C’est la question qu’a posé l’année passée l’Union Régionale des Associations Familiales des Pays de la Loire (URAF). Elle a commandé pour cela une étude à l’ARIFTS, l’institut de formation des travailleurs sociaux qui officie à Angers et à Nantes – Rezé. L’Union Régionale s’est aussi appuyée sur un réseau créé à son initiative : le Réseau d’observation des réalités familiales. Vincent Chaudet, docteur en sciences de l’éducation et de la formation coordonne le Service recherche de l’ARIFTS. Il a mis en place une démarche participative originale et démocratique qui a associé 70 familles qui ont pu ainsi faire part de leur vécu sur l’accès aux soins.
Un rapport qui prend en compte la parole des personnes concernées
70 personnes (41 femmes et 29 hommes) ont participé aux 8 ateliers qui se sont déroulés sur différentes communes des départements de Loire-Atlantique, Sarthe et Vendée. Cette méthode d’ateliers participatifs, portée par l’URAF et animée par le Service Recherche de l’ARIFTS dans le cadre du Réseau d’Observation des Réalités Familiales, a favorisé l’expression individuelle et l’écoute mutuelle.
Mais l’intérêt de la démarche n’a pas porté simplement sur l’écoute des familles. Celles-ci sont allées au-delà en formulant des propositions. 186 préconisations ont ainsi été retenues et extraites méthodiquement des prises de paroles et des échanges en atelier. Elles sont déclinées dans le rapport en 10 thématiques..
Parmi 46 propositions qui visent à combler le manque de médecins et de spécialistes, 21 d’entre elles s’intéressent aux urgences hospitalière alors que 23 concernent les alternatives de soins, de maintien à domicile et de prévention. 16 abordent la question du handicap, des inégalités et de la mobilité, 13 concernent les (mauvais) remboursements et les dépassements d’honoraires. 23 recommandations portent tout autant sur les professionnels du soin et leurs pratiques. Chacune des préconisations est illustrée par un ou plusieurs exemples ou propos exprimés par les participants lors des ateliers.
Santé : ce que nous disent les familles
Prenons le sujet du manque de médecins à titre d’exemple (le rapport comporte 10 thème celui-ci étant le premier présenté).
Il y a d’abord les constats : « Aucun médecin ne veut prendre d’autres patients… ». « Ils s’en peuvent plus, ils saturent et ont envie d’avoir une vie à côté de leur profession. Ce n’est plus un sacerdoce… ». « …Le problème, c’est la répartition. Les médecins s’installent où ils veulent. » « …L’année dernière, on a eu le cas d’un (seul) médecin pour tout le mois de juillet. Ceux qui partent à la retraite souvent sont remplacés par d’autres qui viennent de l’Est et qui ne restent pas… Il manque aussi beaucoup de spécialistes,… les délais d’attente sont très longs. » « On a eu un gros problème. On avait 3 médecins et puis on en n’a plus qu’une, qui a 81 ans. Heureusement qu’elle est là. Et elle se déplace. Elle travaille à l’ancienne, elle est là je pense, 18 heures sur 24. Il faut attendre 2 heures, des fois 3 heures » Sur le littoral atlantique : « Vous avez des populations l’été qui sont multipliées par 10, par 20 ou par 30. Sur la côte, la population l’hiver est à 2.100-2.300 et passe l’été à 50.000. 2 médecins, ce n’est pas assez ! »
Mais il y a aussi des propositions : en voici quelques-unes sur ce seul sujet du manque de médecins. Il faudrait…
… Informer l’Agence Régionale de Santé (ARS) à chaque fois qu’un patient n’a pas de médecin référent, pour les sensibiliser et faire que des décisions soient prises (ce qui est d’ayant plus nécessaire en cette période d’épidémie)
… Dans les déserts médicaux Il faudrait instaurer pour les médecins et soignants en début de carrière, l’obligation de venir travailler 2 ou 3 ans en milieu rural ou dans des secteurs spécifiques, tel que cela se pratique par ailleurs, en contrepartie de leur formation…
…. Faire évoluer les critères sur la fixation du numerus clausus (limitation du nombre de soignants formés) en tenant compte des évolutions objectives de la pratique du métier de médecin, de la démographie et de l’évolution des mentalités…
Pour une participation citoyenne de la population
Pour conclure provisoirement, je vous suggère de prendre connaissance de ce rapport et de sa synthèse. En effet, s’il concerne la Région des Pays de Loire, nul doute qu’il corresponde aussi à des réalités un peu partout en France.
Vous retiendrez aussi de ce rapport que quand on donne la parole aux personnes, non seulement elles la prennent mais savent aussi élaborer des propositions réalistes. Un accompagnement à la parole citoyenne reste nécessaire car cette participation ne s’improvise pas. L’accompagnement comme ici de professionnels compétents comme il en existe dans un centre de formation de travailleurs sociaux fait aussi partie des conditions de la réussite d’une telle démarche. Et ça il faut aussi le souligner !
Merci à Vincent Chaudet qui m’a communiqué cette étude et la synthèse de ce rapport qui intéressera toute personne qui se sent concernée par les politique publiques de santé et de prévention. Vincent Chaudet est aussi à votre disposition si vous souhaitez initier une démarche similaire de participation des habitants sur votre région. (Conseils, pilotage, etc..)
le contact : v.chaudet@arifts.fr tel : 02 41 48 27 37
- Accéder au rapport d’étude « l’accès aux soins pour tous : une utopie ou une réalité ? » réalisé avec l’URAF Pays de la Loire.
- Accéder à la synthèse du rapport
note : je suis par ailleurs membre du conseil d’administration de l’ARIFTS.
Photo : Vincent Chaudet, auteur du rapport lors de sa présentation à l’ARS de l’étude et des ateliers participatifs…