bureaucratiques, à la lourdeur des procédures, et la complexité de la législation qui oblige à bien comprendre les conditions d’accès sous peine d’être considéré comme un fraudeur.
- La peur de sanctions et les catastrophes budgétaires que provoquent les indus conduisent à préférer ne rien demander
- Enfin, il y a le manque d’informations et l’impossibilité pour certains d’accéder aux plateformes numériques pour faire valoir ses droits devenus incompréhensibles.
Conséquences, nombreux sont celles et ceux qui renoncent à utiliser les droits qui sont les leurs. Le rapporteur spécial de l’ONU estime que le fait de mal s’habiller et de ne pas avoir le bon accent, de ne pas avoir les codes culturels, d’habiter dans les quartiers qui ont une mauvaise réputation, est aussi devenu une véritable pénalité pour les personnes. (lire l’article de France Info)
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Proposition de loi anti-squats : « Appliquer ce texte à la lettre pourrait doubler le nombre de personnes sans domicile »
Le Secours Catholique ne décolère pas et s’inquiète : dans un communiqué, l’association dénonce « les conséquences dramatiques qu’aurait ce texte pour les plus précaires, qui paieraient au prix fort les insuffisances de la politique publique contre le mal-logement ». La proposition de loi instaure un nouveau délit destiné à dissuader le squat : l’occupation sans droit ni titre. Mais c’est aussi ce qui arrive aux familles qui ne parviennent plus à payer leur loyer. La situation du ménage qui ne serait pas en capacité de démontrer par un contrat ou titre de propriété que la présence dans les lieux est régulière.
Le texte en fait un délit qui « s’apparente au vol », passible de 3 à 15 ans de prison. Problème : sa rédaction est tellement vague qu’elle emporte avec elle de nombreuses situations dans lesquels les occupants d’un logement, bien que dépourvus de contrat, ne sont pas pour autant des squatteurs et encore moins des voleurs : les personnes accueillies en centres d’hébergement d’urgence, les personnes victimes de faux baux, les sous-locataires, les locataires dont le bail a été résilié, etc. Autant de situations qui seraient donc désormais apparentées à du vol ! déclare Ninon Overhoff, responsable du département « De la rue au logement » du Secours Catholique.
Le deuxième volet de la proposition de loi concerne les expulsions locatives. Il est prévu de pouvoir les accélérer en divisant par deux les délais actuellement en vigueur à chaque étape clé de la procédure. Que ce soit au stade du commandement de payer, de l’assignation en justice ou encore du commandement de quitter les lieux, les délais pour le moment accordés aux locataires passent de deux mois à un seul. Cela court-circuite les dispositifs de prévention qui permettraient aux locataires de rétablir leur situation. (lire le communiqué du Secours Catholique)
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«C’est pas facile» : pour les étudiants, la précarité alimentaire devient dramatique
En France, 1/4 des personnes accueillies dans les banques alimentaires ont moins de 25 ans. Pour s’alimenter à moindre coût, les étudiants sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les distributions gratuites… Chloé Lagadou sur Europe 1 explique que parmi ces jeunes, beaucoup ne vivent qu’avec une centaine d’euros par mois. Elle donne en exemple Éloi qui dispose d’un budget très serré pour les dépenses du quotidien : « J’ai 100 euros de mes parents par mois et je ne travaille pas à côté parce qu’en master MEEF, on a un gros volume horaire », explique l’étudiant à la journaliste :
La journaliste conclut son propos en rappelant que les associations alertent sur la précarité étudiante. Elle ne cesse d’augmenter avec l’inflation. En tout, en France, 500.000 étudiants sont accompagnés par les réseaux des banques alimentaires. (lire et écouter cet article sur le site d’Europe 1)
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Bonus !
Le raz le bol d’une assistante sociale au micro de France Inter.
Je me permets de relayer ce post de mon ami Yves Faucoup, qui, via Facebook, nous fait part de ce cri d’une assistante sociale : il fait suite à la tribune de Baptiste Beaulieu, médecin, chroniqueur sur « Grand bien vous fasse », émission d’Ali Rebeihi sur France Inter. Le 28 novembre, il rappelait son souhait de partager le quotidien de ses collègues soignants, « manière de prendre le pouls de notre système de soins, à la fois du côté des soignants, mais aussi du côté des soignés ». Il considère que c’est son rôle en tant que médecin intervenant sur une radio publique. Alors, il lit le courrier d’une lectrice, qui est assistante sociale, qui l’a ému.
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Photo : Olivier de Schutter, Special Rapporteur on the Right to Food addresses during the 16th Session of the Council of Human Rights. (UN Photo/Jean-Marc Ferre) Certains droits réservés