Mercredi avait lieu à Paris au ministère de la Solidarité une journée d’étude et d’échange sur la place du numérique dans les pratiques du travail social. On utilise pour cela le terme « d’inclusion numérique » car évidemment, il est espéré que ces outils qui s’imposent à nous permettent à tous de s’inclure et de trouver place dans la société. Les réflexions lors de cette journée nous ont montré que cette ambition est loin d’être atteinte. Certes les outils numériques apportent de réelles plus value mais ils risquent aussi de creuser des inégalités.
Le Guide Familial a été très rapide pour publier un article qui traite de cette question : « Le travail social en attente de médiation numérique » nous explique Olivier Bonnin qui a suivi l’après midi un atelier auquel j’ai pu participer. En effet écrit-il « Les travailleurs sociaux peuvent être en première ligne pour accompagner les exclus du numérique. Parmi les Français ayant moins de 1 400 euros de revenu mensuel, 31 % n’utilisent pas Internet, d‘après l’enquête « Capacity » sur les usages numériques des Français. Ce taux de non internautes n’est aujourd’hui que de 16 % dans la population générale…
Reprenons des extraits de ce qui a été dit lors de cette journée.
Jean Philippe Vinquant directeur général de la cohésion sociale, a posé le cadre en introduction de la journée : La fracture numérique est un risque qu’il faut maîtriser. Prenant exemple sur un logiciel mis à la disposition des maraudes, les travailleurs sociaux peuvent connaitre très rapidement le lieu où se trouve une place d’hébergement pour la nuit. « Avec le numérique on va plus vite mais avec l’humain on va plus loin » a-t-il précisé. Et on ne pourra sur ce sujet que l’approuver.
Qu’en est-il de l’utilisation des outils numériques par nos concitoyens ? Jean Francois Marchandise et Margot Beauchamps ont posé plusieurs questions en s’appuyant sur les résultats de l’enquête Capacity sur les pratiques numériques des Français : « le numérique renforce-t-il les inégalités ? » « Est ce un ascenseur social ? », « Quelle place prend-t-il dans l’éducation et la formation ? »… Certains résultat font tomber quelques idées reçues. Oui le numérique se diffuse mais les difficultés sociales dans l’usage du numérique concerne tous les milieux sociaux. l’effet de « massification » des outils et logiciel ne doit pas créer l’illusion que tous utiliseront Internet. 16% des Français n’utilisent pas Internet. Il s’agit d’une population relativement âgée : 62% des non-internautes ont plus de 65 ans, 37% entre 50 et 64 ans. Également en rapport avec l’âge, les non-diplômés sont surreprésentés : la moitié des non-internautes dispose d’un niveau d’étude élémentaire ou collège (contre 15% de l’échantillon total).
Plus surprenant l’enquête qui s’appuie sur un questionnaire auprès de 2000 particuliers révèle qu’environ 14% des personnes qui ont déjà utilisé Internet dans le passé ne le font plus. Certains revendiquent le fait d’être des « déconnectés ». Près des deux tiers des non-internautes s’estiment en effet plutôt plus heureux sans Internet que s’ils y étaient connectés. Cette absence de connexion à Internet conduit même parfois à une certaine fierté : plus d’un tiers déclare qu’il lui « arrive d’être fier de ne pas utiliser Internet ». Mais pour certains «abandonnistes», l’absence d’intérêt et le manque de compétences sont principalement cités. D’autres raisons sont souvent mises en avant : le coût et la peur du manque de confidentialité des données sur Internet.
Pourtant Internet pourrait leur être utile notamment dans un domaine celui des démarches administratives
David Soubrié de la DGCS et Sarah Lecouffé de l’Union Nationale des CCAS ont ensuite fait part d’un retour d’expérimentation sur le coffre fort numérique. Cet outil permet de stocker et retrouver ses documents avec un haut niveau de sécurité. Deux modules ont été expérimentés avec un coffre « généraliste » et un autre qui peut être ouvert par un tiers tel un CCAS. 900 coffres ont été créés. 16 CCAS ont participé à l’expérimentation : Amiens, Angers, Besançon, Bordeaux, Briey, Clermont-Ferrand, Entre-Deux, Laxou, Maxeville, Nancy, Nice, Paris, Rennes, Talence, Saint-Louis et Saint-Quentin. Ces 16 CCAS ont été mis en relation avec 5 offreurs de coffre-forts numériques, suite à l’appel à coopération lancé par la DGCS : Adileos, CDC Arkhineo/Primobox, Coffreo, DigiPoste et SOS/REconnect.
Il a été constaté que s’ils se sont révélés utiles pour stocker des documents administratifs, ces coffres-forts numériques ont été très peu utilisés par les personnes concernées. 2 connections en moyenne par coffre, cela fait très peu. Le système a besoin d’être amélioré. Il faut pouvoir y accéder sans utiliser une adresse de messagerie et il faut des fonction et un affichage facile à lire et à comprendre. Beaucoup de questions ont aussi été posées lors de l’expérimentation sur la sécurité des données… Vous pouvez trouver sur le site de l’UNCCAS un bilan de cette expérimentation.
En fin de matinée une table ronde a réuni plusieurs intervenants notamment Olivier Noblecourt, le Délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, Joëlle Martineaux, la présidente de l’UNCCAS et Antoine Darodes directeur de l’agence du numérique. cela s’est traduit pas des échanges avec la salle. A ce sujet, le public, était très divers avec non seulement des travailleurs sociaux mais aussi des acteurs du numérique et de la médiation. Tous semblaient sur « la même longueur d’onde ». Sans nier les difficultés mais sans non plus les amplifier. Car évidemment on ne peux nier que l’utilisation du numérique pour l’accès aux droits actuellement ne va pas de soi. Mais il ne faut pas se tromper : il est souvent attribué au numérique des défauts qui ne sont que la conséquence de la complexité administrative qui existait avant les outils. Il va bien falloir un jour simplifier tout cela.
Plusieurs ateliers étaient proposés l’après midi :
Atelier 1 : Mettre en place un coffre-fort numérique : pourquoi et comment ?
Atelier 2 : Les articulations entre médiation numérique et travail social pour un meilleur service aux personnes
Atelier 3 : Le numérique : Quelles ressources pour les jeunes vulnérables ?
Atelier 4 : Comment élaborer et mettre en place une stratégie d’inclusion numérique sur son territoire ?
Atelier 5 : Présentation et enrichissement des outils produits dans le cadre de la stratégie nationale pour un numérique inclusif
Pour conclure cette journée Corinne Michel de la DGCS a indiqué que l’on aurait pu appeler la journée « risques et opportunités du numérique ». L’inclusion numérique est un enjeu de politique sociale dit-elle. « elle s’inscrit dans une démarche au long cours avec des réalisations concrètes ». Corinne Michel a aussi rappelé que « Nous portons tous des zones de vulnérabilité et ce que nous faisons pour les autres doit pouvoir servir à tous ».
Les éléments recueillis au cours de cette journée vont alimenter la réflexion nationale menée par la direction de la cohésion sociale. L’enjeu est tel qu il ne peut être porté que collectivement tant au plan national qu’au plan territorial et local. Un compte rendu sera proposé ultérieurement
photos : merci à Olivier Bonnin pour les 2 photos (table ronde + vignette) les autres photos bien plus floues ont été prises avec mon smartphone
Note : il manque dans ce compte rendu le contenu de la table ronde et les échanges avec la salle que je n’ai pu noter ayant participé à ceux-ci. Je crains ne pas être très objectif, pour sa restitution tout comme pour celle concernant l’atelier 2 dans lequel j’ai présenté une partie des travaux du groupe numérique du HCTS.