« La justice climatique : une préoccupation majeure du travail social ». 6 actions à promouvoir

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Il y a 3 ans déjà, la Fédération Internationale du Travail social avait interpellé les pouvoirs publics face à un gigantesque incendie qui avait ravagé la forêt en Amazonie. Les travailleurs sociaux d’Asie et du Pacifique dénonçaient alors le modèle économique qui en était la cause. Ils avaient lancé un appel à leurs collègues du monde entier pour que la crise climatique soit considérée comme une urgence non négociable. Les délégués de cette conférence internationale représentant 33 pays avaient alors identifié le rôle du travail social dans l’action pour le climat.

conférence IFSW asie india
(photo : 25th Asia-Pacific Social Work Conference, Bangalore, India)

Les effets du dérèglement climatique affectent désormais tous les pays, notamment européens. En France, les canicules qui se succèdent et les gigantesques incendies difficiles à maitriser nous rappellent l’importance que soit mise en œuvre une véritable politique sur ce sujet.  Les travailleurs sociaux qui avaient participé à la journée mondiale en faveur de la justice climatique ont apporté leurs contributions qui ont permis de construire une déclaration solennelle.

1. Des constats partagés

Le monde est confronté à des niveaux sans précédent de crises sociales et environnementales ; le changement climatique, les pandémies, les inégalités persistantes, l’absence de consensus international au niveau géopolitique et l’augmentation des conflits. Ces crises sont entrelacées et ont des effets profonds sur les personnes et leurs communautés à travers l’augmentation spectaculaire des défis économiques, sociaux, émotionnels et écologiques.

L’environnement a été menacé par l’exploitation et la dégradation de la planète, des peuples et des cultures dans une logique de colonisation. Tout cela a été aggravé par les politiques économiques néolibérales ancrées dans les pratiques des États. Ces politiques ont contribué à la dégradation de l’environnement, à l’augmentation des inégalités sociales et économiques, à la réduction des droits, à des systèmes de protection sociale formels minimaux, à l’augmentation des migrations, et dans certains pays, à la violation des droits de l’homme.

Les cinq dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées, posant une menace existentielle pour la planète.

  • La pandémie liée à la Covid-19 a créé une grande détresse à travers le monde, mais pour les plus marginalisés, il a mis à nu des inégalités enracinées aux niveaux social, sanitaire et économique.
  • Le changement climatique augmente l’insécurité alimentaire car le système mondial de production alimentaire contribue au changement climatique, représentant plus d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre, avec un accès limité à des aliments sains.
  • Les conflits armés entraînent également des urgences humanitaires complexes, des personnes déplacées à l’intérieur du pays, des réfugiés, la pauvreté, la faim et la famine.

Des travailleurs sociaux de plus en plus concernés

Les crises croissantes sont liées au changement climatique. Mais il y a aussi la destruction de l’environnement, les conflits et les inégalités mondiales (y compris le manque de systèmes de protection sociale) Ces réalités confèrent aux travailleurs sociaux un rôle essentiel dans ce mouvement mondial visant à remédier à ces inégalités.

En 2021, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (ONU) a voté une résolution sur le droit à un environnement propre, sain et durable. Il a permis la nomination d’un rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans le contexte du changement climatique.

Rory Truell, secrétaire général de la Fédération Internationale du Travail Social, a formulé 6 actions prioritaires à engager pour co-construire un monde soutenable et solidaire.

1. Rejeter la notion de PIB (produit intérieur brut) Ce qui est considéré comme un indicateur de progrès ne fonctionne pas à l’échelle mondiale. Son utilisation renforce le statu quo de l’inégalité et de l’insoutenabilité. De nombreux économistes, estiment qu’il faut repenser le rôle de l’économie dans le développement durable et bien-être. Le PIB mesure la production de biens et de services ; ce n’est pas mesurer la durabilité, la qualité de vie des personnes, leurs contributions à la société, ou si les droits de l’homme ont été réalisés ou non.

2. Reconnaitre les droits de la nature pour un développement durable : En clair, cesser d’exploiter les sous-sols en extrayant des combustibles fossiles. Il faut développer les énergies renouvelables. C’est essentiel. Il nous faut aller vers un changement de mentalité qui reconnaît que les humains n’ont pas à avoir une domination complète sur la nature pour leur seul plaisir. Cela rejoint des philosophies indigènes qui reconnaissent les droits des océans, du ciel, rivières et terres.

3. Lutter contre les nationalismes égoïstes : co-construire un monde éco-social équilibré pour notre survie, conduit à reconnaître que les intérêts nationaux et individuels passent après l’équité mondiale. Nous vivons dans des systèmes démocratiques étroits qui privilégient une population par rapport aux autres. Il en est de même pour certains mouvements sociaux qui mettent en évidence un ensemble de préoccupations sans toutefois tendre la main aux autres ; les deux échouent à coconstruire des avenirs partagés pour le bénéfice de tous. Ces pratiques conduisent à laisser les gens de côté pour compte.

4. Changer la logique des marchés en faisant appel à notre responsabilité de consommateur. Le monde est loin de suffisamment promouvoir des marchés éthiques et durables et un commerce équitable. La majorité des entreprises multinationales, par exemple, ont largement contribué à inégalité, non-paiement des impôts dans les pays où les produits sont fabriqués ou vendus et agir sans se soucier du bien-être des personnes et de leurs communautés. Le poids et les actions des consommateurs peuvent faire évoluer ces pratiques… Cela suppose que soit mis en avant une autre philosophie conceptuelle du commerce respectueux des hommes et de la nature.

5. Promouvoir un Droit du Travail respectueux des humains avec des conditions de travail décentes Les syndicats et les mouvements ouvriers ont, depuis leur création, réclamé des normes internationales, des salaires décents et des conditions de travail correctes. C’est essentiel pour éliminer la pauvreté. Les normes internationales du travail existantes, ne sont pas vraiment mis en œuvre dans une grande partie du monde. Même dans nos sociétés dites libérales, il est nécessaire de se concentrer sur les fondamentaux universels et les droits de l’Homme indivisibles : protection contre le travail forcé, protection des enfants, absence de discrimination, la liberté de former et d’adhérer à un syndicat et de négocier collectivement. Ces principes peuvent être étendus pour inclure un salaire décent et un travail des environnements qui favorisent l’appartenance et le bien-être.

6. Rappeler les responsabilités des États. Pour que personne ne soit laissé pour compte, il faut que soient mis en œuvre des changements dans les politiques et pratiques publiques.  Les pays qui s’en sortent mieux dans la pandémie se sont recentrés des dépenses publiques réactives vers l’investissement dans bien-être et la protection de leurs citoyens en impliquant leurs communautés dans le développement de nouveaux processus. Il faut non seulement donner des moyens aux services de santé et aux services sociaux pour qu’ils puissent s’engager pour co-concevoir services préventifs et réactifs, construire un capital social et répondre au bien-être besoins de leurs communautés.

 

Note : j’ai tenté de traduire et résumer les 6 propositions de Rory Truell en ajoutant certains aspects qui me paraissent tout autant essentiels

 

Photo : Assemblée plénière des représentants de la conférence internationale Asie-Pacifique qui s’est tenue en Inde ( Bengalore)

 

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Une réponse

  1. Bravo Didier pour cette information importante, qui, une fois de plus, sort les représentations qu’on peut avoir du travail social, nous pousse vers une réflexion politique plus radicale et moins égocentrée!
    J’espère que vous avez reçu mon livre « Délivrez-nous du management!
    L’association de travailleurs sociaux qui vient de se créer à Strasbourg me demande d’y faire leur prochaine conférence en septembre.
    Quel bonheur de les rencontrer!
    Bien cordialement, votre blog est super…
    JF

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