La violence institutionnelle en protection de l’enfance face à celle de certains parents…

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Cette violence particulière est souvent dénoncée et fait porter « à l’institution » c’est à dire à ses dirigeants, une responsabilité particulière qui est décrite comme une violence, c’est à dire  une « force exercée par une personne ou un groupe de personnes pour soumettre, contraindre quelqu’un ou pour obtenir quelque chose ». Mais finalement n’est il pas un peu facile de dénoncer cette violence institutionnelle qui concerne une institution dans un sens général et personne en particulier ?

1er constat, la violence institutionnelle est une réalité décrite dans de multiples ouvrages. Ainsi La violence institutionnelle est selon Stanislaw Tomkiewicz dans « L’’enfant maltraité », une violence commise par des personnes ayant autorité sur des personnes particulièrement vulnérables. il s’’agit de “ toute action commise dans ou par une institution, ou toute absence d’’action, qui cause à l’’enfant une souffrance physique ou psychologique inutile et/ou qui entrave son évolution ultérieure”. 

Mais si l’on applique cette définition en remplaçant le terme « institution » par celui de parent, nous obtenons là une autre définition qui vient en parallèle nous rappeler que ‘on ne peut déconnecter la violence institutionnelle des autres violences qui existent également notamment à l’encontre de l’enfant..  à ce sujet je trouve assez utile le site de l’association française de la promotion de la santé scolaire et universitaire qui, à ma connaissance, n’hésite pas à aborder ce sujet sans tabou ni parti pris.

Personnellement, au regard de ce qu’engage la violence institutionnelle,  je préfère utiliser le terme de maltraitance institutionnelle qui est  utilisé dans le champ médical dans le sens de « mal  traiter » une personne alors que notre mission est au contraire de bien la traiter en la considérant comme un sujet et non un objet. (objet de mesures, de rapports de synthèses, de réunions de concertation etc.)

En effet si la violence est quelque chose de ressenti par un sujet dès lors qu’il est inscrit dans une contrainte, la maltraitance s’appuie sur des faits qu’il me semble plus facile à objectiver. Je peux ressentir une violence alors que mon interlocuteur n’a pas du tout conscience d’en être à l’origine par ses propos où les actes qu’il pose. En outre par exemple, pour certains, aller tous les matins au travail ou à l’école est vécu comme une violence car ce qui s’y passe parfois provoque de l’anxiété et oblige à s’adapter à de multiples formes de contraintes dont certaines relèvent effectivement de la mal-traitance.

Mais revenons en à la protection de l’enfance. Est ce que voir son enfant placé dans une famille d’accueil ou dans un  foyer est perçu par le parent comme une violence institutionnelle ? Oui à mon sens, dès lors que ce parent s’oppose au placement, il ne peut que le vivre comme une contrainte, et aussi une déchirure qui active des sentiments douloureux qu’elle que soit l’origine du placement. En ce sens la personne qui voit son enfant confié sans son accord ne peut que ressentir cette violence : il s’y soumettra ou se révoltera. En tout cas il la vivra au plus profond de lui.

Il me semble que le premier élément pour un travailleur social est d’abord de comprendre cela. Dans une logique de protection, l’acte posé qui consiste à permettre à un enfant de vivre en dehors de sa sphère familiale est une violence  plus ou moins supportée par le parent et aussi parfois l’enfant si celui ci est  conscient de la situation dans laquelle il se trouve.

Ceci dit la violence dans ce cas existe quoi que l’en fasse ou et même si l’on a la volonté de « bien faire ». Souvent la violence du parent, en réponse à la violence initiale qu’il vit, est tournée à l’encontre des travailleurs sociaux ou de leur institutions alors que celles ci ne font qu’appliquer une décision prise par d’autres. La justice impose sa position. Elle est tout aussi en capacité de prononcer un retours au foyer contre l’avis d’un service ASE, que prononcer un placement contre l’avis d’un parent. Ainsi on parle peu des retours en familles contre l’avis des services sociaux alors que ceux ci existent assez régulièrement.

Dans le cas de mesures administratives, le détenteur de l’autorité parentale est le décideur. Si ce n’est pas le cas nous sommes dans du non Droit. C’est du moins ainsi que je le comprends. Soit la décision est en accord avec le parent, soit c’est le juge qui décide et qui lui seul peut contraindre.

La situation se complique de façon importante dès lors que l’un des 2 parents est en désaccord avec l’autre et estime que son enfant est en danger s’il reste avec l’autre parent. En effet la justice mais aussi les travailleurs sociaux et leurs institutions considèrent souvent que le parent est le mieux placé pour savoir si son enfant est en danger. La parole du parent accusateur sera écoutée et versée à charge contre le parent dit « défaillant ». Or de multiples « signalements » se traduisent par des  accusation injustifiées et utilisées pour alimenter un conflit de couple où les parents se déchirent. On le voit notamment avec la multiplication des informations préoccupantes dont l’un des parents est à l’origine. Ce type de dénonciation est devenu une stratégie permettant d’alimenter un conflit plus large, celui qui oppose 2 adultes entre eux

Rappelons à ce sujet que le contraire de l’amour n’est pas la haine mais l’indifférence : Cette haine génératrice de violences est souvent la conséquence d’un amour déçu, où chacun, blessé au plus profond de lui même n’accepte pas ce que l’autre a fait ou décidé. Cela peut devenir assez infernal. Comme beaucoup de collègues j’ai été confronté à des couples séparés qui s’accusent mutuellement des pires manquements à l’égard de leurs enfants et qui au bout d’un moment se mettent d’accord pour s’opposer ensemble contre les travailleurs sociaux et les institutions dans lesquelles ils travaillent. Parfois en devenant « mauvais objet » ils leurs permettent ainsi de se réconcilier.   Bien évidemment cela n’est pas systématiquement le cas, fort heureusement.

En conclusion je crois qu’il est important que nous prenions en compte plusieurs aspect de la violence qu’elle soit institutionnelle ou pas :

  • En refusant de répondre à une violence par une autre plus forte encore.
  • En aidant à la « conscientisation » de ces mécanismes qui parfois « nous dépassent » et en tentant d’en analyser les ressorts
  • En développant des pratiques de « bien traitance » envers et contre tout.

J’ai l’impression qu’en écrivant ce billet, je suis passé un peu à coté de mon objectif initial qui visait à définir la violence institutionnelle. Mais bon c’est ainsi, on ne se refait pas  😉

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0 réponse

  1. C’est intéressant, mais vous n’avez pas parlé d’autre type de conflit entre parent ou l’ASE est instrumentalisée. Or , lors des conflits parents, école ou encore parent équipe médicale, l’ASE soit aussi instrumentalisée par les institutions médico-sociales ou scolaire. Extrêmement fréquent pour les enfants handicapés.

    1. Bonjour
      Je réponds avec un peu de retard, j’étais passé à coté de votre message. Excusez-moi. Effectivement comme vous le soulignez il peut exister de multiples formes d’instrumentalisation de l’ASE par des institutions médico-sociales, cela peut être par l’un des parents lors d’une séparation mais aussi par une institution (scolaire, IME etc.) Je constate par exemple une augmentation très nette des saisines de la CRIP (instance départementale qui gère les informations préoccupantes ) par les représentants des établissements scolaires au mois de juin juste avant les vacances d’été. Certains craignent que l’enfant soit en danger et ne veulent pas être accusés ensuite de n’avoir pas alerté. C’est malheureux mais c’est souvent la peur de se tromper et l’idée d’un risque souvent mal évalué qui provoquent des signalement qui peuvent être tout à fait injustifiés, mais comme dans le nombre, il y en a quelques unes qui le sont, ce sont ceux qui n’ont rien fait de mal ni de répréhensible qui en pâtissent. Pour autant je ne dispose pas de statistiques sur ce sujet…
      Cordialement
      dd

  2. Merci d’avoir pris la peine de me répondre , j’espere que en ce qui me concerne le juge écoutera mon avocat .
    Cordialement

  3. Bonjour, je ne sais pas si vous êtes passés à côté de votre sujet mais je suis heureux que des TS s’intéressent à la maltraitance (violence) institutionnelle . Vous écrivez que parfois les JPE se prononcent contre l’avis de l’ASE .Certains de mes amis qui connaissent le système me disent que c’est très rare . Avez vous des statistiques quant au retour au foyer des parents alors que l’ase avait préconisé le contraire au JPE ? Savez vous si il en existent et ou puis je me les procurer? Il y’a t’i un organisme chargé de cela au sein des CG?

    Cordialement

    1. Bonjour,

      Il n’existe pas à ma connaissance de statistiques nationales ni départementales sur ce sujet mais des statistiques existent sur les décisions judiciaires. il semble que la situation soit très variable selon les tribunaux et les juridictions. Ce que je relate sur ce sujet est ce que m’ont dit des professionnels de l’ASE de mon département : aucune décision du juge n’est « garantie » et un parent qui dispose d’un bon avocat qui a bien préparé son dossier obtient gain de cause relativement facilement d’autant plus si la demande de l’ASE ne s’appuie pas sur des faits établis. Mais ce qui est exact ici peut ne pas l’être ailleurs. L’Etat de Droit existe toutefois et au final c’est quand même le juge qui décide… Ainsi en matière de décisions sur le droit de garde, il existe des statistiques. Autre élément : le projet pour l’enfant (PPE) qui semble bien difficile à mettre en place dans certains Départements a aussi pour objectif de mieux associer les parents et l’enfant (selon son âge) sur son devenir et éviter que l’Aide Sociale à l’Enfance soit dans une forme de « toute puissance » au regard des choix qui sont engagés pour le mineur. ça avance dans l’intérêt de l’enfant en permettant au parent de le rester mais très (trop) lentement à mon gout…

  4. La violence institutionnelles perçue par les équipes doit être travaillée comme les autres formes d’agressivité et violence
    Notre formation orientée vers le médico social prochaine intègre cette dimension

    http://gesivi.fr

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