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Le rapport 2022 de la Défenseure des droits : la dégradation des services publics pointée du doigt

La Défenseure des droits, Claire Hédon, a publié son rapport annuel 2022 dans lequel elle alerte sur la multiplication des atteintes aux droits fondamentaux et aux principes qui fondent la société française. Les réclamations reçues par l’institution ont augmenté de 9% par rapport à l’année précédente, atteignant plus de 125.000. Les relations avec les services publics représentent la majorité de ces réclamations, avec une hausse de leur part de 14%. La protection de l’enfance est également pointée du doigt, avec une hausse de 20% des réclamations. Claire Hédon déplore l’état dramatique de cette protection, faute de moyens suffisants pour les personnes vulnérables.

Dans son rapport qui vient de paraitre, Claire Hédon dresse aussi un large bilan des actions menées par ses délégués sur tout le territoire. Ils ont fort à faire, car les plaintes à l’encontre des administrations sont en augmentation constante face à des services publics qui ne favorisent pas l’accès aux droits des citoyens. La situation se dégrade et la plateformisation des services publics reste un point sombre de ce tableau.

L’année 2022 a été marquée par une série de difficultés récurrentes pour les usagers de services publics. De nombreuses personnes ont contacté le Défenseur des droits et ses délégués territoriaux pour obtenir de l’aide tant elles sont désorientées.

stats 2022 defenseur des droits

Les problèmes rencontrés sont nombreux : des obstacles pour renouveler un titre de séjour, des ruptures d’aide au logement dues aux erreurs dans les données des organismes sociaux, et des démarches numériques compliquées pour bénéficier de « MaPrimeRénov’ » pour ne citer que ces 3 axes qui trustent le haut du tableau des statistiques des interventions de cette institution.

L’accès aux droits reste une variable d’ajustement des services publics

Dans chacune de ces situations, nous voyons des usagers privés d’un titre ou d’une prestation qui leur reviendrait de droit, en raison d’une organisation insuffisante ou inadaptée des services qui auraient dû les leur garantir. Le rapport souligne que la Cour des comptes a elle-même indiqué que, dans les préfectures, les suppressions de postes de ces dernières années n’avaient pas été « réalistes ». Ces suppressions ont eu des conséquences bien réelles sur la vie des ressortissants étrangers : allongement des délais d’instruction des demandes, ruptures de droits, précarité professionnelle et sociale. Bien que le Conseil d’État ait décidé de mieux encadrer les possibilités de dématérialisation des démarches, des administrations continuent de miser sur le « tout numérique », en espérant y gagner la possibilité de réduire les effectifs, mais en faisant courir aux usagers le risque d’y perdre l’accès à leurs droits.

Le Défenseur des droits réaffirme que l’accès aux droits ne doit plus être la variable d’ajustement de services publics insuffisamment dotés. L’égal accès effectif de toutes et tous aux services publics ne peut pas être un simple objectif de politique publique parmi d’autres : il constitue le socle de ce que notre pays doit à chacun de ses habitants, la condition nécessaire pour former une société de citoyens libres, égaux et fraternels.

La citoyenneté sociale, qui repose sur l’idée que les droits sont premiers, nous rappelle que les contrôles, les restrictions et les sanctions ne sont légitimes que pour permettre  la préservation des droits. Les services publics doivent donc garder pour boussole les droits de leurs usagers, rappelle la Défenseure des droits. Elle souhaite  agir pour que s’enracine dans l’ensemble des administrations une véritable « culture des droits ». La médiation, espace de dialogue au sein duquel l’usager peut se faire entendre, doit jouer un rôle dans le développement de cette culture.

Un autre rapport, publié le 15 février 2022, soulignait déjà que la dématérialisation des services publics – qui s’accompagne souvent de la fermeture de guichets de proximité – entraîne un report systématique sur l’usager de tâches et de coûts qui incombaient auparavant à l’administration. L’usager doit s’équiper, s’informer, le cas échéant, se former pour être capable d’effectuer ses démarches en ligne et ne pas commettre d’erreur au risque de se retrouver en situation de non-accès à ses droits. La Défenseure des droits a rappelé dans ce nouveau rapport que la dématérialisation devait s’inscrire comme une offre supplémentaire et non substitutive au guichet, au courrier papier ou au téléphone. Cela suppose de laisser à chaque usager le choix de son mode de relation avec l’administration, mais aussi de ne pas faire porter à l’usager la responsabilité des éventuelles difficultés qu’il rencontre. La mise en œuvre d’une politique du contact omnicanal (numérique, téléphone, courrier, guichet…) doit donc être approfondie et accélérée.

« Il faut redonner tout son sens au service public : l’accès aux droits est une priorité » explique dans le rapport Daniel Agacinski, Délégué général à la médiation

Ces constats et ces nouvelles recommandations ont été largement relayés par l’institution dans de nombreux colloques, interviews, groupes de travail, rendez-vous ministériels et auditions par le Parlement. Les inégalités d’accès aux services publics sont un enjeu majeur pour notre société. Les services publics doivent être accessibles à tous, sans discrimination et sans qu’il soit nécessaire de disposer d’un équipement ou d’une compétence numérique particulière. Il appartient aux pouvoirs publics de prendre les mesures nécessaires pour garantir cet accès à tous les citoyens.

Le rapport de la Défenseure des droits souligne également les conséquences négatives de  la dématérialisation pour les personnes les plus vulnérables, telles que les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les personnes peu alphabétisées ou les personnes ayant des difficultés à utiliser les outils numériques. Cette partie du rapport ne fait que répéter ce qui a déjà été écrit par le passé.  Il est donc crucial que les services publics continuent à proposer un accueil de qualité, avec des agents formés et disponibles pour aider les usagers dans leurs démarches. La fermeture des guichets de proximité ne doit pas se faire au détriment de l’accueil et de l’accompagnement des usagers.

La déontologie de la sécurité est également au cœur des préoccupations de la Défenseure des droits. La légère hausse des dossiers liés à ce sujet (+2%) témoigne de l’importance de cette question, avec 2.455 réclamations enregistrées, dont la majorité concerne l’action des forces de l’ordre. Les manquements à la déontologie de la sécurité représentent 3% des réclamations reçues par l’institution.

Enfin, la mobilisation contre la réforme des retraites a par ailleurs généré des saisines, avec 115 réclamations depuis le début des manifestations. Claire Hédon a suivi pour la première fois le cortège intersyndical parisien du 6 avril depuis la salle de commandement de la préfecture de police, à l’invitation du préfet de police, Laurent Nuñez.

En conclusion, le rapport de la Défenseure des droits met en lumière les défis auxquels la société française est confrontée en matière d’accès aux services publics, de protection de l’enfance et de déontologie de la sécurité. Ces questions sont au cœur des préoccupations de Claire Hédon, qui appelle à des moyens supplémentaires pour répondre aux besoins des personnes vulnérables et à une amélioration de la qualité de l’accueil et de l’accompagnement des usagers. Au vu de ces constats, il est important de se demander quelles mesures concrètes seront prises pour améliorer l’accès aux services publics et garantir le respect des droits fondamentaux pour tous les citoyens.

Le Gouvernement tient-il compte de ce type de rapport pourtant clairement documenté ? Les autorités compétentes souhaitent-elles répondre aux attentes de la Défenseure des droits ? J’en doute un peu pour tout vous dire. Pourtant, il reste essentiel de mettre en place des solutions pérennes pour remédier à ces dysfonctionnements qui affectent la cohésion et la démocratie de notre société.

Source : Télécharger le rapport annuel d’activité 2022 de la Défenseure des Droits

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La photo est extraite du rapport : Claire Hédon crédits photos du rapport David Delaporte, Jacques Witt

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