Un métier se révèle de plus en plus indispensable au sein des entreprises, bien qu’il reste souvent méconnu : celui d’assistante sociale. Ces professionnelles, majoritairement des femmes, jouent un rôle clé dans la gestion des problématiques personnelles et professionnelles des salarié(e)s. On les appelle les assistantes sociales du travail, ou encore d’entreprise. Une profession qui existe depuis fort longtemps. Cela mérite quelques rappels :
L’origine de la profession trouve ses racines dans un contexte historique et social particulier, marqué par l’émergence des écoles d’intendantes au XIXe siècle. Ces écoles, précurseures du travail social moderne, ont été créées en réponse aux défis posés par l’industrialisation et l’urbanisation croissantes. Elles visaient à former des femmes pour répondre aux besoins sociaux et sanitaires des populations des villes industrielles, fréquemment confrontées à des conditions de vie précaires et à des problèmes de santé publique.
Avec le temps, leur rôle de ces assistantes sociales spécialisées s’est étendu au-delà de l’intervention d’aide au salarié. Ce changement s’est notamment accéléré durant les guerres mondiales, période durant laquelle les femmes ont dû remplacer les hommes mobilisés au front dans les usines et les entreprises. Les assistantes sociales, formées dans l’esprit des écoles d’intendantes, ont alors été sollicitées pour soutenir ces travailleuses mobilisées pour la production – les hommes étant sur le front – en s’occupant de leurs préoccupations familiales et sociales, afin qu’elles puissent se consacrer pleinement à leur travail.
Après les guerres, la nécessité de soutenir les employés dans leur vie personnelle et professionnelle est devenue une évidence pour les entreprises. Les assistantes sociales ont commencé à jouer un rôle clé dans l’accompagnement des salariés, notamment en aidant les hommes à se réintégrer dans la vie civile et en soutenant les femmes qui avaient rejoint le marché du travail pendant les conflits.
Les assistantes sociales en entreprise sont les héritières de cette tradition. Leur mission s’étend de l’accompagnement psychosocial à la médiation entre employés et employeurs, en passant par leur information sur les ressources disponibles. Elles sont en capacité de proposer de véritables audits permettant de prévenir de multiples risques dont ceux que l’on nomme les risques psychosociaux. Elles travaillent aussi en lien avec les comités d’entreprises. Leur présence sur les lieux de travail répond à un besoin croissant de prise en charge des diverses difficultés que peuvent rencontrer les salariés, qu’elles soient d’ordre financier, de logement, de santé physique ou mentale.
Ces assistantes sociales dites spécialisées sont précieuses pour aider les salariés minés par un conflit, du stress, du harcèlement. Dans son « Guide des risques psychosociaux en entreprise », Caroline Moyat-Ayçoberry les juge même « indispensables » sur ce « créneau ». Mais elles doivent, elles aussi, elles-mêmes, s’en préserver…
Une fonction reconnue, un métier clairement identifié
Le Code du travail prévoit la possibilité d’un service social interentreprises, animé par une assistante sociale du travail qui reste alors extérieure, sans lien de subordination vis-à-vis des entreprises où elle intervient. Selon l’article L4631-1, Le service social du travail, est organisé dans les établissements de plus de 250 salariés. Les entreprises optent souvent pour des services interentreprises pour des raisons financières et organisationnelles. D’après l’article L4631-2, ce service agit sur les lieux de travail pour suivre et faciliter la vie personnelle des travailleurs, en collaboration étroite avec le service de santé au travail. Il est impliqué dans la gestion des problèmes privés ou professionnels des salariés, surtout lorsqu’ils affectent leur travail. Cela inclut des problèmes non sanitaires comme le divorce ou les difficultés financières, qui peuvent avoir un impact significatif sur la vie professionnelle.
Cette « collaboration » peut parfois créer des tensions ou des difficultés de positionnement, notamment en raison de la perception d’une subordination du service social au service de santé. La législation française considère le service social du travail comme une partie intégrante de la dimension médico-sociale, ce qui est pertinent dans les établissements sanitaires ou médico-sociaux, mais moins évident dans les entreprises ou les services publics. Le service social est aussi tenu de coopérer avec d’autres organismes pour aider les travailleurs à exercer leurs droits en matière de législation sociale. Cela inclut la gestion de cas complexes comme les accidents du travail et soulève des questions sur le secret professionnel.
Une spécificité pas toujours bien comprise
En interentreprises, le service social peut être dirigé par un assistant social ou un conseiller du travail. Cette structure favorise une approche médico-sociale, tenant compte de la santé physique, mentale et du bien-être général des salariés. Cependant, cela peut aussi mener à des tensions, notamment en termes de secret professionnel et d’adaptation à la culture d’entreprise. L’assistante sociale est souvent rattachée à la direction des ressources humaines, mais elle reste soumise au respect du secret des échanges qu’elle peut avoir avec les salariés. Ce secret est important, car il permet l’établissement d’une relation de confiance. Si un salarié pense que l’assistante sociale répète ce qu’il dit à son encadrement, le lien se rompt et il ne lui est plus possible d’intervenir correctement. Il s’agit aussi de respecter le droit à la vie privée.
Raymond Taube, directeur-fondateur et formateur de l’Institut de Droit Pratique apporte quelques précisions : « Le Code du travail dit que le service social est « assuré » et non dirigé ou encadré par un conseiller du travail. Pris à la lettre, ce mot pourrait laisser envisager qu’il ne puisse exister d’assistantes sociales du travail, sauf en interentreprises. Cela n’est évidemment pas vrai en pratique : tantôt, le service social est entièrement assuré par une ou plusieurs assistantes sociales, tantôt il est dirigé par un conseiller du travail ou par une personne exerçant les deux fonctions, tantôt par un manager n’ayant ni le diplôme d’assistant de service social, ni celui de conseiller du travail. Cette dernière hypothèse peut être source de difficultés si le manager ignore la réalité du travail social ou s’il peine à admettre que toutes les informations n’ont pas vocation à être partagées avec lui, comme l’illustre la jurisprudence.
Car il est une réalité un peu oubliée : une des spécificités des services sociaux interentreprises est l’absence de lien de subordination entre l’assistante sociale et l’entreprise dans laquelle elle intervient. Le « client » n’est pas l’entreprise mais le salarié qui est soutenu et aidé. Cela peut bien évidemment conduire à des difficultés de positionnement, par exemple autour de la question des accidents du travail. « En outre, précise Raymond Taube, la culture d’entreprise est parfois vivace. Il faut s’y adapter, ce qui n’est pas toujours facile pour un prestataire externe ». Le service social pose alors un regard extérieur sur les situations sociales au sein de l’entreprise… mais aussi sur son management qui n’est pas toujours irréprochable.
Pourquoi les entreprises ont de plus en plus besoin des assistantes sociales du travail ?
Nous vivons une époque marquée par des changements rapides et complexes. Cette évolution s’explique par plusieurs facteurs interdépendants qui affectent à la fois le monde du travail et la vie personnelle des salariés. Les mutations du monde du travail, les attentes des salariés et les évolutions technologiques impactent tout autant les entreprises qui doivent être réactives et soucieuses du bien être de leurs salariés si elles souhaitent les garder. Car les tensions sont multiples :
Il y a tout d’abord, le stress et les problèmes qui y sont liés. Ils ont connu une augmentation significative. 64 % des salariés français ressentent du stress au travail au moins une fois par semaine, une augmentation de 9 points par rapport à la période pré-pandémique. Les assistants sociaux du travail interviennent ici en proposant un soutien et des stratégies pour gérer ces problèmes, contribuant ainsi à un environnement de travail plus serein.
Par ailleurs, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée est devenu un sujet majeur. Les employés, souvent pris entre les responsabilités professionnelles et personnelles, notamment dans les familles monoparentales ou ceux s’occupant de proches âgés, se retrouvent sous une pression accrue. Les services sociaux du travail aident à s’en sortir dans ces situations complexes, réduisant potentiellement l’absentéisme contraint et améliorant la satisfaction de tous, salariés et employeurs.
La diversité et l’inclusion en milieu professionnel sont aussi à l’ordre du jour. Certaines entreprises ont compris la nécessité créer des environnements de travail respectueux et inclusifs en intégrant par exemple des personnes handicapées. Les assistantes sociales jouent un rôle dans la prise en compte des handicaps et des aménagements nécessaires de certains postes de travail. Elles interviennent aussi si des tensions apparaissent entre professionnels.
Ces professionnelles sont actives dans la prévention et la gestion des risques psychosociaux, comme le harcèlement ou le burn-out. Deux sujet sensibles qui sont devenus des préoccupations centrales. Les assistants sociaux aident à identifier et à gérer ces risques, contribuant à prévenir les problèmes de santé et à maintenir un climat de travail respectueux les uns des autres.
Enfin n’oublions pas les changements démographiques et le vieillissement de la population active. Les entreprises doivent gérer des questions liées à la retraite, à la santé et au maintien de l’employabilité des travailleurs plus âgés. Les services sociaux du travail sont essentiels pour accompagner ces transitions. Elles accompagnent aussi les projet de reclassement professionnel.
En conclusion, les services sociaux du travail sont devenus un élément indispensable pour les entreprises. Alors qu’à une époque, ont pouvait craindre leur disparition avec une évolution de la législation, ils sont devenus pour certains indispensables. Ils permettent de répondre efficacement aux diverses tensions sociales et humaines, dans le respect du droit et d’une éthique essentielle dans le monde actuel du travail.
Sources :
- Pourquoi le métier d’assistante sociale a de l’avenir en entreprise | Welcome to the Jungle
- Près des deux tiers des salariés français subissent un stress régulier au travail | ADP
- Le tiraillement des assistantes sociales du travail | Raymond Taube
photo : freepik.com stockking
2 réponses
Bien-sûr que l’assistant social est une clé du succès pour le monde dans mesure où nous abordons un monde qui ne fini pas d’être transformer par l’industrialisation et la modernisation alors que l’homme à du mal a s’adapter a la nouvelle nature du monde c’est dans ce cas qu’on parle de cas sociaux . Et pour ma part l’État doit avoir plus de regard sur ce corps de métier .