Après ce moment de sidération, de tristesse profonde face à la tuerie dans les locaux de Charlie Hebdo, un moment d’espoir est revenu à travers ces centaines de rassemblements un peu partout en France mais aussi à l’étranger.
Cette réaction salutaire qui, même si elle risque de n’être que ponctuelle, montre à tous que nous sommes nombreux à refuser l’indifférence et la fatalité face aux attaques des valeurs de la République. En effet au delà la disparition d’êtres chers, connus pour leur indépendance et les idées qu’ils portent, c’est bien une certaine idée du « vivre ensemble » qui est attaqué de la façon la plus sauvage qui soit.
Permettre un meilleur « vivre ensemble » et faire lien est bien une des missions principales du travail social. Les liens existent déjà dans la société mais ils semblaient s’inscrire de plus en plus dans des logiques communautaires indifférentes les unes aux autres où chacun critique l’autre et notamment les institutions. En outre, une forme d’individualisme et de repli sur soi conduisent chacun à la morosité.. On ne peut qu’être interrogatif face à une étude qui indique que « la France est la deuxième nation la plus pessimiste du monde. Plus grave, les Français ne sont que 43 % à se déclarer « heureux ».
Certes ce qui vient de se passer ne nous rendra pas optimiste ni joyeux mais les rassemblement pour dire non à la violence et refuser la barbarie nous montrent que l’espoir est bien là et que nous ne voulons pas de cette vision d’un monde indifférent aux autres et aux problèmes qui traversent nos sociétés.
Comment transformer cet élan de résistance et de refus de la violence ? Pourrons nous demain continuer d’agir dans notre quotidien comme si rien ne s’était passé ? Je ne le souhaite pas. Il y a là l’occasion lors de nos entretiens avec les personnes que nous rencontrons d’aborder cette question. Il nous faut développer des pratiques permettant un travail social républicain et citoyen susceptible de proposer une véritable alternative au développement des idéologies violentes et sectaires. Si cette vision peut paraître un peu réductrice, elle n’empêche pas de nous poser la question de savoir comment agir de façon efficace pour le renforcement des liens sociaux dans notre pays.
Vous le savez, de nombreux jeunes mais aussi des adultes qui les encadrent ont un fort désir de trouver une place dans la société dans le respect de leurs différences et de leurs cultures. A coté de quoi passons nous quand par exemple on observe le parcours de Chérif Kouachi ? » « orphelin dès l’enfance de ses deux parents immigrés d’Algérie, a été élevé en foyer à Rennes et a passé un brevet d’éducateur sportif. Que s’est il passé pour que ce jeune bascule dans le terrorisme et la délinquance pour commettre ensuite l’irréparable ?
Plus largement, qu’est ce que nous avons à construire auprès des jeunes que nous rencontrons pour qu’ils gardent en eux les valeurs que nous portons ? Celle du respect de la vie humaine, de la liberté de penser comme chacun le souhaite dans le respect et les idéaux issus des droits de l’homme ?
Ce sont des questions qu’il va peut falloir collectivement nous poser.
Photo : Frédéric BISSON Manifestation Je suis Charlie, rue Jean-Lecanuet à Rouen Prise le 7 janvier 2015 Certains droits réservés