Ce Département se trouve en première ligne en matière d’accueil des mineurs non accompagnés (MNA) en France. La Seine-Saint-Denis comptabilise un total de 1.433 jeunes qui sont actuellement sous sa responsabilité. 604 d’entre eux sont des mineurs et 829 autres sont des jeunes majeurs. C’est un défi que de répondre à leurs besoins, qui nécessitent des compétences spécialisées et des ressources adéquates.
« Il faut être lucide » explique le président du Conseil Départemental Stéphane Troussel : « les mouvements de population ont toujours existé et vont continuer à augmenter en raison de l’explosion démographique de certains pays et des dérèglements climatiques poussant des millions de personnes à émigrer. En tant que puissance publique, nous ne pouvons pas fuir nos responsabilités, mais devons nous organiser pour proposer un accueil digne et respectueux des droits humains ».
Voilà une prise de position claire d’un élu qu’il faut saluer. En effet, alors que la présence de mineurs non accompagnés excite les velléités d’une droite décomplexée (LR) qui est prête à rejoindre le Rassemblement National (RN) dans le durcissement des conditions d’accueil des jeunes réfugiés, certains élus rappellent tout simplement que le Droit International doit être respecté.
Michel Rocard ancien premier ministre, avait en son temps déclaré Dans le journal Le Monde (le que « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre fidèlement sa part. » C’est cette part qui mobilise Stéphane Troussel. L’élu a récemment présenté la situation des MNA dans son département lors d’un récent colloque du Grand Orient de France sur les mineurs isolés étrangers autour du thème de l’action des collectivités territoriales. Cet article reprend l’essentiel de son propos.
Un accueil croissant de la prise en charge des MNA depuis 2013
L’accueil des mineurs étrangers en Seine-Saint-Denis a connu un tournant majeur en 2013 avec l’introduction des premiers mécanismes de répartition des jeunes sur le territoire. Avant cela, les mineurs étrangers étaient pris en charge par le Département auquel ils s’étaient présentés. En raison de la proximité de l’aéroport de Roissy, un grand nombre d’entre eux se sont retrouvés placés sous la responsabilité du service de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) en Seine-Saint-Denis.
Face à l’augmentation rapide de leur nombre – qui a triplé en trois ans vers 2015/2016 -, le département a dû revoir l’organisation de ses services. Ces jeunes, souvent plus mûrs et autonomes en raison de leur parcours migratoire, nécessitent un accompagnement particulier, notamment pour la régularisation de leur situation administrative. En 2018, la Seine-Saint-Denis a donc créé la CAMNA (Cellule d’Accompagnement des Mineurs Non Accompagnés), une équipe spécialisée comptant aujourd’hui 40 professionnels, dont 20 travailleurs sociaux, des assistants de gestion, une infirmière et un psychologue.
En avril 2019, le département a lancé un appel à projet pour la création de places dédiées aux MNA. Près de 1.100 places ont été créées, gérées par 7 associations, dans des structures comme des petits collectifs, des appartements partagés ou individuels, selon l’âge et le niveau de vulnérabilité ou d’autonomie des jeunes.
Comment répondre aux besoins spécifiques de ces jeunes ?
C’est l’objectif annoncé de leur prise en charge. Ces jeunes ont des besoins spécifiques, qui peuvent varier en fonction de leur parcours de vie. Un aspect crucial de cette prise en charge à leur donner des repères en proposant un « parcours » spécifique pour les primo-arrivants avec des activités régulières dans les locaux de la CAMNA. Il est aussi prévu un parrainage de proximité en collaboration avec l’association Parrains par Mille. La relation de proximité est essentielle.
La prise en charge de la santé des jeunes est tout autant une priorité. Un partenariat a ainsi été mis en place avec la Caisse Primaire d’Assurance Maladie pour offrir aux jeunes un bilan de santé complet dès leur arrivée.
L’accès à la scolarisation et à l’insertion professionnelle est une autre priorité. Les jeunes sont scolarisés en fonction de leur âge et de leurs souhaits d’orientation, et beaucoup se tournent vers l’apprentissage, un parcours qui leur permet de se former, d’obtenir des diplômes et de gagner leur indépendance financière. Le département travaille en étroite collaboration avec l’éducation nationale et diverses associations, malgré la pénurie de places dans les classes spécialisées pour l’alphabétisation et l’apprentissage du français.
La politique éducative de la Seine-Saint-Denis considère aussi l’accès aux loisirs et à la culture comme un élément fondamental. De nombreux partenariats ont été créés avec des associations locales pour proposer une gamme d’activités variées aux jeunes.
Des difficultés persistantes qui créent des situations absurdes
Malgré ces progrès, l’accueil et la prise en charge des MNA se heurtent à des obstacles significatifs. Ils concernent notamment leurs accès aux droits fondamentaux. Mais il y a aussi de sérieuses difficultés de coordination entre les collectivités territoriales et les services de l’État.
Un enjeu majeur est aussi la régularisation de la situation des jeunes à leur majorité. Les problèmes persistants pour obtenir des rendez-vous avec la Préfecture peuvent retarder le processus. Cela a des conséquences directes sur la recherche de formations en apprentissage. et peut entraîner des situations absurdes où des jeunes prêts à travailler et à s’intégrer se retrouvent bloqués par une administration défaillante.
L’accès au logement pour ces jeunes à la fin de leur prise en charge par l’ASE pose également un problème de taille. La crise du logement en Seine-Saint-Denis est telle que même des jeunes prêts à quitter l’ASE peinent à trouver un logement autonome. Même en étant accompagnés et en travaillant.
Une responsabilité collective
Il faut le reconnaitre, la Seine-Saint-Denis a fait preuve d’adaptabilité et de résilience face à l’augmentation rapide du nombre de mineurs non accompagnés sur son territoire. Cependant, il est clair qu’une coordination accrue entre tous les niveaux du gouvernement est impérative pour respecter les droits fondamentaux de ces jeunes et réussir leur intégration.
Il faut aussi une prise de conscience nationale que la tradition d’accueil de la France. Elle ne peut être maintenue par quelques territoires seuls. Face à l’avenir de migrations croissantes dues aux dérèglements climatiques et à la croissance des inégalités, il est de notre devoir collectif d’assumer nos responsabilités et de nous organiser pour offrir un accueil respectueux des droits humains à ces jeunes, car eux aussi, représentent l’avenir de notre société.
Photo : Stéphane Troussel en 2015. Photo Loreleï Mirot sous license Creative Commons Attribution-Share Alike 4.0 International
Une réponse
Merci de ce texte qui met en valeur les actions de ce département pour les jeunes majeurs non accompagnés. Les services de l’Etat devraient prendre exemple de ces actions solidaires et qui facilitent l’intégration de ces jeunes aux parcours difficiles. Merci de nous rappeler cela.