Emmaüs France et le Secours Catholique viennent de formuler 25 recommandations pour sortir du cercle vicieux prison-pauvreté. Il y a de quoi faire. En effet, les résultats d’une enquête pilotée par les 2 structures mettent en évidence l’existence d’un cercle vicieux de pauvreté-incarcération. Il résulte en grande partie d’un impensé des politiques pénales passées et actuelles. Le premier constat accablant réside dans la surreprésentation des pauvres parmi les personnes détenues.
La synthèse de ce rapport permet de mieux comprendre les 25 recommandations suivantes qui sont argumentées :
- Récolter annuellement des données statistiques exhaustives relatives aux pauvretés vécues avant, pendant et après la détention
- Développer massivement les alternatives à l’emprisonnement
- Refondre en profondeur la procédure de comparution immédiate
- Développer de façon importante l’offre de postes de travail
- Approcher la rémunération minimale de celle de l’extérieur à tâche équivalente
- Garantir une meilleure protection sociale des travailleurs
- Permettre un accès égal des femmes au travail, à la formation et aux activités socio-culturelles
- Inscrire l’exécution de la peine dans un modèle de transition écologique
- La formation doit être qualifiante, correspondre aux offres d’emploi à l’extérieur et être rémunérée
- Les permissions de sortir en vue de l’immersion en milieu professionnel doivent être favorisées
- La dotation mensuelle aux personnes objectivement repérées comme étant les plus pauvres doit être portée à 50 euros
- Un mécanisme de contrôle de l’approvisionnement des stocks d’aides en nature doit être mis en place
- Une refonte du système des cantines est nécessaire
- La traduction en plusieurs langues de l’ensemble des documents relatifs à la détention doit être systématique, de même que le recours à de l’interprétariat professionnel
- Garantir l’accès des personnes étrangères à leurs droits en matière de séjour
- Diminuer le prix du téléphone et garantir une dotation minimale afin que les plus démunis puissent communiquer avec leurs proches
- Instaurer, sous conditions de ressources, la mise en place d’une aide forfaitaire pour le trajet et l’hébergement des proches venant en visite
- Développer la qualité des parloirs et le nombre d’unités de vie familiale
- Garantir un accès au numérique encadré en détention
- Créer un statut d’intervenant associatif dédié
- Renforcer les mécanismes d’accès aux droits en détention
- Préparer la réinsertion sociale des personnes à la sortie de détention en mobilisant un accompagnement social global tout au long de la peine, afin de lutter contre les ruptures de parcours
- Développer les aménagements de peine et peines exécutées en milieu ouvert
- Coordonner les interventions des différents acteurs intervenant auprès des personnes placées sous main de justice
- Améliorer la prise en compte des besoins des personnes placées sous main de justice en intégrant les SPIP dans les différentes instances d’élaboration des politiques publiques de lutte contre l’exclusion
Ces propositions ont peu de chances d’aboutir quand on connait l’opinion des Français sur ce sujet. Dans une étude publiée en septembre 2019 par le ministère de la Justice, on apprend sans surprise que nombreux sont ceux ont des représentations influencées par les discours médiatiques et les prises de positions politiques.
Mais un espoir demeure, car dans une autre étude, elle aussi, publiée par le ministère de la Justice (juin 2013), 71% des Français, estiment que la prison doit changer, notamment en ce qui concerne les conditions de détention.
Il reste que la réalité carcérale n’est pas vraiment connue des Français même si plus d’un sur deux (53 %) pense qu’il lui est possible d’être mis un jour en prison. Il y a 4 typologies d’opinions sur ce sujet
- Un peu plus d’un quart des Français (27%) ont une opinion globalement bonne sur la prison
- Pour 18 % des Français, la prison dégage une image négative et doit être changée
- Un quart des Français (26%) se déclarent partagés entre satisfaction et insatisfaction
- 12 % de nos compatriotes se déclarent sans opinion particulière sur ce sujet
Cette étude date un peu. L’opinion des Français est peut-être aujourd’hui différente. Pas sûr que ce soit dans le bon sens.
Lire :
- Le rapport complet « Au dernier barreau de l’échelle sociale : la prison »
- La synthèse de ce rapport
- Ministère de la Justice Cahiers d’étude n°49 Représentation des Français sur la prison
- Infostats Justice n°122 : Les Français et la prison
Emmaüs France a mis en ligne des podcasts que vous pouvez découvrir ici ou sur YouTube :
#1 | Qui sont les détenus
#2 | La détention, une expérience précarisante
#3 | Quelles perspectives après la prison ?