Christian Chassériaud ancien éducateur, ancien président de l’AFORTS (l’Association française des organismes de formation et de recherche en travail social), est aujourd’hui vice président du Conseil Economique et Social Régional de Grande Aquitaine. Il a été récemment interrogé par le journal la Tribune sur la situation actuelle : le mouvement des gilets jaunes, la pauvreté et l’exclusion sociale. Ce que nous dit aujourd’hui celui qui continue d’agir au sein la commission travail social de la Fédération des Acteurs de la Solidarité mérite qu’on s’y arrête.
Gilets Jaunes : « Le déclassement pour soi et ses enfants »
« Les Gilets jaunes expriment le ressenti d’une grande peur de déclassement social pour eux-mêmes mais surtout pour leurs enfants et leurs petits-enfants ». Il explique qu’après avoir rencontré les gilets jaunes de Pau où il réside, et à Bordeaux que ceux-ci expriment d’abord le ressenti d’une grande injustice sociale. « Ce mouvement n’a étonné personne ou presque parmi les travailleurs sociaux » précise-t-il. « Ces derniers alertent depuis longtemps sur le fait qu’ils voient arriver dans leurs organisations de nouvelles personnes aux frontières de la pauvreté. Des gens qui sont au bout du rouleau et qui viennent recourir à l’aide publique et aux associations malgré eux, parce qu’ils n’ont plus le choix. C’est un phénomène latent qui croît depuis 30 ans et qui n’a jamais été enrayé. Ce sont par exemple des personnes, et donc des familles entières, qui arrivent en fin de droit au chômage et qui viennent nous voir avec un sentiment de honte sociale très violente qui s’accompagne d’un repli sur soi ».
« Nous vivons dans une société qui a décidé de gérer la pauvreté »
Interrogé par le journaliste Pierre Cheminade, Christian Chassériaud insiste sur la montée des inégalités : « depuis 10 ans, beaucoup de travailleurs sociaux s’étonnaient précisément de ce fatalisme, de ne pas voir d’explosion sociale ou de manifestation publique des conséquences de cette casse humaine et sociale liée à la fermeture d’entreprises et de multiples services publics dans certains territoires ».
« Il faut regarder la réalité en face. Soit on combat et on éradique la pauvreté et l’exclusion, soit on la gère. Nous vivons dans une société qui a décidé de gérer la pauvreté, et de payer les pauvres pour qu’ils restent pauvres, plutôt que de l’éradiquer. On peut faire le parallèle avec le drame des immeubles qui se sont effondrés à Marseille en novembre dernier : c’était des logements indignes, tout le monde savait, tout le monde voyait mais personne n’a rien fait pour y remédier ».
« Arrêter cette fabrique à précarité sociale et à exclusion »
La question que pose mon ami Christian, éducateur retraité mais toujours actif, ce n’est pas comment arrêter le mouvement social, mais plutôt comment arrêter collectivement la fabrique à précarité sociale et à exclusion. A titre personnel, Christian Chassériaud se déclare « plutôt optimiste ». « Le mouvement des Gilets jaunes a fait naître un grand espoir social collectif au travers d’une mobilisation, de contacts et d’expressions collectives qui n’existaient pas auparavant et permettent de révéler ces situations. »
« Les politiques doivent maintenant être au rendez-vous pour réparer ces mécanismes qui ne fonctionnent plus. Si ce gouvernement n’est pas au rendez-vous, un autre le sera parce qu’on ne peut pas rester dans l’impasse ».
Personnellement, je me retrouve assez bien dans ces propos. Et vous ?
Photo : Christian Chassériaud (sur son blog – qui mériterait d’être mis jour ;-)